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Mes hommages.
En ces temps de festivités, j’ai eu envie de te faire un cadeau. Rien de bien extravagant ni de dégoté chez Tiffany, mais quelque chose qui vient du cœur. Direct du plexus, avec une assiette de pattes d’ours et une tasse de lait bien chaud.
C’est qu’on les oublie, ces petites attentions-là. Dès que décembre se fait aller le glas automnal (SHAKE THAT GLAS, DÉCEMBRE. SHAKE IT!), tout de suite, débute la mascarade du petit gars qui escalade péniblement les marches tapissées de sa maison victorienne en pyjama à pattes, au rythme d’une ritournelle chantée avec passion par sa grande sœur qui vit dans le locker sous l’escalier, chargé d’un immense baluchon-bâche Best Buy dans lequel se trouvent toutes les splendeurs des blu-rays, des laveuses frontales et des béciques à pédales qu’il compte offrir à ceux qui lui sont chers.
Des petites affaires. DES PETITES PENSÉES.
C’est qu’on aime ça, dire que le cadeau que Cousine Claire est après ouvrir, c’est « juste une petite pensée ». Ça te dédouane le moine dans cette insoutenable minute où elle déchire le papier kraft avec appétit et mitaines de four et où tu te mets subitement à douter.
Shit de cul. Pourquoi est-ce que je suis allée lui acheter un assortiment de bandanas? Cousine Claire aime-t-elle les bandanas tant que ça? Souscrit-elle seulement au catalogue de chez Screaming Eagle? Ça y est. Elle déchiquette avec appétit le dernier coin de la boîte. Dans quatre secondes, Cousine Claire va me honnir jusqu’au mercredi des Cendres et courir s’enfermer dans les cabinets en pleurant ses Noëls, où St-Nicolas lui apportait des oranges, pis des pieds de bas pour qu’elle puisse marcher six miles jusqu’à la petite école de rang.
Et puis surprise! COUSINE CLAIRE EST RAVIE.
Elle kiffe grave son nouveau choix de coiffes.
Le cœur t’a fait trois tours. Le moment est réjouissant, mais tout ce stress t’a souillé cœur et culotte. Tous ces sparages en valent-ils vraiment la peine? Cette longue expiration tuberculeuse que tu pousseras en te demandant ce que viarge, tu pourras bien offrir à papy, Lisette, ta collègue Sue et sa marmaille?
Eh bien cette année, CETTE ANNÉE, tu pourras enfin ravir parents et proches d’un cadeau qui ne coûte pas un écu, qui fait plaisir et qui ne flirte pas avec ce petit calepin de coupons de « Je t’offre un souper avec moé » ou « On ira se promener un parc un manné » tout à fait fantastiques dans l’art et l’intention, mais qui ne servent jamais parce que c’est étrange, tendre un coupon de « On s’était pas dit qu’on allait jardiner? » à ta sœur, flingue sur la tempe.
À chacun sa techniquette.
Si tu dépenses pas dans un drône au profit d’un collimage, je t’applaudis déjà.
Toutefois.
Ce que tu peux aussi offrir, cette année, c’est un vaste éventail de synonymes.
Oui! Des synonymes.
Pour un mot précis.
Un mot qui me donne envie de m’asseoir doucement sur un sabre dès que tes labiales se contractent pour en prononcer les charmes.
Quand tu mordras dans le pâté à la viande de Mamie Blue, je t’en prie, pour les heures qu’elle aura passées, à en pétrir porc, pâte et crisco, ne prononce pas le mot.
Ne le prononce pas.
CAR CE PÂTÉ N’EST PAS « TASTE ».
Un spéghétti meatballs n’est pas taste.
Un aspic n’est pas taste.
Une cuillerée de Bovril n’est pas taste.
Le plus taste des cuisseaux de sanglier, servi avec une prune qui retrousse dans un chapeau d’homme N’EST PAS TASTE.
Le très « Louis XIV » mot taste n’est pas une petite fête pour papilles et osselets. C’est un corbillard pour ton verbe, ta pertinence et la confiance que je porterai à la petite bouchée de gâteau aux fruits que tu me tendras d’une pourtant bienveillante main.
Je t’en prie, Cécile. CESSE DE DIRE TASTE. Immédiatement.
Ce sera, pour tous, le plus doux des cadeaux de Noël.
Ta tarte à la farlouche n’en sera pas moins délicieuse.
Goûteuse.
Exquise.
Bonne à t’en rompre le bermuda.
Rendu là, je t’accorde même FULL CAPOTANTA.
#NeverTasteAgain
La bise.
PS TENDRESSE : aussi, embargo sur #MENOUM pour la vie. Merci.
Pour lire un autre texte de Catherine Ethier: « Plate, rare ».