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Bloc québécois: pourquoi la chicane est pognée dans la cabane?
Rien ne va plus, comment ça?
URBANIA a voulu savoir comment un parti politique a pu connaître une telle dégringolade. On en parle avec Jean-Charles Del Duchetto, doctorant en science politique, qui nous propose quelques pistes de réflexion afin nous aider à comprendre pourquoi le Bloc québécois a implosé la semaine dernière.
Le Bloc aura 27 ans cette année, mais on dirait que c’est un adolescent en crise à la recherche de son identité. Qu’est-ce qui se passe?
Dans le jargon du marketing politique, le Bloc québécois est ce qu’on appelle un parti de cause. Ce type de parti concentre son action politique autour d’un enjeu bien précis. Pensons par exemple au Parti Vert qui entretient un lien intime avec l’enjeu environnemental.
Tout baigne dans l’huile quand la cause défendue par ce type de parti est en adéquation avec l’opinion publique. Les choses se compliquent lorsque l’enjeu suscite moins l’intérêt de la population. Doit-on prendre davantage en considération l’opinion publique et diversifier son offre politique, ou continuer tête baissée dans la même direction?
Ce qui est plutôt l’approche préconisée par Martine Ouellet. Finalement, c’est la Marshawn Lynch du Bloc (une idée fixe sous le bras et on fonce), succès en moins. C’est ça?
Ta métaphore sportive a besoin d’un peu de perspective historique! Né de la crise constitutionnelle du début des années 1990, le Bloc a joui pendant plusieurs années de l’omniprésence de cette question dans l’espace public. Néanmoins, une tension a toujours existé en son sein entre les partisans de la promotion de la souveraineté, et ceux de la défense des intérêts du Québec au sens large. Vous l’aurez compris, les premiers veulent que le Bloc soit un parti de cause pur et dur alors que les deuxièmes préfèrent qu’il soit tout de même un parti de cause, mais avec une sensibilité envers les préoccupations circonstancielles de la population. Sous son règne, Gilles Duceppe a réussi à imposer la deuxième option.
Dès son arrivée à la tête du Bloc, Martine Ouellet a brutalement essayé d’en faire un parti de cause pur et dur. Cette tentative a choqué une bonne partie de la députation bloquiste fidèle à l’approche de la défense des intérêts du Québec à Ottawa, spécialement dans un contexte où la question constitutionnelle est moins saillante et où l’appui à la souveraineté se retrouve dans un creux de vague.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on est loin de la Ouelletemania…
Les recherches en opinion publique et en comportement électoral identifient l’appréciation des chefs de partis comme un facteur explicatif important du vote. La compétence, l’honnêteté, la proximité avec les gens et l’authenticité sont des traits de personnalité recherchés chez les politiciens.
Malheureusement pour elle, Martine Ouellet a une image fortement hypothéquée depuis son passage comme ministre au Parti Québécois. Présentée comme quelqu’un d’entêté avec qui il est très difficile de travailler, disons qu’elle partait avec deux prises contre elle dans sa tentative de réformer le Bloc et ultimement, de plaire à la population.
En tout cas, le Bloc lui n’est pas loin de se faire retirer…
Lors des élections de 2011 et de 2015, le Bloc a souffert d’un grave problème de pertinence. On observait que bien que la population québécoise était assez en accord avec les propositions du Bloc, elle considérait inutile de voter pour lui étant donné son impossibilité à prendre le pouvoir.
Dans un contexte où on remarque de plus en plus la présence du phénomène du vote gagnant (les électeurs se font un petit velours d’avoir voté pour le parti ayant remporté le scrutin), le défi de faire la preuve de son utilité demeure énorme pour le Bloc.
Sachant cela, c’était écrit dans le ciel que la chicane allait pogner incessamment au Bloc. Quand on remet en question notre nature, notre image et notre utilité, pas étonnant qu’on aille les nerfs à vif!