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Ça prend toute une ruelle pour élever un enfant

Rencontre avec des Montréalais pendant une corvée de propreté

Par
Lucie Piqueur
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Samedi passé, je suis allée ramasser les ordures et balayer la ruelle de gens que je ne connaissais pas. En effet, non contente de faire TOUT LE MÉNAGE dans mon appartement après mes colocataires, j’ai souhaité pousser encore plus loin ma vocation de Sainte-Lucie-du-balai en participant à une des corvées de propreté 2016 organisées et mise en ligne sur une plateforme créée pour les citoyens par la Ville de Montréal.

Du 1er avril au 31 décembre, les citoyens sont invités à organiser une activité de nettoyage dans leur quartier, avec comme point culminant la dernière fin de semaine d’avril appelée La Grande Corvée montréalaise. La ville fournit gants, chandails et balais; les résidents fournissent la bonne volonté. Et il faut savoir que Montréal est la ville canadienne avec le plus haut taux de participation.

En rencontrant les citoyens vivant à proximité de cette ruelle dans Rosemont, j’ai compris pourquoi.

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“Presque tout le monde est sorti pour mettre la main à la patte. Il faut dire qu’avec une température de 16°C et du soleil, ça aide à la bonne humeur. Sous la pluie, je ne sais pas s’il y aurait eu autant de main d’œuvre et de sourires!”
-Un homme qui, je confirme, n’avait rien entre les dents

“Ce n’est pas si sale, on est chanceux. Il y a quelques détritus, mais il s’agit plus de balayer la poussière accumulée, les samares et les feuilles. On a aussi beaucoup de chats dans notre ruelle qui sont attrapés, castrés et relâchés, donc il y a aussi des excréments. On essaie de rendre ça un peu moins dégueulasse pour les enfants, et d’enlever les roches pour qu’ils puissent faire du vélo. On veut une ruelle sécuritaire pour eux, et agréable pour nous, parce qu’on va probablement passer l’été ici à les regarder jouer.”
-Une femme qui surveille ses enfants sans perdre de vue ses 5 à 7 de voisins

Émilie, Mélanie, Patrice, Claudine, Marie-Hélène, Arianne, Élric, Julie, Cathy et François étaient déjà en train de s’activer quand je suis arrivée.

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Le troupeau d’enfants qui courait autour d’eux était un peu moins efficace. Pourtant, l’organisation de cette corvée de nettoyage est partie d’eux. Il y a deux ans, personne ne se connaissait dans cette ruelle. Puis, l’été passé, faute d’avoir une cour, les petits ont commencé à jouer ici avant l’heure du souper. Les parents ont fait connaissance, puis ont décidé peu à peu d’organiser ensemble des fêtes d’enfants, des épluchettes de blé d’Inde et autres soupers de voisins. Cette année, ils avaient hâte de faire le grand ménage pour amorcer la nouvelle saison. “C’est la première fois qu’on se retrouve tous ensemble après l’hiver, et là — pouf! — tous les enfants ont grandi!”

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“On respecte l’espace qu’on partage et on veut qu’il soit beau. Si on a fait des enfants, c’est pour leur offrir une belle enfance.”

“C’est un cercle vertueux : plus les communautés sont vivantes, plus le quartier est dynamique, plus les gens veulent s’y installer. Il y a un baby-boom ici, tu le vois à la quantité d’enfants qui jouent dans la ruelle.”
-Deux résidents, juste avant que leur sac de bouette craque et se vide par terre

En bonus : un chiot
En bonus : un chiot

En fait, ces résidents sont tellement enthousiastes qu’ils ont même créé un comité de ruelle et viennent d’être sélectionnés par la Ville pour que leur cour de récréation commune devienne une “ruelle verte”. Un représentant va passer après la corvée pour leur exposer les possibilités qui s’offrent à eux avec leur nouveau statut.

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“Comme on est dans Rosemont, les cheminées de l’incinérateur, c’est notre point de repère dans la ville. On aimerait donc une ruelle verte qui est à la fois industrielle et luxuriante. Ça va être notre thème pour l’aménagement.”

“Ça change la vie des enfants, parce que ça devient agréable de grandir en ville. Élever une famille ici, ce n’est plus forcément quelque chose de difficile ou qui enlève quelque chose à l’enfance. C’est l’occasion de créer une communauté : ce n’est pas juste que les enfants jouent dans la ruelle, c’est qu’ils se connaissent et qu’ils y jouent ensemble. Ça crée un plus grand sentiment de sécurité et moins d’isolement, pour les familles comme pour les personnes seules. C’est la vie en ville 2.0.”
-Deux voisins qui ont autant le sens de l’urbanisme que de la formule

Cargaison de roches
Cargaison de roches
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Moi qui ai l’impression chaque matin que c’est inutile de faire mon lit parce que je vais encore le défaire chaque soir, je me sentais un peu perplexe de balayer le béton. Cependant, mon expérience a quand même eu la conséquence inattendue de me faire réaliser que je n’étais pas obligée de suivre la même voie que mes parents en achetant un char et une maison en banlieue au moment de fonder une famille. J’avoue que ça fait mon affaire.

Adoptez-moi svp. Crédits photo : Camille Baduraux
Adoptez-moi svp. Crédits photo : Camille Baduraux

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Cette année, la Grande corvée montréalaise aura lieu la fin de semaine du 29 avril au 1er mai.

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On peut organiser ou participer à ces corvées entre le 1er avril et le 31 décembre.

#mtlcorvees