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Cauchemar sur canapé : que faire quand on n’a pas confiance en son psy?

Ghosting, misandrie, grossophobie et gaslighting, certain.e.s psys sont des cordonniers bien mal chaussés.

Par
Laïma A. Gérald
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« Quand tu n’as pas de lien de confiance avec la personne qui est censée prendre soin de toi, comment tu avances? »

C’est la question plus que légitime que s’est posée Pascale au sortir de quelques séances de thérapie décevantes avec un psychologue.

Si les consultations en psychologie devraient servir à surmonter une épreuve ou obtenir du soutien en cas de détresse, certaines expériences sont parfois moins roses.

Que faire si on tombe sur un.e psychologue avec qui ça ne clique pas ou que son approche ne nous convient pas?

Comment savoir si ce qu’on perçoit comme un comportement problématique de la part de son ou sa psy en est vraiment un?

Et surtout, quels sont les impacts d’une thérapie qui bafoue le cadre thérapeutique?

Nous avons recueilli quelques témoignages et en avons discuté avec Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

« Mon psy m’a ghostée! »

Alors que les « ça va bien aller » tente de mettre un baume sur la santé mentale plus que jamais fragile de la population, les listes d’attentes pour consulter un.e psychologue, tant au privé qu’au public, ne cessent de s’allonger.

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Dès le début de la crise sanitaire, Pascale tombe en dépression. À l’été 2020, la jeune femme s’inscrit alors sur une liste d’attente afin d’être prise en charge par un.e professionnel.le du réseau public. Ce qui devait initialement représenter un délai de six mois s’étire. Pascale est contactée un an plus tard, à l’été 2021.

«Il ne m’a jamais réécriT. Je me suis fait ghoster par mon psy!»

« J’avais demandé de consulter une femme, mais on a m’a attribuée un homme. Je savais que j’allais parler de violences sexuelles et une femme m’aurait rendue plus à l’aise », raconte la trentenaire, qui comprend toutefois que le système déborde. « J’avais aussi demandé d’être contactée par Zoom, mais au premier rendez-vous, le psy m’a appelée par téléphone. On a perdu quinze minutes à juste se connecter. »

Une fois le contact établi, Pascale, qui peine à se lever le matin, à travailler et à accomplir ses tâches quotidiennes, se fait servir des « il faut te reprendre en main », « ça va bien aller », « tout le monde est dans le même bateau en ce moment ».

La jeune femme n’est pas convaincue, mais se dit qu’il s’agit de la première rencontre.

« Au deuxième rendez-vous, il m’a encore contactée par téléphone alors que j’avais bien spécifié que je préférais Zoom. Ça peut paraître anecdotique, mais ça fait que je ne me sentais pas écoutée, fait valoir Pascale. Quand le psy a fini par se connecter en visioconférence, ce qui nous a encore fait perdre du temps, j’ai réalisé qu’il était dans sa voiture. Je ne connais pas ses raisons, mais disons que ça ne m’a pas mise dans les bonnes dispositions pour parler de violences sexuelles et de relations toxiques. »

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À la fin de la séance, le professionnel annonce qu’il va bâtir un plan d’intervention et recontacter la patiente pour la suite des choses.

« Il ne m’a jamais réécrit, déplore Pascale. Je me suis fait ghoster par mon psy! »

Elle contacte alors la travailleuse sociale qui avait évalué son cas en début de parcours. « J’ai vu un système de santé débordé qui essaye de gérer une province qui ne va pas bien! », constate Pascale, bien consciente de l’état mental de la population depuis deux ans maintenant. Heureusement, on lui réassigne une nouvelle psychologue, avec qui c’est « le jour et la nuit ».

«J’ai vu un système de santé débordé qui essaye de gérer une province qui ne va pas bien!»

« On a convenu ensemble d’une plage horaire hebdomadaire, d’un fonctionnement, elle m’a clairement expliqué son approche, elle faisait des suivis », raconte celle qui considère être aujourd’hui sortie de sa dépression à la suite de ce second processus plus heureux. « Cette expérience beaucoup plus positive m’a fait réaliser à quel point je suis mal tombée la première fois. Quand tu n’as pas de lien de confiance avec la personne qui est censée prendre soin de toi, comment tu avances? »

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« J’avais l’impression qu’elle était en mission contre les hommes »

Il y a quelques années, Stéphanie se sent épuisée. La jeune maman travaille de longues heures, se lève aux aurores, dirige une équipe et subit énormément de pression de toute part.

« J’avais l’impression que dans toutes les sphères de ma vie, on me demandait quelque chose, raconte-t-elle. Le jour, on me demandait des choses au travail, le soir et la fin de semaine, mes enfants me demandaient des choses. J’étais brûlée. »

Stéphanie se voit alors recommander une psychologue par le programme d’aide aux employé.e.s de l’entreprise pour laquelle elle travaille.

