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Casser La Voix

Parce qu’il faut bien tourner sa chaise une première fois...

Par
André Péloquin
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Après des mois de promo, c’est hier qu’on donnait finalement le coup d’envoi à La Voix, adaptation québécoise d’un concept créé par les bonzes à qui l’on doit les télé-réalités Deal Or No Deal (Le Banquier) et Big Brother, pis mautadine qu’y’a eu de l’émotion… genre.

Tout d’abord, les fleurs : la production est canon et j’irai jusqu’à dire que les juges recrutés sont plus intéressants que ceux qu’on a vu défiler aux États-Unis. Alors que, dans la version américaine, le jury est surtout formé d’artistes à saveur pop (pop rock, pop country, etc.), celui du Québec semble avoir été assemblé afin de rejoindre le plus grand dénominateur commun : la gente branchée avec la survoltée Ariane Moffatt, les amateurs de rock sacchariné avec Marie-Mai – égale à elle-même -, le public plus âgé avec un Ferland férocement lubrique et Marc Dupré… pour appuyer la fantaisie voulant que tout le monde peut y arriver, j’imagine.

Parce qu’on voulait nous faire rêver en tabarnouche, hier. Hé monsieur-dame!

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Puis le plus gros pot : montage énergique obligeant, la présentation des différents concurrents tenait davantage de l’étalage de clichés de la misère humaine. « Voici des concurrentes! Oh! Des jumelles! Elles ont exorcisé une agression sexuelle! Woah! Une jeune rockeuse de 17 ans! Elle aime Éric Lapointe et chante sa douleur de vivre, car son père est très malade! Oh! Une dame de 40 ans qui a chanté avec Marc Hervieux, mais qui n’a pas assez percé à son goût! Sa famille et ses amis l’encouragent lorsqu’elle pense abandonner! »

Woah! Attendez une minute, là! Qu’est-ce qui vient de se passer!?

Évidemment, on demeure sensible au spleen de ces participants – les réactions sur les réseaux sociaux en témoignent (on y reviendra) -, mais les mitrailler à la vitesse grand V projette un drôle d’éclairage – des teintes « rouge exploitation », disons – à ces entrées en matière. Tout ceci n’est pas sans rappeler la sélection des récentes éditions de Star Académie et du Banquier où certains zigs s’y retrouvant semblent y avoir été glissés afin de nourrir, des semaines plus tard, les pages frontispices de magazines qui vont mourir chez notre dentiste. Rapailler par les serrements de coeur, c’est « facile » un brin, mais ça fonctionne rudement bien. Un bout de jardin secret expédié en avance rapide contre le fameux 15 minutes de gloire promis par Warhol. Est-ce un bon deal? Ça nous fait « vivre des moments », ça nous rassemble, t’sais…

En parlant de rassembler…

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Autre fleur : La Voix profite à fond – certains diront abusent – des médias sociaux en misant sur une application permettant à la plèbe de se prononcer, en encourageant l’interaction et en allant même jusqu’à monter un mini site web compilant des statistiques qui semblent plus promotionnelles qu’objectives (que 3% de commentaires négatifs, TVA? C’est ça, fais-nous rêver!). De toute façon, autant les réactions positives à la « Ouh la la! J’ai des frissons! » aux flèches contre le mélodramatique (sûrement le plus gros reproche qu’on peut faire à l’émission, en effet) contribuent au « buzz » du projet. Les coups d’oeil sur l’ordinateur – entre deux, trois grincements de dents – étaient particulièrement révélateurs du public ciblé hier soir…

Parenthèse : Top 5 des citations aperçues sur Twitter (que j’ai corrigé un brin pour ne pas trop agacer les personnes derrière)…

#5 – Une chance que je n’ai pas la télé à l’appartement, parce que je serais pognée pour tweeter à propos de La Voix comme tout le monde. (Pauvre madame!)

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#4 – Malade La Voix. J’ai pleuré tout le long. Su’a coche, sérieux. Je l’écoute en anglais aussi. J’adore (faut dire que le message a été tweeté aux quatre juges. *Insérer ici la musique de suspense*)

#3 – En un épisode de La Voix on a passé tous les problèmes d’une saison de Degrassi. (mine de rien, c’est vrai).

#2 – Pourquoi autant de propos négatifs de la part des animateurs de Radio-Canada? Vous détruisez le travail de rapprochement artistique de Guy A. Lepage. (Entente secrète oblige, bien évidemment!)

#1 – Il n’y avait que La Voix pour me faire lâcher mes 50 Shades Of Grey! Mes dimanches seront comblés! (Ark! Aaark! AAAAARK!!!)

Ainsi, si on aime, tant mieux. Si on n’apprécie pas, on se retrouve casé dans le camp des rabats-joie. Pas de place pour la pensée critique du côté des spectateurs, alors que le talent, lui, semble quasi-optionnel en échange d’une histoire aussi triste que juteuse.

C’est quand déjà le retour de Tout Le Monde En Parle?

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