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Ça te tente qu’on consente ensemble ?

La campagne « Sans oui, c’est non »

Par
Alix Genevrier
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Il est possible de faire des trucs coquins à l’université. Avec un peu de jugeote et d’imagination, on peut, oh oui, on peut!. D’autant plus qu’on a déjà su chez URBANIA qu’on trouvait des petites installations artisanales pour aider les adeptes à parvenir à leurs fins.

Mais tout ça, c’est quand il y a consentement. Et ça prend pas qu’un consentement. Ça prend un “oui” par personne.

Parce que “sans oui, c’est non”.

“Sans oui, c’est non” c’est le titre de la campagne lancée par l’Université de Montréal en 2014 pour contrer le harcèlement à caractère sexuel sur les campus universitaires. Depuis sa naissance à l’Université de Montréal, la campagne ne s’était menée que sur son campus. Si aujourd’hui on en parle autant, c’est que 16 universités ont décidé de la joindre.

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On est passé d’une échelle locale à une échelle provinciale, et ça promet pour la suite. Parce que c’est nécessaire. Tsé, quand quelqu’un confond un “pas de oui” avec un “oui”, y’a comme un léger souci. La campagne s’est alors fixé plusieurs objectifs : redéfinir la notion de consentement, créer un espace de confiance où donner des ressources aux victimes et sensibiliser.

URBANIA a rencontré quelques personnes impliquées dans cette campagne.

Andréanne Henry Tremblay, intervenante à Trêve pour Elles (centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel — CALACS).

URBANIA : Andréanne, t’en connais pas mal sur le consentement. C’est quoi consentir? C’est dire oui?
En gros c’est ça, mais dans les faits, ça se traduit de façon plus complexe. Mettons tu peux dire oui, mais pas vraiment le vouloir, tu peux être manipulé ou contraint. Si je dis pas non ou que je dis rien, ça veut pas dire que je dis oui pour autant! Et j’insiste parce que beaucoup s’y méprennent : le silence n’est pas un consentement actif. Le consentement doit être libre et éclairé : tu me présentes un rapport sexuel classique pour lequel je suis d’accord, et au beau milieu tu changes de direction et ça devient trash, mais moi j’ai pas dit oui pour ça! J’ai le droit de vouloir arrêter. À tout moment! Si je me sens mal que je dis stop, on arrête et on en parle. Pis surtout, faut jamais tenir un consentement pour acquis. Mettons on s’est vus y’a un mois et t’étais correct avec cette pratique, peut-être que maintenant t’en as plus envie. Et c’est ok pareil.

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Alexandra*, victime de harcèlement

URBANIA : Alexandra, t’as vécu des situations de harcèlement à répétition sur ton campus universitaire il y a quelques années. Comment as-tu appris à dire “non”?
Pour beaucoup de filles, dire non change rien. Elles sont pas consentantes, l’autre le sait, mais ça l’touche pas pantoute. Il harcèle pareil. Mais moi ça s’est arrêté dès que j’ai commencé à dire non. Ça veut pas dire que je disais oui avant. En fait, je vivais du chantage de la part d’un gars de mon école. Il m’aidait à faire des devoirs. En fait, il les faisait. De À à Z. J’étais surmenée, ça m’allait, on s’entendait bien. Après ça, il m’a fait me sentir redevable. On a eu des rapports sexuels, parce que “tu m’en dois bien une!” Il était gentil donc ça paraissait pas comme du harcèlement. Je considérais pas ça comme du viol. J’ai jamais dit non, mais j’en avais pas non plus envie, jamais. Il me disait “j’ai de quoi te faire chanter, tu devrais faire la fine ». Et puis un jour, j’ai été catégorique, j’ai arrêté ça. J’en ai parlé avec quelqu’un qui était prêt à me “backer”. Ça m’a donné le courage de me foutre de ses menaces.

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Véronique Grenier, co-porte-parole de “Sans oui, c’est non”, prof de philo au cégep et chroniqueuse chez URBANIA.

URBANIA : Véronique, ça va ressembler à quoi cette campagne?
C’est une campagne qui se déploie de manière concertée, mais chaque campus va tenir ses activités de manière indépendante. Conférences, ateliers, activités de sensibilisation.

URBANIA : Y’a pas un risque que les gens qui se présentent à ses activités ne soient que des personnes déjà sensibles à la cause? Comment on fait, pour rejoindre ceux et celles qui ne se sentent pas concerné(e)s?
Oui, il y a ce risque. C’est pourquoi il importe de penser à qui l’on souhaite s’adresser, de trouver des gens qui savent atteindre et parler de manière à toucher ceux et celles qui, en d’autres circonstances, ne prêtent pas l’oreille à ce sujet. Pourtant les violences à caractère sexuel touchent beaucoup de gens. C’est pour ça qu’il importe de les nommer, ces violences, question d’effacer l’idée qu’une agression, ça se passe juste dans une van par un dude avec de l’écume au bord des lèvres. Ça se passe dans nos maisons, dans les bars, chez des ami(e)s, etc. Faque. Pour rejoindre, il faut en parler dans plusieurs espaces avec plusieurs sortes de discours et de représentant(e)s. Le fait que Koriass ait prêté sa voix à la cause est une chose chouette parce qu’il rejoint des individus par qui il était plus ardu d’être entendu, avant. L’automne dernier, il a donné une conférence avec Micheline Dumont, Micaela Robitaille et moi-même, sur la question du consentement et de la culture du viol, au cégep de Sherbrooke et sa voix a vraiment ébranlé une part de l’assistance. La part masculine, surtout, de l’assistance. Il y avait 420 personnes et la moité de la salle était des garçons. Je reçois encore des témoignages, aujourd’hui. Bref. En parler et le faire en ayant en tête que ce que l’on veut, c’est que les comportements changent.

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Koriass, co-porte-parole de « Sans oui, c’est non », rappeur et Natural Born Féministe.

URBANIA : Koriass, pour Véronique, la façon dont on fait passer le message est très importante si on veut toucher le bon public, et le fait que tu sois un homme et que les gens te connaissent aide beaucoup à donner de la visibilité au projet. T’es d’accord?
C’est vrai qu’y a quelque chose à voir dans la façon avec laquelle l’info est livrée. Moi, mon allocution est pas académique. C’est pas juste d’la matière pis d’la théorie. Je pense que ça peut aider à sensibiliser. Et aussi ironique que ça puisse paraître, on s’est rendu compte que dans le combat pour l’égalité des sexes, les gars écoutent plus s’il c’est un gars qui parle, et si en plus, ils le connaissent. Le fait qu’ils sachent qui je suis peut avoir un impact. Et aussi je parle de problématiques masculines et j’aborde mon point de vue de gars, donc ça joue. Pis la fin justifie les moyens, et on veut que les gens soient conscientisés pour réduire possiblement les agressions sexuelles. Avec nos moyens jusqu’à date, la réception est bonne, donc on continue sur cette voie-là.

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*Le prénom a été changé à la volonté de la jeune femme pour préserver son anonymat.

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