«Ça m’a mise très mal à l’aise d’entendre ma psy partir en croisade contre les hommes. Elle revenait toujours à ça»

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« J’ai parlé de ma réalité, de mon épuisement professionnel et j’ai mentionné que le soir, je n’étais pas en forme pour baiser », raconte celle qui va beaucoup mieux aujourd’hui. « La psy a fait une fixation là-dessus. Elle me semblait comme en mission contre les hommes. Elle voulait juste parler de ça, et malgré le fait que je lui disais que mon chum n’était absolument pas le cœur du problème, elle ne lâchait pas le morceau. Elle mettait tout, tout, tout sur son dos. »

Après cette première séance malheureuse, Stéphanie décide de ne pas prendre de deuxième rendez-vous avec la professionnelle. La compatibilité n’y est pas, de toute évidence. « Ça m’a mise très mal à l’aise de l’entendre partir en croisade contre les hommes. Elle revenait toujours à ça. »

Si elle a aujourd’hui une nouvelle psychologue qu’elle apprécie beaucoup, Stéphanie revient sur les événements avec une certitude : « Je ne peux pas affirmer que ça a eu des impacts sur moi, mais quelqu’un de plus fragile aurait pu être très marqué par les biais à tendance misandre de cette psy. »

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Grossophobie, bonjour

Atteinte d’un trouble anxieux et d’un trouble de la personnalité limite, Justine se considère chanceuse d’avoir des parents pour la soutenir financièrement. Quand elle a ressenti le besoin de consulter un psychologue, ceux-ci lui ont offert de l’aider à payer les honoraires.

« Quand je me suis mise à la recherche d’un nouveau psy, j’ai googlé et j’ai sélectionné quelqu’un un peu vite, sans trop m’informer sur son approche, admet la jeune femme. Une fois dans le cabinet du psy, je me suis rendu compte que c’était un homme avec des idées un peu arriérées alors que je suis féministe. J’aurais dû mieux m’informer. »

«Il m’a carrément dit : “Je le vois que vous ne faites pas d’exercice, ça paraît.”»

Justine lui raconte alors qu’a l’impression que la dépression revient, qu’elle se sent triste, bref, qu’elle ne va pas bien. « Chaque fois que j’abordais mes enjeux de santé mentale, le psy me demandait si je faisais de l’exercice ou me parlait de ma santé physique. Il ramenait tout à ça et je suis convaincue qu’il n’aurait pas tenu le même discours à une personne mince », raconte la jeune femme, qui a vite réalisé qu’elle était victime de grossophobie. « Il m’a carrément dit : “Je le vois que vous ne faites pas d’exercice, ça paraît.” »

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Bien que Justine ait décliné la proposition du psychologue de prendre un deuxième rendez-vous avec lui, elle n’a pas eu le cœur de confronter ses biais grossophobes. « Si je revivais ça aujourd’hui, j’aurais sans doute plus de confiance, plus de ressources et plus de connaissances pour me défendre, mais je me rappelle que je suis sortie de la séance en ne me sentant pas bien du tout. Je me sentais comme une grosse pas bonne. »

Retards, gaslighting et racisme

Lorsque Joanie décide de consulter un psychologue, elle se sent d’abord soulagée. « Je n’allais pas très bien, donc j’attendais chaque rencontre avec impatience. J’en avais vraiment besoin », raconte la jeune trentenaire.

Bien qu’elle n’est pas complètement satisfaite de sa psy, Joanie n’a pas l’énergie d’en chercher un.e autre. C’est en parlant à ses ami.e.s qu’elle réalise quelques lacunes. « C’est arrivé à plusieurs reprises que j’attende ma psy dehors devant la porte, parce qu’elle arrivait en retard, se remémore la jeune femme. En plus, j’avais toujours l’impression qu’elle était un peu déboussolée en arrivant. Je sentais souvent que son esprit était ailleurs, qu’elle n’était pas disposée à me recevoir. Quand elle me disait : “Ok, je t’écoute”, je me demandais toujours : “M’écoutes-tu vraiment? »

«Elle avait pris l’habitude de parler en mal de la France et des Français, de mettre tous mes problèmes sur le dos de ma culture.»

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Lucie, une Française établie à Montréal depuis plusieurs années, peut témoigner d’une situation similaire. « À la base, ça ne cliquait pas trop avec ma psy », reconnaît la trentenaire, qui a consulté des dizaines de professionnel.le.s depuis l’enfance. « Je prenais toujours mes rendez-vous à 16 h. Un jour, j’attendais dans la salle d’attente, ma psy est sortie de son bureau à 16 h 30. Quand je lui ai demandé ce qui expliquait le retard, elle m’a obstinée en disant qu’elle n’était pas en retard et que nos séances étaient TOUJOURS à 16 h 30. On a discuté quelques minutes et elle a fini par reconnaître son erreur. Je n’ai pas accepté cette attitude de gaslighting et je ne l’ai jamais revue. »

Il faut préciser que cet incident est la goutte qui a fait déborder le vase. « Quand je parlais de mes problèmes de famille à ma psy, elle me disait toujours que c’était la faute de la culture française. En fait, elle avait pris l’habitude de parler en mal de la France et des Français, de mettre tous mes problèmes sur le dos de ma culture. Au bout d’un moment, je trouvais ça abusé. »

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Et maintenant, on fait quoi?

