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Le féminisme, le matriarcat, la castration pis toute.
Pour Marie-Christine Lemieux-Couture, féministe convaincue, et donc, fervente adepte de l’émasculation.
C’est bien connu, les féministes sont toutes des castratrices, et plus particulièrement le sont les féministes québécoises. Il est de fait notoire que « la Québécoise » est une créature enragée, au caractère de marâtre qui ne cherche qu’à assouvir un besoin de castration. Cette créature pullule dans toutes sortes de milieux, comme une sorte d’algue bleue des milieux sociaux, mais est plus facilement observable dans les centres commerciaux et les agences de pub où elle fait office de reine de la jungle. On peut l’attirer avec des articles d’Hélène Pedneault ou de Thérèse Casgrain, ou encore avec des photos d’hommes battus. Son régime est principalement composé de mâles blancs hétérosexuels à la virilité incontestable, espèce malheureusement en voie d’extinction.
Ben oui, je faisais de l’ironie, subtile comme une moissonneuse-batteuse. Ma brève description de « la Québécoise » n’est cependant pas sortie tout droit de mon imagination; elle est, si je puis la décrire ainsi, une sorte de joker que les antiféministes affirmés (voir aussi : férocement masculinistes ou misogynes) peuvent sortir de leur manche lorsqu’ils n’ont plus aucun argument pour défaire ceux des mouvements féministes.
Cette obsession de la castration ne date pas seulement de la génération des Georges-Hébert Germain de ce monde; elle est encore bien présente aujourd’hui, dans nos médias et même dans nos vies personnelles. Petite anecdote : il m’est déjà arrivé de fréquenter un brave mâle blanc hétérosexuel qui refusait la fellation par crainte de la castration et, croyez-moi, il n’est pas le seul. Il m’est en effet arrivé d’entendre cette réalité-là à quelques reprises par des amies aux prises avec la même situation.
Ceci étant cela, je me suis intéressée aux origines de cette obsession de la castration; cela m’aura amenée à m’instruire sur l’histoire de cette pratique, et donc, sur les fondements (ou pas) de cette phobie masculiniste. Exit les théories freudiennes de crainte de la castration et d’envie du pénis; je trouve ça complètement dépassé, et puis il n’est pas ici question de psychanalyse, mais de féminisme. Aujourd’hui, chers lecteurs, je m’en vais vous raconter un peu de l’histoire de la castration. Faque attachez vos couilles avec de la broche à poulet halal, parce qu’on part.
Castrer pour mieux régner
Je l’sais ben, la castration, c’est un sujet un peu touchy à aborder; mais puisque je suis une « la Québécoise » moi aussi, il me semblait fair de fouiller un peu l’histoire de cette pratique, qui, entendons-nous, est tout à fait barbare.
Qui dit castration dit eunuque, et les origines de ce mot proviennent du grec ancien eunê (lit) et ekhô (garder); on parle alors de gardien du lit, ce qui, en gros, pour les besoins de l’époque, revient à gardien du harem. L’opération était pratiquée depuis l’antiquité, et ce, partout dans le monde; il pouvait s’agir ou d’un terrible châtiment, ou d’un honneur inégalable.
Dans la Chine ancienne, par exemple, cela pouvait être à la fois l’un ou l’autre; il pouvait s’agir d’une punition traditionnelle, allant de la castration à la peine de mort – avec divers degrés de tortures entre les deux – dépendamment de la gravité du crime commis, et il pouvait également s’agir de la clé vers un poste dans le service impérial, pour ceux prêts à sacrifier leur éventuelle lignée à leur propre ambition de carrière. De par les décrets des empereurs, et ce jusqu’à la dynastie Ming, les eunuques accédaient aux postes les plus importants; leur pouvoir pouvait même être supérieur à celui d’un ministre. Pourquoi? C’est très simple : puisqu’un homme castré ne pouvait avoir de lignée, il était impossible qu’ils soient tentés de s’approprier le pouvoir et de fonder leur propre dynastie.
Chez les Grecs et les Romains, la castration fut d’abord une pratique de nature religieuse; il y avait des rituels d’auto castration, appelés à juste titre sanguinaria, en l’honneur de la déesse Cybèle, gardienne des savoirs, lors des jours du sang. Les Byzantins reprirent alors la pratique, et, comme les Chinois, installèrent les eunuques dans les postes les plus prisés de leurs maisons, pour en faire des gardiens de leurs épouses et de leurs institutions; les eunuques détenaient, là encore, le titre de serviteurs les plus privilégiés et les plus puissants. Certaines familles faisaient même castrer un ou deux de leurs fils afin de faire rejaillir un peu de leur éventuel pouvoir sur eux-mêmes.
L’étymologie de gardien du lit prit son sens le plus complet chez les Ottomans et les autres peuples musulmans; les hadim (mot turc pour eunuque) étaient principalement destinés à la garde et à la gestion des harems, là où les souverains et nobles gardaient leurs épouses et concubines.
