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Ça va finir par finir
Début mars, le temps doux se pointe timidement et avec lui, l’espoir. Même si on sait qu’une bordée de neige nous attend dans le détour.
Ça va finir par finir, ici, s’impose comme un leitmotiv, une bouée de sauvetage. Parce que sans parler d’un bonheur instantané, le retour du temps doux est doublé d’une plus grande sensation de liberté. Libre d’être moins vêtu, libre d’être au soleil, libre parce qu’on ne se sent plus à la merci du temps froid qui complique drôlement les sorties et les déplacements.
C’est plus fort que nous: on regarde vers l’avant le cœur plus léger, et ce n’est pas forcément parce que l’hiver est long. C’est que pour plusieurs, l’hiver est doublé d’une dépression saisonnière qui, rusée, nous attaque quand on a le dos tourné, trop occupés à gérer les accumulations de neige.
On peut pointer du doigt l’exposition réduite à la lumière du jour. Chez certains, c’est plutôt une maladie chronique qui s’invite annuellement. Il y en a aussi pour qui, et j’en suis, la saison triste en est une qui exacerbe l’amertume du quotidien (qui peut aussi s’inviter lors des jours ensoleillés, cela dit).
L’hiver va finir par finir qu’on se dit, mais en attendant, on fait quoi?
Le trouble affectif saisonnier
Si vous flânez sur le web, vous trouverez très rapidement des listes de trucs pour vous aider à envoyer promener le trouble affectif saisonnier (TAS). Mais, comme avec les résolutions pour maigrir, connaître les trucs ne suffit pas toujours. Parce que l’application, elle, peut s’avérer laborieuse.
Mieux manger et fixer une lampe entre deux séances de cardio, c’est bien beau dans un texte click-bait sur le web, mais quand j’ai la tête lourde sur mon divan, ce n’est pas un refrain particulièrement accrocheur.
La saison, aussi lourde que sombre, n’inspire pas trop la bonne volonté.
Normaliser les solutions aux problèmes d’humeur, c’est souvent en créer d’autres.
En fait, j’ai un malaise devant ces fameuses listes. Normaliser les solutions aux problèmes d’humeur, c’est souvent en créer d’autres. Quand je vois ces suggestions pour améliorer le quotidien, j’ai une étouffante impression de rater ma vie. Comme une culpabilité de ne pas «fonctionner comme ça», de ne pas me sentir le cœur plus léger quand le soleil me plombe sur le nez.
Reste l’incontournable question : on fait quoi en attendant?
On fait quoi quand on fixe le vide par manque d’énergie? Quand l’idée d’être en mode solution nous semble aussi pénible que laborieuse?
Quoi faire quand tout (ou presque), sur les médias sociaux, carbure à la représentation d’un bonheur quantifiable? Quand on se compare aux gens sur notre Instagram avec leurs photos inspirantes, quand on regarde les statuts Facebook de nos proches, les listes, les accomplissements, les petits bonheurs et les projets… On fait quoi devant l’écrasante obligation d’avoir l’air heureux qu’on nous vend comme la seule façon d’exister au quotidien?
J’pense qu’on peut se donner un break. On peut se donner le droit de ne pas être heureux. Ce n’est pas la fin du monde d’être à off une saison de temps en temps.
On peut se donner le droit de ne pas être heureux. Ce n’est pas la fin du monde d’être à off une saison de temps en temps.
Cette impression de penser à moi, même à la dérive, me raccroche à l’idée que oui, ça va finir par finir. L’hiver, la déprime, le blues, la passe difficile. Appelez ça comme vous voulez, ça va finir par finir si on ne fait pas comme si ça n’existait pas.
Ce n’est pas toujours un geste conscient, mais attendre que le temps passe dans la pénombre, chez moi, c’est de plus en plus essentiel. Loin de la pression de ne pas perdre son temps, de la dictature du bonheur, du modèle de couple hétéro-normatif avec sa clôture blanche, son chien et ses 2,2 enfants en banlieue.
Ça va finir par finir, faites-moi confiance. Parce que même si ce n’est pas tout de suite et maintenant, le bonheur se peut et, surtout, il n’a pas à être identique à ce qu’on voit chez les autres. Ça et parce qu’ une déprime saisonnière, ce n’est pas un constat d’échec.
Donnez-vous un break.