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Bon Cop, Bad Cop, l’app qui dénonce le profilage racial de la police
À sa sortie en 2006, le film Bon Cop, Bad Cop d’Érik Canuel a connu un immense succès au Québec. Patrick Huard et Colm Feore y incarnaient deux policiers – un Québécois francophone et un Ontarien anglophone – aux méthodes de travail aux antipodes.
Quatorze ans plus tard, une application pour dénoncer le profilage racial subi lors d’une intervention policière s’est réappropriée le titre du long métrage. Une sorte d’appropriation culturelle visant à faire oeuvre utile, dans un contexte où le profilage racial et le racisme systémique font encore trop souvent les manchettes.
On en jase avec Marie-Livia Beaugé, avocate fondatrice de la Clinique juridique de Montréal-Nord et instigatrice du projet, qui devrait être disponible dans les prochains jours.
Une solution pour un problème ancré depuis longtemps
«Non seulement la personne va pouvoir enregistrer l’audio de l’interpellation policière, mais elle pourra également remplir des informations dans un formulaire, comme le nom du policier, son numéro d’immatriculation, pour ensuite pouvoir déposer une plainte et parler avec un avocat », énumère Marie-Livia au sujet de l’app, ajoutant du même souffle que de courts articles concernant les droits des personnes arrêtées seront également publiés sur les réseaux sociaux de Bon Cop, Bad Cop.
Si la personne ayant subi du profilage décide d’aller de l’avant dans ses démarches et de porter plainte en déontologie, quelqu’un de la clinique peut l ’accompagner au poste de police pour déposer la plainte officiellement. «C’est traumatisant comme expérience. C’est comme dire à une victime d’agression sexuelle de retourner chez son agresseur pour l’affronter. C’est très difficile et le fait d’être accompagné aide beaucoup », assure Marie-Livia.
Elle constate toutefois que plusieurs victimes de profilage ne croient pas que leurs dénonciations vont changer les choses, ce qui ajoute à la complexité de les amener à porter plainte et d’obtenir un portrait réel de la situation à travers la province.
«Les forces de police n’ont toujours pas avoué qu’elles faisaient du profilage racial. Elles ont simplement dit qu’elles avaient des biais systémiques.»
Quand on lui demande s’il y a du racisme systémique au Québec, la réponse de Marie-Livia est à l’opposé de celle du premier ministre François Legault. «Les forces de police n’ont toujours pas avoué qu’elles faisaient du profilage racial. Elles ont simplement dit qu’elles avaient des biais systémiques. Mais quand on regarde la définition de profilage racial, c’est-à-dire de baser ses arrestations sur la couleur de peau d’un invidivu, on se rend bien compte que c’est le cas », tranche l’avocate.
« C’est tellement ancré profondément dans leurs croyances qu’un noir en BMW est nécessairement un dealer ou qu’un groupe de jeunes noirs qui marchent ensemble font partie d’une gang de rue qu’ils ne réalisent même pas que ça découle du profilage racial ».
C’est d’ailleurs « l’inaction du gouvernement face à ces problèmes de société depuis des années » qui a poussé Marie-Livia à financer le projet de l’application et à développer le projet en partenariat avec l’organisme Hoodstock, un collectif de citoyens de Montréal-Nord. « C’est aussi le but de Bon Cop, Bad Cop, d’exercer une certaine forme de pression sur le système. Plus il y aura de plaintes concernant le profilage racial de la police, moins on pourra continuer de se mettre la tête dans le sable et faire comme si de rien n’était », croit-elle.
Un changement nécessaire
«Depuis des années, les policiers qui font subir ce type de discrimination ne sont pas imputés. Ça leur envoie le message qu’ils agissent correctement et ça les encourage à continuer.»
Selon l’avocate, des mouvements d’envergure comme Black Lives Matter contribuent à sensibiliser les gens aux bavures policières. « C’est sûr que ça pousse les gens à en parler davantage puisqu’ils ont des exemples concrets de ces débordements sous les yeux à répétition. Mais je crois qu’il faut en faire encore plus pour faire avancer la cause, soit en dénonçant massivement les coupables », estime Marie-Livia, d’avis qu’il faut plus que jamais maintenir la pression sur les policiers. « Depuis des années, les policiers qui font subir ce type de discrimination ne sont pas imputés. Ça leur envoie le message qu’ils agissent correctement et ça les encourage à continuer. Il faut que ça change», martèle Marie-Livia.
Dans un futur rapproché, l’avocate aimerait que les actions répréhensibles des policiers soient sanctionnées rapidement et que les dossiers des personnes décédées lors d’altercations avec les forces de l’ordre soient examinés en profondeur. «Ça serait juste le minimum de décence et de respect que tout être humain mérite d’avoir».