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Cahiers intimes de la députée : Vitesse, action sous pression, résistance

Morceaux d'intimité de Catherine Dorion.

Par
Catherine Dorion
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La députée de Taschereau, Catherine Dorion a, dans un petit meuble chez elle, des dizaines de cahiers qu’elle rempli depuis l’âge de 8 ans. Chaque deux semaines, elle y pige des passages et dépose ici ce qu’elle appelle ses « morceaux intimes ». Une belle façon de se rappeler que l’intime est bien souvent universel.

5 février 23h

À mesure que je développe des armes mentales défensives contre le productivisme effréné, contre la vitesse et l’action sous pression, je me pitche dans des territoires plus difficiles.

Je repense ce matin au potentiel hautement addictif (« déraillant ») de la politique dans laquelle je viens de me lancer pour la première fois, i.e. celle qui comporte de réels risques de victoires et d’avancées en terrain ennemi. Déraillant, parce que j’avais précautionneusement installé des rails dans ma vie et que la politique les sabote : volonté de libérer le temps, d’écrire dans le bois, de voyager avec les enfants pendant de longs mois… de vagabonder les années en créant, en contemplant, en apprenant et en transmettant tranquillement, à un rythme plus humain que mon rythme à moi, hyper-rapide, en lien avec mon époque (que je suis « performante »!…).

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Comment faire pour ne pas me diluer complètement dans cette soupe hyperactive qui ne laisse jamais de moments de repos, de digestion, de réflexion longue – tête, coeur, corps et temps long réunis pour fabriquer, à partir de l’expérience, de la sagesse?

À mesure que je développe des armes mentales défensives contre le productivisme effréné, contre la vitesse et l’action sous pression, je me pitche dans des territoires plus difficiles. Comme si mes armes ne me servaient pas à me sécuriser un espace de silence et de liberté, mais seulement à affronter de plus difficiles environnements. Comme si j’avais, à côté de ce désir toujours bien présent de solitude et d’espace, une forte propension à chercher sans arrêt l’expérience déstabilisante. Terrain d’entraînement plutôt que terrain de jeu.

Mais entraînement pour quoi? Il y a des jours où je sais au nom de quoi je lutte. D’autres, c’est moins clair. La fatigue. Je ne veux pas perdre le fil.

Dois-je cesser de lutter contre cette propension? Accepter que tout ira toujours à grande vitesse pour moi? Y aura-t-il réellement une époque de ma vie où je serai parvenue à ralentir? Il y a un moteur interne, on dirait, qui décide à ma place, et qui me vient de maman, qui me vient de papa. Mais ce désir en contre-courant de paix profonde et d’horizon, ça c’est Père-Grand, c’est Robert qui vit en moi et qui me rappelle quotidiennement de ne pas laisser la peur faire ses quartiers en dedans de moi. Respire. Tout va bien. Il y a de l’espace pour toi, si tu sais le garder dégagé face à ceux qui ne cesseront jamais de vouloir déterminer à ta place l’espace de ta liberté.

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La lutte, c’est la vie. Sinon, c’est l’atrophie. Il n’y a pas d’autre moyen. Tout va bien, tout est normal, tout cela est dans l’ordre des choses. Respire. Tu résistes. Donc tu es.

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