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Calmez-vous avec Noël, tab?%#?@!

Cri du cœur pour se calmer le pompon dans les commerces.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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Chaque année, ça recommence. T’as à peine fini de roter tes shooters de party d’Halloween qu’on te bombarde la magie de Noël en pleine face. Partout.

Les supermarchés, les centres d’achat, les pharmacies, etc. : le monde du commerce au détail n’attend même pas que la cueillette des bonbons soit passée pour remplacer l’orange par le vert et rouge dans les magasins.

À 55 jours de Noël, je m’interroge sur cette pratique mercantile qu’on m’impose malgré moi.

Parce que je vais le beugler haut et fort : JE SUIS CRISSEMENT CONTRE.

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Et je n’ai pas l’impression d’être tout seul à me sentir impuissant devant cette façon de nous enfoncer jusqu’au gorgoton the most wonderful time of the year alors que les feuilles n’ont même pas fini de mourir et que je digère encore les photos de sortie aux pommes de mon fil Facebook.

Rien de neuf sous le soleil, je sais, mais une impression peut-être que c’est plus agressif cette année que d’habitude. Ça m’a frappé comme un deux par quatre vendredi en allant faire une commission au Dollarama pour l’Halloween. « C’est tout ce qui reste », soulignait un brin lasse une employée de la succursale Masson en me pointant les restants d’Halloween (lire ici les cossins qu’absolument personne veut).

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Par contre, Noël brillait déjà de mille feux dans ses plus beaux habits, sur au moins deux rangées.

Si le magasin était l’émission OD, l’Halloween serait le pauvre Jonathan et Noël, les trois intimidateurs qui ont rué dans les brancards pour l’expulser avant la fin.

Avant son moment de gloire, surtout. Il y a quelque chose de triste là-dedans. C’est comme si on entraînait des athlètes toute leur vie pour les Olympiques, mais qu’une fois là-bas, on les sacrait dans le premier avion vers la maison avant la cérémonie d’allumage de la flamme.

Bon, pas ma meilleure analogie, mais vous comprenez l’idée.

Ça en dit long sur nous, peut-être? (Oui oui, c’est le moment de faire de la psycho-pop à deux sous.)

A-t-on collectivement du mal à savourer le moment présent dans ce monde effréné (oui, je suis un libre-penseur) ? Est-ce simplement le symptôme froid et calculateur d’une fête dont la seule ambition est de nous vendre des affaires?

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Je sais bien que c’est le rôle des magasins de faire du fric et des radios de nous plonger au plus crisse dans l’esprit des Fêtes pour nous encourager à dépenser, mais comme consommateur ou consommatrice, a-t-on notre mot à dire? Où signe-t-on pour convaincre les commerçant.e.s de se calmer le grelot avant de nous faire subir des murs de tuques à pompon fabriquées par des enfants qui ne sont même pas sur l’itinéraire du père Noël (même pas parce qu’ils n’ont pas été sages cette année).

Sur mon fil Facebook, les déguisements d’Halloween jouent du coude avec les pubs de Noël.

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Comme ça me sidère, pourquoi ne pas exorciser les démons de la surconsommation en m’offrant une petite tournée de magasins, histoire de constater l’ampleur des dégâts et – pourquoi pas – récolter quelques réactions à chaud.

If you can’t beat them, join them.

Premier arrêt au Dollorama près du bureau, dans Griffintown, où des employé.e.s s’affairent justement à aménager la section Noël.

Plus aucune trace de l’Halloween à quelques heures de la fête, comme si elle n’avait existé. « C’était tout vendu dimanche. C’est fini, l’Halloween! », tranche un des employés sans détour, clairement le genre à tirer ses plasters d’un coup pour abréger ses souffrances.

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Trouve-t-il qu’il est encore trop tôt pour sortir les décorations de Noël? « Bah, c’est toujours comme ça », répond-il, résigné.

Au bout de la rangée, Mireille, une cliente, ne tourne pas autour du pot et partage ma détresse. « L’Halloween n’est même pas passée! On pourrait se permettre d’en profiter un peu et attendre une semaine avant de parler de Noël, non? »

Ma collègue Arianne, qui m’accompagne, y va d’une théorie digne d’une carte Hallmark pour justifier notre empressement à sortir les boules de Noël. « Si ça met un peu de lumière et de soleil dans le mois de novembre, pourquoi pas! »

Un tel jovialisme devrait être puni.

