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La Britneyfication: se faire opérer pour ressembler à Britney Spears
Demander la coupe de cheveux de Britney Spears à son coiffeur, y a rien là. Demander son nez, ses lèvres et son menton à son chirurgien, c’est une autre histoire. Certains sont pourtant prêts à aller jusque-là pour ressembler à leur idole. Comme Bryan Ray, qui a entamé sa Britneyfication il y a plusieurs années. On lui a parlé pour comprendre ce phénomène qui fait couler beaucoup d’encre (et de Botox).
On s’attendait à un personnage excentrique et hyperactif. Ou encore à un énergumène un peu déconnecté de la réalité. Mais c’est plutôt un trentenaire tout ce qu’il y a de plus éloquent et posé qui a pris notre appel pour nous raconter son parcours atypique, avec la voix nonchalante de quelqu’un qui relate sa fin de semaine au chalet.
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L’étrange histoire de Bryan Ray commence deux semaines avant ses 17 ans, lorsque sa mère lui demande ce qu’il désire pour son anniversaire. Elle s’attend alors à la réponse typique des adolescents de familles californiennes aisées : une nouvelle voiture. Après tout, il vient d’obtenir son permis de conduire.
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Mais la réponse de Bryan la prend de court : « J’aimerais avoir le sourire de Britney Spears. » Après le choc initial, elle se rallie à l’idée et débourse les 25 000 $ nécessaires pour exaucer son souhait. Quinze ans, près de 100 000 $ et une centaine d’interventions plus tard, Bryan continue de tout faire pour ressembler à son idole.
Et le Californien n’est pas seul : les jumeaux américains Matt et Mike Schlepp sont passés sous le bistouri pour ressembler à Brad Pitt ; la Texane Kitty Jay, à Jennifer Lawrence ; et l’Allemand Tobias Strebel, à Justin Bieber, pour ne nommer que ceux-là.
Comment expliquer ce phénomène qui fait tant jaser chez nos voisins du Sud ? « On vit dans une société où les vedettes sont les nouveaux modèles du succès », croit Diane Pacom, sociologue et professeure émérite à l’Université d’Ottawa.
« Je suis la carrière de Britney depuis ses débuts. J’ai parfois l’impression qu’on a grandi ensemble. Pour moi, elle était le summum de la beauté et du talent. Je voulais être comme elle. »
Pas que le culte de la célébrité soit une invention nouvelle. Mais les réseaux sociaux amplifient le phénomène de façon exponentielle : « On est constamment exposé à ces gens-là, poursuit-elle. On sait ce qu’ils font, ce qu’ils mangent, où ils s’habillent… Ça donne l’illusion d’une certaine proximité. »
Une proximité que Bryan Ray ressent intensément.
PASSER À L’ACTE
De là à subir chirurgie après chirurgie pour ressembler à une vedette, il y a quand même un pas. Pour être prêt à le franchir, il faut vivre une grande crise, estime Diane Pacom. « Ce sont des gens qui ont un malaise profond, qui veulent se débarrasser du carcan d’un corps dans lequel ils n’ont jamais été à l’aise. »
La quête de pouvoir et la volonté d’exister dans les yeux des autres y sont aussi pour quelque chose : « Ceux qui réussissent à ressembler parfaitement à une célébrité atteignent une notoriété qui dépasse leur petit quotidien. Le fait de retenir le regard de quelqu’un parce qu’on a les mêmes fesses que Kim Kardashian, c’est en soi un moment de gloire. » (Le sosie torontois de Kim K., Kamilla Osman, a d’ailleurs plus de 500 000 fans sur Instagram.)
« Maintenant, quand je me regarde dans le miroir, je me sens davantage comme la personne que je crois être réellement. »
Bryan Ray jure pourtant que la notoriété n’y est pour rien. « Avant ma première chirurgie, je ne me doutais pas que ça irait aussi loin. Mais la résilience et l’authenticité de Britney ont fait que j’ai voulu lui ressembler toujours plus. C’est une façon de m’exprimer artistiquement. Je me suis créé la vie que je voulais et j’y trouve énormément de liberté. »
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DERRIÈRE LE SCALPEL
Même si ce genre d’histoire fait parler, le phénomène reste marginal. C’est du moins ce que prétend le Dr Nabil Fanous, chirurgien esthétique ayant pignon sur rue dans Westmount. « Je vais vous surprendre : c’est très rare que quelqu’un me demande de ressembler à une vedette. Au contraire, les gens demandent souvent de ne pas ressembler à quelqu’un. »
Ses clients veulent essentiellement deux choses : « Que l’intervention soit la moins invasive possible et que le résultat soit naturel. » La peur de se retrouver avec le visage figé de Nicole Kidman l’emporterait donc sur le désir de ressembler à Angelina Jolie.
« Je suis extrêmement satisfait de mon apparence. Les gens choisissent souvent les photos où je ressemble le moins à Britney, pour montrer que j’ai «gaspillé» tout cet argent. Mais les commentaires que je reçois au quotidien sont majoritairement positifs. »
Mais pour ceux qui voudraient quand même le minois de l’interprète de Lara Croft, la chirurgie ne fait pas de miracles, prévient le Dr Fanous. « Si votre structure osseuse s’approche de celle du modèle, il y a des chances de lui ressembler. Mais on ne peut pas faire d’un grand visage, un petit visage. Ou d’un visage rond, un visage carré. »
Si l’on se fie aux cas rapportés sur le web, les résultats sont rarement concluants. Bryan Ray essuie d’ailleurs beaucoup de critiques en ligne, mais les mauvaises langues ne l’affectent pas.
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ET LE QUÉBEC, DANS TOUT ÇA ?
À notre connaissance, aucune émule plastique de Marie-Mai ou de Claude Legault ne d éambule dans les rues du Québec. Et alors qu’un chirurgien américain a déjà raconté au New York Times recevoir un cas du genre chaque mois, le Dr Fanous, lui, n’en a jamais eu. « Personne n’est venu me voir en me disant : ‘Faites tout ce que vous voulez, mais je veux avoir l’air de telle personne.’ Il y a 20 ans, il y avait plus de demandes exagérées, comme de très gros seins ou un nez minuscule. Aujourd’hui, les gens sont généralement très raisonnables. »
Diane Pacom n’est pas prête à retirer notre Belle Province de l’équation pour autant : « Il y a un certain mal de vivre ambiant, présentement. Partout dans le monde, on se cherche. Et notre proximité avec les États-Unis nous rend assez sensibles à ces phénomènes de culture populaire. » Comme on dit en économie : quand les États-Unis éternuent, le Québec attrape le rhume.
Où tracer la ligne entre « caprice raisonnable » et « lubie excessive » ? Pour le Dr Fanous, la réponse est claire :
« Si quelqu’un me dit qu’il veut ressembler à telle vedette, je vais refuser. Et je vais même lui recommander d’aller voir un psychiatre. Ce n’est pas normal de vouloir ressembler complètement à une autre personne, » Nabil Fannous, chirurgien esthétique
De son côté, Bryan Ray ne prévoit pas arrêter de sitôt : « Les prochaines étapes, c’est de me faire recoller les oreilles et d’abaisser ma ligne de cheveux. Je suis une œuvre en évolution : le résultat final est encore à venir. » Peu importe ce résultat, Bryan Ray pourra au moins se dire qu’il ne sera jamais pire que le Justin Trudeau du Musée Grévin. Et que pendant qu’il travaille fort pour atteindre son rêve, d’autres vivent comme un cauchemar une ressemblance fortuite avec une personne connue…