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Caroline Boudoux: La science décomplexée
On les imaginait assis dans de sombres laboratoires et dotés d’un vocabulaire aussi complexe que leurs instruments, mais en moins d’une minute, Caroline Boudoux a solidement updaté notre représentation des scientifiques ! Rencontre avec une pro des lasers qui révolutionne l’imagerie médicale. En talons hauts.
Ce texte est tiré du magazine Spécial Extraordinaire 2016. Procurez-vous le ici.
À 16 ans, j’ai poché mon cours de physique. Je traîne donc depuis le lycée un soupçon de rancœur et une panoplie de préjugés envers le scientifique. Je me disais que ma rencontre avec Caroline Boudoux confirmerait que le sarrau est synonyme de froideur. Or, je suis plutôt tombée sous le charme.
« Plus de talons que de talent! », largue Caroline, sur fond de modestie. Pimpante, la scientifique déambule sur de hautes chaussures. Et elle déambule beaucoup. La gestuelle de la chercheuse est si ostentatoire qu’elle lui confère presque un don d’ubiquité! Elle a du chien, la science d’aujourd’hui.
À 38 ans, Caroline Boudoux, diplômée de Harvard-MIT, est l’une des plus illustres scientifiques de la province. Alors qu’à sa place, je crierais mon succès sur tous les toits, elle se concentre à transmettre son savoir à des étudiants de Polytechnique. Son créneau : l’imagerie médicale. Elle est derrière la création d’un outil qui permet de voir avec une grande précision, en trois dimensions, les organes – ce qui permettrait entre autres de détecter plus rapidement certaines formes de cancer. Son expertise crée de la connaissance, de la technologie et même de l’emploi, grâce à sa compagnie, Castor.
Caroline en six objets
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Fibre optique dans son rouleau
Avec un pareil titre, on pourrait croire qu’on me présente un plat dans un restaurant fancy, mais il s’agit plutôt de ce que Caroline appelle son « bébé ». Mariée avec le laser, la fibre optique permet de voir avec une précision inouïe les organes internes. Cette technique s’appelle la tomographie par cohérence optique. Le truc génial avec cette méthode, c’est qu’elle permet de zoomer sur les organes pour voir les toutes petites lésions avant qu’elles ne se propagent dans tout le corps, ce qui pourrait éventuellement nous permettre de guérir une maladie juste après détection. Je vous entends déjà vous emballer… Du calme! Pour le moment, l’heure est aux recherches : pour arriver à ses fins, Caroline doit encore améliorer la technique d’imagerie. En attendant, c’est un sacré luxe pour nous, pauvres mortels, de pouvoir compter sur une telle scientifique.
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Manuscrit
Caroline Boudoux planche présentement sur l’écriture d’un manuel scolaire qui portera sur le domaine de la biophotonique, une technique impliquant biologie et lumière. C’est une amatrice de sciences, mais aussi de lettres, et ce, depuis sa tendre enfance. Sa gardienne lui a d’ailleurs appris à lire avant qu’elle n’en ait l’âge; exploit que Caroline a tenu à garder secret jusqu’à son entrée à l’école, pour savourer la surprise sur le visage de ses proches. Cette volonté de surprendre ne l’a jamais quittée.
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Raquette de tennis
Touche-à-tout, la chercheuse a tâté plusieurs sports, mais c’est l’équitation qui a ouvert le bal. En montant en selle à trois ans, la petite a eu un véritable coup de cœur. Ont suivi des années de sport-études pour se perfectionner dans l’art équestre. Mode de vie nomade oblige, elle a éventuellement dû trouver une autre activité (qui ne nécessiterait pas nécessairement une bête de 1 550 livres). Elle s’est arrêtée sur le tennis et la salsa, question de garder « un esprit sain dans un corps sain ».
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Un passeport
Je le répète, Caroline Boudoux bouge beaucoup. Son premier voyage en avion, elle ne s’en souvient même pas (logique : on n’a aucun souvenir avant nos quatre ans). Elle se souvient en revanche de son premier voyage seule. À sept ans, elle partait, passeport et valise en main, vers de nouvelles contrées. Papa au départ, maman à l’arrivée. Et depuis, elle vole! En Europe, pour voir sa famille, et autour du monde, pour des congrès. Caroline affirme compter plus d’amis hors de Montréal qu’ici : fort pratique pour dormir dans le confort d’un salon, plutôt que la froideur d’une chambre d’hôtel.
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Café
La scientifique se dit née « d’une mère caféïnomane et d’un père colateur » (c’est une fan de François Pérusse). Le premier équipement de recherche (ce sont ses termes) dans lequel elle a investi pour habiller son labo, c’était une machine à café. Mais la qualité l’emporte sur la quantité. Ses deux à trois cafés par jour passent tous par un rituel précis : commencés bouillants, terminés tièdes et bus à raison d’une gorgée toutes les 20 minutes. Note à moi-même : un scientifique reste méthodique, même le temps d’une ingestion.
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Sac à main
Caroline Boudoux se targue d’avoir « la carrière la plus glam au monde ». Très décomplexée, elle n’aime pas qu’on associe la science aux hommes. En fait, elle aimerait attirer plus de femmes dans son domaine, qu’elles portent des sacs à main rouge framboise ou pas. Je n’ai aucun doute qu’elle réussira à le faire. L’avoir rencontrée plus tôt, j’aurais peut-être même pu devenir une scientifique. Or le monde se divise en deux types de personnes : ceux dont on parle, et ceux qui parlent de ceux dont on parle. Caroline, elle, a toutes les bonnes raisons de faire jaser.