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Même constat au Dollarama de l’avenue Mont-Royal, où l’Halloween s’est volatilisé aussi vite que le Gala Québec Cinéma.

Devant un mur complet de guirlandes et de couronnes en plastique, je surprends une dame en train de voler des mitaines à 4 $.

Je ne la stoole pas, visiblement contaminé malgré moi par la fièvre des Fêtes.

Noël, Noël, voici le rédempteur.

Par chance, Brian, un client, partage mon désarroi. « On n’a même pas le temps de savourer. Je venais chercher des bonbons et un masque, mais il ne reste rien », déplore le jeune homme à la dernière minute. « Au pire, je vais me déguiser en père Noël », badine-t-il devant un mur de fausses barbes.

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Au bout de l’allée, un employé explique n’avoir aucune pression de la compagnie pour précipiter Noël. D’autres magasins sont encore plus vite, note-t-il, citant Costco. « De toute façon, l’Halloween était toute vendue et on sait qu’on doit placer Noël ensuite. La demande est forte dans ce quartier familial », explique-t-il.

Au Jean Coutu un peu plus loin, les calendriers de l’avent sont sortis en face des caisses et une employée sue sur son escabeau en aménageant la section Noël. « Aussitôt que l’Halloween est finie, on nous demande de placer Noël. On donne la claque! », soupire la dame.

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Je croise par hasard mon amie Catherine sous le gui. Comme elle est avec son fils Arthur, elle se retient de m’embrasser. « Il n’y a même pas de neige encore, c’est trop tôt pour moi. On pourrait se donner une petite relâche entre les fêtes », croit Catherine, qui refuse de laisser entrer la fête en N chez elle avant la mi-décembre.

C’est vrai que Noël n’a pas le monopole du coming out anticipé. Le sapin sera même pas encore au bord du chemin qu’on nous vendra partout l’amour à coup de petits cœurs à la cannelle dans les boutiques. La Senza doit déjà compter les dodos.

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Même chose pour Coco Lapin, qui fait les cents pas dans l’antichambre de la surabondance en attendant le 15 février.

Sans oublier la rentrée scolaire, qui trouve toujours une manière de se pointer la face quelque part en plein solstice d’été.

En retournant vers ma voiture, je croise au coin Fabre un monsieur juché dans une nacelle en train de poser les lumières de Noël sur un lampadaire de l’avenue commerciale.

« Déjà? », que je lui demande.

« Ben oui », répond-il sur le ton de quelqu’un qui n’a crissement pas envie de se faire demander par un gros fatigant s’il est trop tôt pour ça.

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Pour mettre le clou dans le cercueil de mon désarroi, je fonce vers la place Versailles contempler de visu le triomphe de Noël. Je suis servi. Les banderoles lumineuses sont suspendues au plafond, les boutiques ont décoré leur devanture et un estifi de sapin trône à côté de la petite ferme.

Hanane texte devant le majestueux sapin, l’air indifférente aux splendeurs scintillantes qui l’entourent. « Au contraire! J’adore Noël et ça prend de la lumière pour oublier le froid et la grisaille d’automne! », s’exclame cette traîtresse, qui n’a même pas une petite pensée solidaire pour l’Halloween.

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Ça ne s’invente pas, des enfants déguisés courent au même moment autour du gros sapin.

L’apothéose se trouve au fond du mail, où s’élève déjà le fameux domaine du père Noël. Sur une affiche en face, on claironne l’arrivée du personnage bedonnant en fin de semaine. « Moi, je trouve ça trop de bonne heure! », s’exclame Brenda, flanquée de son mari Richard, pour sa part très fan. « J’en parlerais dès le 1er octobre si c’était juste de moi », confie l’homme, qui a déjà hâte d’installer ses lumières.

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Je rentre chez moi avec l’impression d’être Scrooge, toujours aussi convaincu qu’on pourrait prendre notre gaz égal entre les fêtes.

En écrivant ces lignes, on vient de parler de l’album de Noël de Nicola Ciccone à la radio et Mariah Carey troll la planète sur les réseaux sociaux avec sa crisse de chanson qui va me casser les oreilles pendant les soixante prochains jours.

Au moins, il n’y a pas de trafic dans le tunnel Hippolyte-Lafontaine.