Logo

CanadaBlackTV: le compte Snapchat qui promeut le street rap

Entre deux stories de beef et de crackheads.

Par
Simon Tousignant
Publicité

Il y a environ une semaine, j’ai téléchargé Snapchat. À trente ans, en 2019, j’ai téléchargé Snapchat. Ouf. Pourquoi? Parce que je devais vérifier par moi-même l’ampleur du phénomène CanadaBlackTV (Canadatraplive sur Snapchat). C’est normal si ça ne vous dit rien, mais si vous avez entre 15 et 25 ans, et que vous aimez moindrement le street rap, vous avez probablement déjà aperçu le logo sur des vidéos virales sur les réseaux sociaux.

Beaucoup de crackheads

CanadaBlackTV, c’est quoi, exactement? C’est un peu le Worldstarhiphop local — un genre de point de chute pour toutes vidéos reliées de près ou de loin à la culture du street rap. C’est un compte Snpachat, entre autres. En tout cas, c’est là que les choses se passent pour vrai. C’est beaucoup de vidéos de crackheads. Genre, vraiment beaucoup. C’est aussi des batailles, des gens qui font des blagues, des rants (genre de version street du québ blanc fâché qui se filme en train de chialer dans son auto), de la publicité pour des opportunités d’affaires et autres vidéos divertissantes.

https://www.youtube.com/watch?v=uml1cdgvlRE&t=64s

Publicité

Mais surtout, CanadaBlackTV, c’est un peu la plaque tournante de la culture du street rap au Québec. C’est ce qui arrive quand les médias majeurs ignorent une partie de la scène qui se popularise de façon exponentielle : ce vivier finit par se créer son propre réseau de diffusion, parfois avec les moyens du bord, mais accessible à tous. C’est exactement le rôle de CanadaBlackTV.

Un média parallèle

Si les dernières années du rap québ nous ont enseigné quelque chose, c’est bien que le street rap n’a besoin de personne pour montrer sa force. Les clips de Lost, d’Izzy-S ou d’Enima accumulent les centaines de milliers de vues sur YouTube, beaucoup plus rapidement que ceux de FouKi ou de Koriass, par exemple. Loud est dans une catégorie à part grâce à son succès en France, mais sinon c’est le street rap qui gagne la guerre des statistiques dans le rap québ.

Pendant que les médias traditionnels commencent à se réveiller, les réseaux du street rap, eux, sont déjà bien établis. Vu le contenu des paroles, le street rap fitte parmi les vidéos de crackheads, de danseuses et de gens qui pètent des coches qu’on retrouve sur CanadaBlackTV. Ça fait désormais un peu partie du folklore du street rap montréalais, et un passage sur une story de la chaîne permet d’envoyer un message clair à la scène street rap d’ici : « j’existe! »

Publicité

Malheureusement, si le passage dans la story est moindrement humiliant, toute la scène le saura aussi. On y a d’ailleurs vu des images exclusives d’une confrontation entre une rappeuse montréalaise et un réalisateur de vidéos qui a beaucoup fait jaser depuis deux semaines. Si cette vidéo a fait le tour des réseaux sociaux, c’est sur CanadaBlackTV qu’on a pu la voir en entier.

Promouvoir le son de la rue

Si on va sur la chaîne pour les vidéos drôles ou les beefs de rue, on y croise aussi des pubs pour les nouvelles chansons de Doni Na Ma ou JtReal, par exemple. On y voit des gens qui roulent dans des voitures luxueuses qui écoutent du Enima. On y voit aussi des rappeurs moins talentueux qui profitent de la plateforme pour promouvoir leur musique.

Publicité

CanadaBlackTV a adopté le modèle traditionnel des médias : la chaîne vend donc des spots de pub dans ses stories, service qui est constamment mis de l’avant dans le contenu. Ce qui est bien, c’est que ça démocratise l’accès à la visibilité de la chaîne. N’importe qui, moyennant un paiement forfaitaire, peut promouvoir sur CanadaBlackTV. En tout cas, il ne semble pas y avoir de jugements critiques au niveau de la sélection des pubs de chansons, car on passe du très bon au très mauvais le temps d’une story.

Vu la réputation et le reach de la chaîne, plusieurs rappeurs bien en vue de la scène vont souvent investir dans des pubs sur CanadaBlackTV avant même de considérer le faire dans des médias ou autres vecteurs de publicité plus traditionnels. Ça démontre encore une fois que la bonne musique se fraiera toujours un chemin jusqu’aux oreilles du public, d’une façon ou d’une autre, même si on doit créer des structures médiatiques de toutes pièces pour que la contre-culture puisse exister.

Publicité

En parallèle, ça offre aussi la chance au reste du game d’aller voir ce qui se passe dans la rue. Par exemple, CanadaBlackTV aide énormément l’émission de radio que je coanime à dénicher de nouveaux artistes, ou du moins des sujets de conversations avec ceux-ci. Donc, la chaîne offre un pont exclusif entre la rue montréalaise, sa culture et le reste des consommateurs de rap d’ici.

Pis, même si vous aimez pas le street rap, y a moyen que vous restiez pour un vidéo de crackhead qui joue de la guitare dans un bar. Je peux vous le dire, parce qu’une semaine plus tard, j’ai toujours pas supprimé Snapchat… et j’ai beaucoup ri.