Mon amour pour la musique est né en explorant la collection de vinyle de mon père. Une bibliothèque composée de pressings japonais, de disques brésiliens, de 45 tours ouest-africains et d’albums de chansonniers français.
Quand j’ai découvert le rap par la suite, je me suis vite intéressé aux notes de productions pour savoir qui faisait les beats et scratchs. DJ Premier et Jazzy Jeff sont rapidement devenus mes idoles. Mais, c’est vraiment en voyant M. Leclair troquer son rôle de surveillant pour devenir DJ de ma danse de secondaire 3 que je me suis mis en tête que je pouvais faire mieux.
Rendu au CÉGEP, j’ai loué un système de son puis, armé de mon CD-wallet plein de musique gravée de Kazaa, j’ai finalement spin mon premier loft party. Depuis ce temps-là, ma collection de disques a complètement avalé la déco de mon salon et j’ai traversé une panoplie de gigs et de soirées à travers la ville.
Ma passion pour ce métier m’a cependant mené à un constat : de nos jours, tout le monde avec un compte Instagram et une playlist un peu hot semble pouvoir se proclamer DJ. C’est pourquoi j’ai décidé de prendre du recul et d’aborder des enjeux qui touchent les acteurs de la scène DJ au Québec, histoire de redorer notre blason parfois un peu malmené.
« As-tu ton équipement? »
Il y a quelques mois, j’ai reçu une offre pour faire l’ouverture du légendaire groupe de rap marseillais IAM. Malgré mon excitation, ma communication avec les promoteurs a commencé de manière assez rough. Alors que je vérifiais des détails techniques par courriel et que je voulais simplement savoir si l’équipement était fourni, on m’a répondu avec aplomb : « si tu fournis pas l’équipement, on ne pourra tout simplement pas booker de DJ! » L’histoire a bien fini, j’ai rafistolé un setup semi-adéquat à la dernière minute et installé sur une table en plastique, j’ai joué 2 heures de vinyles hip-hop franco devant une salle comble.
Ceci étant dit, une chose me trottait encore en tête: « qu’est-ce que la salle aurait fait si je n’avais pas trouvé d’équipement? » M’aurait-il remplacé par une playlist?
C’est aberrant de se rendre compte qu’il y a des magasins de souliers qui porte plus attention à l’ambiance des 5 à 7 avec leurs clients que des mégas productions lors d’un spectacle sold out à 70$ le billet.
Éviter des émeutes
Le sombre épisode de Lil « Jazzy » Vert durant le Festival Santa-Teresa cet été a prouvé qu’un DJ en chair en os ne peut pas toujours être remplacé par une liste de lecture.
Cette soirée-là, j’étais au bord de la scène de 21h30 à minuit pendant que personne n’osait faire face à une foule visiblement à bout de patience pour annoncer l’annulation du rappeur de Philadelphia. La déception était palpable chez des milliers de fans qui attendaient sur le site du festival, mais rien n’accotait la sordide torture auditive que vivaient lesfestivaliers durant l’attente : une playlist de light jazz.
À chaque chanson, une pause de 5 secondes durant laquelle on entendait la foule prendre une respiration collective d’espoir déchu puis râler de nouveau dès qu’un nouveau solo de clarinette revenait à la charge. Pendant que High Klassified terminait son set sur une scène secondaire éloignée et que Shash’U filmait une story de la situation lamentable, le main stage restait piètrement vide. Nécessairement, le grabuge a commencé, pendant que deux excellents DJs déjà sur place auraient facilement pu sauver la mise.
À ce moment, je ne pouvais faire autrement que de me dire que si un(e) DJ avait joué du gros trap après la prestation de indie-rock qui venait de se dérouler, on n’aurait pas assisté aux poubelles renversées, aux signes de Boréale démantelés et à la mini-émeute dont la vidéo a fait le tour du globe. Les fans auraient bounce sur du Migos, ce seraient acheté une autre bière et auraient suivi les instructions de se rendre aux concerts de FouKi ou Mike Shabb plus paisiblement. Le DJ aurait même pu couvrir les quelques huées prévisibles par des 808 et merci bonsoir.
Transitions plus en douceur
La présence d’un(e) Disc-Jockey n’est pas une solution miracle, mais c’est crissement utile. Nous servons à lire pour ensuite maintenir l’énergie de la foule en la réchauffant pour un accueil de feu de l’artiste invité, ou bien la calmer pour que les fans prennent un break et renflouent les coffres des bars.
Tout comme un pain artisanal chaud avant un repas 5 étoiles, l’ambiance créée derrière les platines est le bonus de la soirée, l’élément crucial qui fait revenir ou rester plus longtemps un client après le plat principal. Les évènements et pages Facebook des promoteurs récoltent souvent deux types de commentaires à la suite d’un show; « j’ai adoré mon expérience pis la musique était bonne » ou « c’était long, j’peux pas croire que j’ai payé autant ça pour c’te show là ».
Quand on pense à la satisfaction du client, les ventes d’alcool et la flexibilité à l’horaire en cas de pépins, les questions de rapport qualité-prix sur la présence d’un DJ à un évènement ne devraient même pas se poser. Elle est tout simplement essentielle.
Avoir une personne en maitrise de la situation auditive, prête à procurer une expérience musicale sur mesure ça n’a pas de prix et devrait être un prérequis de n’importe quels rassemblements culturel. Que ce soit entre les bands durant le Festival de jazz ou pour garder la foule en haleine pendant que le tour bus est pris dans le trafic, les DJs sont une pierre angulaire de la réussite d’un concert.
Alors, de grâce, si vous êtes un.e promoteur.e et que vous lisez ces lignes : Bookez un.e fucking DJ.