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les demandes de consultation en santé mentale dans le réseau public ont bondi de 30 à 40 %. « Environ 19 000 enfants et adultes figurent sur une liste d’attente, soit près de 20 % de plus qu’en novembre, selon les plus récentes données du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) », pouvait-on lire dans Le Devoir en mai 2021.

Du côté du privé, les psychologues sont à pleine capacité, les cabinets débordent. Il n’est donc pas aussi facile de « magasiner » son psy, comme il était coutume de le faire avant la crise sanitaire.

«Dans le contexte actuel, c’est plus difficile de trouver une ressource et les gens ont moins de choix.»

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« Il faut rappeler que l’on vit une situation sans précédent. Dans le contexte actuel, c’est plus difficile de trouver une ressource et les gens ont moins de choix. En ce moment, les gens sont juste heureux de trouver une référence qui peut les prendre quand ils ont besoin de consulter », affirme d’emblée la Dre Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. « Dans tous les cas, aller consulter en psychologie, ça veut dire établir une relation thérapeutique avec quelqu’un, mais surtout, une relation de confiance ».

Quand on cherche un.e psychologue, il est possible, voire recommandé, de le ou la choisir en fonction de son approche et de son domaine d’expertise. Mais que faire quand on ne sent pas que la relation de confiance est optimale ou que l’on s’interroge sur le cadre thérapeutique mis en place pour son psy? La Dre Christine Grou rappelle qu’il est tout à fait possible, même encouragé, d’en aviser l’Ordre des psychologues du Québec et de ne pas rester pris avec ses questionnements, ses doutes et ses interrogations.

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« Quand une personne veut faire une plainte formelle ou qu’elle a simplement un questionnement, nous la referons au bureau du syndic », indique la présidente. Elle explique qu’un syndic est un employé indépendant nommé au sein de chaque ordre professionnel. Son rôle est de recevoir les signalements du public, de mener les enquêtes afin de vérifier si les faits allégués sont fondés et de décider si une plainte doit être portée au conseil de discipline, le tout de manière entièrement confidentielle.

« Nous tentons d’y répondre diligemment, en fonction de l’urgence du cas. On fait tout pour y arriver », assure la Dre Christine Grou, qui précise que les commentaires de type Google reviews ne constituent pas un signalement officiel. Elle explique que lorsqu’un membre est sous enquête, des sanctions peuvent être appliquées sous forme d’obligation de formation, de limitation d’exercice, de suspension temporaire ou de révocation de permis, en fonction de la gravité du préjudice.

«Il est de la responsabilité du psychologue de se donner les conditions pour œuvrer diligemment et instaurer un cadre adéquat.»

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« Il y a différentes choses, différents commentaires ou comportements qui peuvent avoir des impacts sur la relation entre un psychologue et son patient », confirme la Dre Christine Grou, lorsqu’on lui soumet les témoignages que nous avons recueillis, à titre indicatif. « Le patient a besoin de sentir que son psychologue l’attend, qu’il est disposé à le recevoir et qu’il est investi dans la thérapie. Il est de la responsabilité du psychologue de se donner les conditions pour œuvrer diligemment et instaurer un cadre adéquat. »

La Dre Christine Grou, qui pense toutefois que les types de témoignages recueillis constituent des exceptions, rappelle que 9 000 psychologues pratiquent actuellement au Québec. « En ce moment, les psychologues font beaucoup d’efforts pour être capable d’offrir des soins à la population, certains recevant jusqu’à dix nouvelles demandes par jour sans pouvoir y accéder. »

«Nous avons des obligations envers les patients, donc s’ils sont dans le doute, il ne faut pas hésiter à poser des questions.»

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Pour conclure, la présidente rappelle que l’objectif d’un ordre professionnel est d’assurer la compétence des membres et de protéger le public. « Nous avons des obligations envers les patients, donc s’ils sont dans le doute, il ne faut pas hésiter à poser des questions. Il ne faut pas rester pris avec le doute, ça entache la confiance entre le patient et le professionnel. »

La Dre Christine Grou encourage également les gens à poser la question directement au psy. « Je sais bien que tout le monde n’est pas forcément à l’aise de le faire, mais si quelque chose ne nous convient pas pendant une séance, on peut le dire. C’est un droit. »

Haut les coeurs!