Mettez-vous un peu en situation. Un Sultan digne de ce nom pouvait posséder un nombre impressionnant d’épouses et de concubines; celui-ci, même avec tout l’appétit sexuel et la volonté du monde, ne pouvait visiter chacune d’elles plus d’une ou deux fois par année, ce qui signifie que les femmes du harem s’ennuyaient, et souffraient de frustration sexuelle. Exit les mythes de jardin des délices où l’érotisme à fleur de peau se vit dans les bains huilés et les caresses entre concubines; les femmes appartenaient au Sultan, et au Sultan seul. Une fois entrée au harem, nulle n’en ressortait; c’était un monde clos, hermétique. Il fallait un gardien fiable et incapable d’entraîner les épouses et concubines dans le vice de l’infidélité, et l’eunuque était le candidat parfait. Jamais un homme non castré (autre que l’époux, le maître) n’aurait pu mettre ne serait-ce que le quart de l’ombre d’un ongle d’orteil dans la maison. Or, selon toute logique – du moins à l’époque – on croyait que la castration ôtait les désirs sexuels, et la possibilité d’acte sexuel.
Le matriarcat, pis une souris verte
L’histoire de la castration et des eunuques est bien plus détaillée que ça, mais c’est assez difficile de tout traverser en un billet de quelques centaines de mots; un bouquin entier n’y suffirait peut-être pas. En voilà cependant les grandes lignes, qui démontrent qu’historiquement, la castration est une business de patriarcat (pour les sceptiques : le patriarcat désigne une forme de société où l’organisation sociale est dirigée par les hommes).
En plus de nous accuser de castration, les antiféministes évoquent le matriarcat, la principale arme de castration massive des féministes. De quoi parlent-ils, au juste?
Matriarcat : nom masculin. Système social dans lequel le rôle de la femme est plus important que celui de l’homme.
Bien que le terme ait été calqué sur celui de patriarcat vers la fin du 19e siècle, il ne désignait d’abord pas tout à fait la même chose; il désignait en effet une société où la filiation passait par le sang de la mère plutôt que celui du père. Le mot a ensuite été attribué précisément au miroir du patriarcat, c’est-à-dire une société où la femme a un rôle qui domine celui de l’homme. Il n’y a pas d’exemples attestés où cela aurait été le cas . Des sceptiques pourraient avancer l’existence de sociétés exclusivement matriarcales chez les Premières Nations, mais les faits sont beaucoup trop nuancés pour que l’on puisse se permettre d’avancer que le pouvoir politique y est exercé uniquement par les femmes. Les Iroquoïens avaient une constitution politique qui faisait une certaine part au pouvoir féminin; les mères de clans avaient un rôle important dans la désignation de certains chefs – des hommes. Les hommes, donc, dirigeaient, mais pouvaient être nommés et révoqués dans la mesure où certaines femmes, aînées, détenaient un pouvoir important. Cela aura amené certains Européens à parler de matriarcat, mais un tel terme serait exagéré.
Et le matriarcat de « la Québécoise », dans tout ça? C’est, selon moi, de la pure fabulation et du pur délire de la part des Georges-Hébert Germain et autres réacs de ce monde, parce qu’ils craignent de voir leur propre système dans le miroir. Ah, non, c’est vrai, on a une femme première ministre; c’est donc un signe que nous sommes dans une société matriarcale. Ouais. L’époque élisabéthaine a aussi connu une période matriarcale qui a duré 44 ans, 4 mois et 7 jours. Pendant ce temps-là, c’était le gros party chez les castratrices; en un changement de trône, hop! les rôles se sont inversés.
Euh, non, même pas. Désolée de vous décevoir, chers antiféministes. Le gynocentrisme serait peut-être un terme plus approprié pour que vous nous décriviez : il s’agit d’un mode de pensée envisageant le monde et ses enjeux uniquement du point de vue des femmes. Les besoins et droits des femmes y auraient préséance sur ceux des hommes, et toute chose en chaque chose y serait vue pour des enjeux féminins.
Or, vous pouvez me garrocher tant que vous voulez des statistiques de jugements de cour ou autres réflexions basées sur des études biaisées, il n’en reste pas moins ceci : les femmes, au Québec, ont peut-être désormais acquis l’égalité des droits, mais cette égalité n’est pas acquise dans les faits. Le mode de pensée féministe n’est pas la domination des droits des femmes au détriment de ceux des hommes, chers antiféministes : c’est l’égalité des sexes, au détriment de ceux à qui ça ne fait pas l’affaire, donc, à votre détriment.
Sur ce, je vous laisse, j’ai d’autres chats à castrer.
Je tiens à rappeler aux lecteurs que la mutilation génitale est éthiquement inconcevable. N’essayez pas ça à la maison.