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Ça passe ou ça casse: The Outsider
* Ce texte contient de léééégers divulgâcheurs qui ne gâchent, somme toute, pas grand-chose *
Les romans du roi de l’horreur Stephen King se vendent comme des petits pains chauds depuis maintenant plus de 40 ans.
Carrie, The Shining, It, Cujo… sa réputation n’est plus à faire. Les adaptations cinématographiques et télévisuelles de ses œuvres ne lui ont cependant pas toujours rendu service. Souvent limitées côté financier et technologique, elles sont souvent incapables de faire honneur à son imaginaire et à ses personnages nuancés. Les Tommyknockers, Langoliers, Pet Semetary et Dreamcatcher, pour ne nommer que celles-là, ne sont que de pâles réflexions des originaux.
Les adaptations cinématographiques et télévisuelles de ses œuvres ne lui ont cependant pas toujours rendu service. Souvent limitées côté financier et technologique, elles sont souvent incapables de faire honneur à son imaginaire.
C’est pour ça que j’étais très heureux, lorsque j’ai appris qu’HBO portait à l’écran son roman The Outsider, paru en 2018. La chaîne câblée américaine ne manque ni d’argent, de temps ou de cerveaux pour faire de la bonne télévision. Confiée au légendaire Richard Price (Clockers, The Wire, The Deuce), la série avait tout le potentiel du monde. Le résultat final (le dernier épisode est sorti dimanche dernier) est… pas exactement concluant. Est-ce que ça vaut la peine d’investir 10 h de votre temps à la poursuite d’une mystérieuse force du mal ?
Décortiquons ça ensemble.
L’histoire
The Outsider, ça commence EXTRÊMEMENT raide avec le meurtre d’un jeune garçon. Avis aux âmes sensibles, on voit brièvement son cadavre mutilé. L’entraîneur de baseball Terry Maitland (Jason Bateman) est presque immédiatement arrêté après que de nombreux témoins l’aient placé près des lieux du crime. Certains d’entre eux l’ont même aperçu ensanglanté. Son ADN et ses empreintes digitales sont partout sur la victime. Ça semble somme toute très simple comme cas.
Sauf que…
Terry Maitland n’était pas en ville ce jour-là et il en a la preuve… sur vidéo ! Comment est-ce que quelqu’un peut être à deux places en même temps ? Maitland n’a clairement pas tué le jeune homme. Quelque chose (et non quelqu’un) de beaucoup plus dark est à l’œuvre dans la petite communauté de Cherokee City.
Trois trucs qui clochent
Avoir trop de budget et trop de talents
Un bon nombre d’adaptations de Stephen King ne fonctionnent pas parce qu’elles sont sous-produites. Elles manquent d’argent, d’idées et de talent devant comme derrière la caméra. Étrangement, le contraire s’est produit pour The Outsider.
La série compte dix épisodes et aurait facilement pu n’en avoir que six. On peut la séparer en trois actes :
1) On comprend pas exactement ce qui se passe (épisodes 1-5)
Ralph (Ben Mendelsohn), le policier qui enquête sur le meurtre du jeune garçon, est confronté aux preuves contradictoires en rapport à l’implication de Terry Maitland dans le crime. Il engage Holly (Cynthia Erivo), une investigatrice privée, question de retracer les allées et venues du véhicule utilisé par le tueur. Pendant cinq épisodes, on fait des allusions à un monstre surnaturel qu’on ne voit jamais vraiment, jusqu’au moment où…
2) On comprend ce qui se passe, mais on peine à y croire (épisodes 6-9)
Holly annonce que finalement, c’est le Bonhomme Sept Heures qui tue des enfants, et tout le monde roule les yeux. Ralph soupire beaucoup et tout le monde part à la poursuite dudit bonhomme, laissant planer le spectre d’une confrontation finale violente et mémorable.
3) La grande confrontation (épisode 10)
Bon, sans vouloir rien vous spoiler… j’pense que vous vous doutez de comment ça finit.
Vous voyez le problème ? The Outsider passe son temps à créer de l’anticipation pour des moments clés en hésitant constamment entre explorer la psychologie des personnages ou rester aussi fidèle que possible au roman de Stephen King. Chaque scène apparait importante et remplie d’une signification qu’on comprendra plus tard (certaines le sont), mais y’a beaucoup de vide. Ce genre de problème est souvent relié au fait qu’il y a trop de monde dans la salle d’écriture, trop de temps à combler et surtout, un désir de faire de la « grande télé » sans vraiment savoir comment s’y prendre.
Ça devient très frustrant à la longue.
50 nuances de Ben Mendelsohn qui soupire
Si vous avez lu le roman de Stephen King, préparez-vous à un Ralph Anderson vieilli, amoindri et dévasté par la mort de son fils (élément original à la série). Un des problèmes du roman, c’est qu’on passe 300 pages à s’attacher à Ralph qui tente de surmonter un sentiment de culpabilité dévorant envers la famille Maitland pour le voir se faire usurper le rôle de protagoniste par Holly Gibney à mi-chemin.
Ralph devient vite inutile et son manque de foi en elle rend sa présence plus problématique d’autre chose…. et par souci d’être fidèle au roman, on passe beaaaaucoup de temps avec lui. À le regarder soupirer, rouler les temps et s’ennuyer de son fils sans parler ou même bouger.
Dans la série, Holly se pointe au 3e épisode. Ralph devient vite inutile et son manque de foi en elle rend sa présence plus problématique d’autre chose…. et par souci d’être fidèle au roman, on passe beaaaaucoup de temps avec lui. À le regarder soupirer, rouler les yeux et s’ennuyer de son fils sans parler ou même bouger. C’est plate, parce que Ben Mendelsohn est un bon acteur et il aurait pu mieux contribuer à The Outsider.
Les changements qui ne fonctionnent pas
Bon, celui-là ne vous dérangera pas si vous n’avez pas lu le roman.
Quand on fait des changements d’habitude, c’est pour améliorer l’œuvre originale, right ? La rendre plus accessible et intéressante aux audiences télévisuelles. Il faut pas juste faire des changements pour faire des changements.
Par exemple, le personnage de Seale Bolton (Max Beesley) n’est pas dans le roman. Il remplace la mère de Claude Bolton, qui prend beaucoup moins de place.
Seale n’ajoute pas grand-chose et l’équipe d’écriture essaie vraiment très fort de lui donner ses moments. Dans l’avant-dernier épisode Tigers & Bears, il se transforme magiquement en génie de la chasse après avoir fumé un joint et se met à donner des conseils aux autres personnages. C’est ridicule.
Ce qui fonctionne
The Outsider n’est pas une série niaiseuse, mal écrite ou sans intérêt. C’est juste indécis par rapport à quelle direction elle doit prendre et elle est remplie de moments qui semblent importants, mais qui ne le sont pas.
La thèse de la série est incroyable. Sans vous vendre la mèche (il faut l’écouter jusqu’à la fin pour comprendre), The Outsider nous donne une nouvelle lecture du perpétuel combat entre le bien et le mal qui est au centre de plusieurs histoires d’horreur et ça, c’est vraiment très cool. Ça nous emmène à repenser un genre complet.
Devriez-vous l’écouter ?
Je sais que j’ai beaucoup chialé dans cet article… mais oui ? Si vous y allez en connaissance de cause et si vous la regardez en rafale, ça risque d’avoir pas mal plus de sens que si vous y alliez à l’aveuglette, semaine après semaine.
C’est peut-être pas la série du siècle et ça ne vous empêchera définitivement pas de dormir, mais ça s’écoute bien en pliant du linge !