.jpg)
Cabrioles et haute-voltige au frisbee canin
Si le meilleur ami de l’homme est le chien, le meilleur ami du chien est probablement le frisbee. C’est avec cette prémisse pleine d’esprit que je me suis rendu dans la charmante municipalité de Saint-Lazare, à l’ouest de Montréal, pour assister à ma première compétition de frisbee canin.
Confortablement campé dans une forêt de pins blancs bercée au son des aboiements, le complexe multisports Guides Canins s’est établi comme la Mecque des concours au Québec. Outre le lancer du frisbee, on y présente également des tournois dédiés à la détection d’odeur, au sprint, à l’agilité et aux sports ratiers, ces épreuves où le chien doit, aidé que par son museau, débusquer le plus rapidement possible des rats cachés dans des tubes.
.jpg)
Vêtues aux couleurs de leurs équipes, une vingtaine d’éleveuses passionnées se sont donné rendez-vous sous un soleil clément. On compte à leurs côtés de jeunes bêtes d’à peine une année à de vieilles chiennes qui en ont vu d’autres. « C’est surtout le temps de pratique et l’expérience qui sont déterminants, m’éclaire Josée, native de Sherbrooke. Le sexe n’a pas d’impact, contrairement à sa personnalité et ses aptitudes physiques. L’obéissance, l’intelligence et l’athlétisme sont les traits convoités. »
.jpg)
Je jette un coup d’œil aux enclos voisins, où de petits chiens maniérés déambulent les pyramides et les tunnels d’agilité. « Il faut choisir les épreuves selon les préférences du chien. Certains sont trop stressés pour l’agilité, qui demande beaucoup de contrôle, alors que le frisbee permet de vraiment lâcher son fou! » ajoute-t-elle.
.jpg)
À chacune des étapes de la journée, les maîtresses tenteront, tout en assurant la sécurité de leurs preux canidés, de les pousser à leur plein potentiel. Si l’ambiance qui règne est des plus agréables et amicale, certaines compétitrices ne laissent rien au hasard dans leurs préparations, ayant fait le voyage de loin, armées de petites meutes comptant jusqu’à cinq têtes.
« Wo-wo-woh, la ligne! Ses pieds dépassent de la ligne », critique une concurrente. Ça joue à peine du coude, mais quelques participantes désirent sérieusement aller chercher les points nécessaires pour se qualifier aux Nationaux, comme Johanne qui a déjà participé à plusieurs compétitions internationales aux États-Unis.
.jpg)
Une communauté au féminin, en effet, car à l’exception de seulement deux hommes au tableau, l’entièreté des inscriptions sont des femmes. Les hommes seraient plus nombreux au Toss & Fetch, une discipline qui exploite davantage la force et la distance que la stratégie et la précision.
.jpg)
À titre d’exemple, l’un des premiers jeux implique la réception du disque dans des zones quadrillées où le chien doit faire le tour du lanceur entre chaque lancée. Il faut donc se creuser les méninges : vaut-il mieux de courts lancers et aller chercher des points rapides et faciles ou se risquer aux lancers éloignés dans les zones payantes?
.jpg)
Une belle diversité raciale se retrouve au sein des troupes, mais force est d’admettre l’écrasante majorité du border collie. Il y a bien quelques bergers australiens aux yeux clairs et d’intrépides jack russel, mais le border collie brille de mille feux. Chien de bétail, chien de frisbee. « C’est dans leur ADN », ajoute Johanne en haussant les épaules.
Au micro, les tours sont annoncés en duo. « Suzanne et Mao. Guylaine et Benson. Charly et Meeko ».
.jpg)
Les fidèles compagnons avancent dans un état extatique, regardent leurs maîtresses avec impatience tout en remuant la queue, exigeant qu’on retire leur laisse.
Une fois sur le terrain, les quatre pattes se baissent, la colonne se cambre, le corps se raidit. Sirène. Explosion.
« Drop! Catch! Up! Stop! », la communication est centrale à une bonne exécution. Chaque participante à son propre jargon pour transmettre les directives à l’athlète au poil long.
.jpg)
L’émotion est sincère. Ça crie, ça hurle. Certaines sont ravies, d’autres déçues. Un jeune chien, aussi charismatique que distrait, s’approche de moi en pleine joute pour m’offrir une offrande alors que sa maîtresse martèle son nom dans la désolation. La juge, chrono en main, sourit de gêne. Parfois le chien ne veut tout simplement pas déloger le jouet de sa mâchoire ou échappe, sans exception, chaque disque lancé dans sa direction.
N’ayez crainte, les épisodes de fulgurances acrobatiques abondent. Les épreuves sont truffées de sauts spectaculaires et d’encouragements.
Les animaux bondissent, vrillent, puis jappent de plaisir en se faisant flatter de félicitation. Une fois les 60 secondes terminées, les chiens reviennent la langue lourde et perdue dans une gueule fièrement haletante de bonheur.
.jpg)
« Johanne, quand tu lances bien, ton chien est bon! », taquine une participante faisant éclater de rire la petite foule réfugiée à l’ombre. « Tout part de là », me dit Suzanne en parlant des aptitudes de lancer du maître. Il faut une bonne technique, de la précision et prendre de bonnes décisions rapidement.
« Urine ! » Vite, Suzanne se rend sur le terrain avec du vinaigre qu’elle asperge au sol. « On en met pour tuer l’odeur et ne pas déconcentrer le parcours d’un chien qui serait tenté d’uriner par-dessus », m’explique une juge.
Même chose pour les gâteries qui sont interdites sur le terrain, car si une seule croquette est échappée au sol, cela pourrait facilement distraire la performance d’un adversaire.
.jpg)
Les jeux défilent: BOOM, Time Wrap, Funkey ou Fritzgility qui combine un parcours d’agilité avec des lancers. Entre deux rollers (faire rouler le frisbee au sol), un chien cesse subitement de courir, lève une patte, le pauvre, ensanglantée. Une vétérinaire inspecte. Verdict: un cousin est déchiré. Sa journée est terminée.
« On se bat surtout contre ses propres records plutôt que les autres duos », lance Josée. Les entraînements hebdomadaires se font été comme hiver, à l’intérieur ou au parc à chien. « On est une belle gang », souligne-t-elle.
.jpg)
Johanne me confie que participer à de tels événements a été une magnifique découverte et que le frisbee l’a énormément rapprochée de son chien. « J’ose croire qu’il s’amuse autant que moi ! », lance-t-elle, tout sourire en lui donnant un bisou sur la tête.
.jpg)
Les applaudissements perdurent au grès des heures. On célèbre autant les lancers que les attrapés spectaculaires.
Certaines ont passé une bonne journée et repartent avec des rubans victorieux, d’autres bredouilles. «L’important, c’est la connexion avec le chien et avoir du fun avec d’autres passionnées », me raconte Charly.
Nul doute, les chiens s’effondreront de fatigue dans la voiture au retour. On leur souhaite de beaux rêves riches en frisbee.