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BITCHOLOGIE : D’Angelo, l’homme au torse de fer

Il était si sexe, cibole!

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Sup’

Je ne vous apprends rien en vous disant qu’on est prisonnier d’une société du spectacle où tout le monde compétitionne pour son 15 minutes de gloire dans un univers où l’influence est plus que jamais une monnaie sociale – un passeport vers une vie de confort au milieu d’une dèche généralisée.

Chaque jour, nous sommes bombardés de nouvelles relatives à la culture populaire qui m’exaspèrent, me laissent perplexe ou m’enragent. Dans cette économie de l’attention, la culture pop carbure au rage baiting et devient le terrain de jeu de toutes les tentations, indignations et procès. Parce que je ne suis pas meilleure qu’une autre, j’ai besoin d’un espace où je peux process, c’est-à-dire un endroit où je peux commenter, analyser et rire un peu du chaos pour tromper tous ces jours où je suis en proie au désespoir (tsé, à cause du fascisme pis toute *gesticule*).

Dure semaine pour les petites vicieuses.

L’auteur-compositeur-interprète D’Angelo, de son vrai nom Michael Eugene Archer, nous a quittés prématurément à l’âge de 51 ans, victime d’un cancer particulièrement agressif. D’Angelo était connu pour avoir révolutionné la musique noire en étant l’un des instigateurs de la néo-soul, une version du RnB plus langoureuse, plus chargée émotionnellement, plus spirituelle et plus brute que celle manufacturée pour les radios commerciales.

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C’était un personnage suave, énigmatique et insaisissable qui n’aura eu besoin que de trois albums (Brown Sugar, Voodoo et Black Messiah) pour laisser une marque indélébile sur l’histoire de la musique. D’une grande timidité, il se tenait loin du soleil, lui préférant les hivers de force. C’était le Réjean Ducharme du RnB, à la fois prophète et fossoyeur d’un genre qui semble s’éteindre avec lui, ne laissant derrière que des héritiers blêmes af, obsédés par l’autotune et abonnés à la misogynie ordinaire qu’ils confondent avec la vulnérabilité au masculin.

D’Angelo aimait les femmes, contrairement aux petits ranceurs qui ont le ressentiment dans l’sang, et les femmes le lui rendaient bien.

Une madame qui rappelle que D’Angelo a mis la barre haute
Une madame qui rappelle que D’Angelo a mis la barre haute
Une madame qui rappelle que D’Angelo a mis la barre haute
TREAT YO SELF KWEENS
TREAT YO SELF KWEENS
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L’interprète reconnu pour sa vulnérabilité reste aussi l’un des plus grands contributeurs à l’éveil sexuel des jeunes filles durant les années 1990, au même titre que la poche de David Bowie dans le film Labyrinthe et la belle face du fantôme Casper, redevenu humain juste assez longtemps pour danser un slow mythique avec Christina Ricci.

Ze paquet en question
Ze paquet en question
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J’ose affirmer que c’était la Sainte Trinité des émois prépubères des fillettes qui ont grandi avec une télé cathodique à télécommande dans leur chambre. Évidemment, c’est mon palmarès personnel, alors sentez-vous libre de partager les vôtres en commentaire.

Tout ça pour dire que je me rappelle de mes vendredis soirs passés à écouter le légendaire décompte de MusiquePlus, espérant voir mes vidéoclips préférés, dont celui de Untitled (How does it feel), la chanson la plus connue de D’Angelo où on voit son corps d’Apollon dans toute sa splendeur pour accompagner un falsetto capable de changer l’eau en vin et de faire tomber les vierges enceintes. Voyez par vous-même.

Vous aurez compris que ce vidéoclip, considéré comme un des meilleurs de tous les temps selon Rolling Stone, Pitchfork, Billboard et MTV, a contribué à faire de D’Angelo un sex-symbol international auprès de toute une génération de jeunes femmes (pis de leurs mamans). Malheureusement, c’est aussi ce vidéoclip qui marque le début de sa descente aux enfers : le chanteur a très mal vécu cette célébrité instantanée caractérisée par l’objectification (doublée de la fétichisation raciale) de son corps devenu, du jour au lendemain, un bien public.

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La vidéo est rapidement devenue le seul sujet de conversation autour de l’artiste, déclassant sa musique et cautionnant un éventail de comportements déplacés de la part d’un public féminin libidineux et déterminé à repartir avec des bouts de lui. D’Angelo y aura finalement laissé son âme tout entière, confiant à des amis qu’il rêvait d’être gros, sale, défiguré ; n’importe quoi pour l’éloigner du fantasme devenu cauchemar.

And just like that, D’Angelo s’est tu pendant plus de 10 ans, emporté par la vague, submergé de honte.

Il aura fallu attendre 2014 pour qu’il ressuscite d’entre les morts avec Black Messiah, un album plus sombre, plus rock et plus politique écrit sous l’influence de l’alcool, mais lancé en toute sobriété, comme pour éviter de finir noyé une deuxième fois.

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À titre de millénariale, je fais partie de la génération qui a vu des femmes être érigées en sex-symbol par l’industrie du divertissement pour mieux les broyer par la suite. Si les bimbos d’hier ont aujourd’hui été réhabilitées, la conversation sur l’objectification est loin d’être terminée et néglige parfois (pour des raisons sociohistoriques) d’intégrer la perspective des hommes, eux aussi soumis à des standards irréalistes de beauté et susceptibles d’être dévorés par ce même regard déshumanisant.

Si les femmes ont été les premières victimes de ce système, certains hommes, surtout noirs, en ont payé le prix différemment : réduits à leurs corps, à leur virilité, à une idée fétichisée du désir. Collectivement, on n’est pas assez matures pour gérer des hommes noirs qui se mettent à nu. Peut-être que c’est pour ça qu’on les perd aussi tôt.

May you finally rest in peace, D.

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Kim, les perruques pubiennes, et nous

Au rayon des nouvelles wtf de la semaine, il y a Miss Kim Kardashian qui a causé une petite commotion en lançant un nouveau produit pour Skims, sa marque de shapewear et de vêtements. Il s’agit, tenez-vous bien, d’une petite bobette de poils. Un g-string, plus précisément, affublé de faux poils pubiens sur le devant.

« Cocoa brown straight »
« Cocoa brown straight »
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Oyez, oyez, les girly pops : pour la modique somme de 60 $, vous pourrez enfin renouer avec la touffe que vous essayez de faire disparaître depuis vos premières menstruations parce que quelqu’un, quelque part, vous a dit que c’était dégueu, des poils, et vous l’avez pris au pied de la lettre.

On fera pas semblant : c’est un peu une hérésie, ce produit-là.

Mais attention, Kim Kardashian n’a rien inventé. Il y a un nom pour ce type de sous-vêtements aux allures de postiche : ça s’appelle des « merkins » et ça existe depuis des siècles. Historiquement, ils servaient d’accessoires pour les travailleuses du sexe, notamment pour éviter les morpions ou pour cacher les signes de maladies vénériennes. Avec le temps, ils ont été adoptés par les acteurs qui les utilisaient lors de scènes de nudité. Ils sont d’ailleurs encore très courants à Hollywood, que ce soit pour des trucs d’époque (genre Game of Thrones) ou pour respecter l’intimité des vedettes. On les retrouve aussi dans l’industrie de la mode, comme on a pu le voir dans un des plus beaux défilés de l’histoire récente, celui de la collection printemps 2024 de Maison Margiela. (Vous pouvez avancer à 3:42 ou 11:10, c’est somptueux.)

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Au-delà de tout ça, jamais j’aurais cru qu’il y aurait un public normal pour des merkins, mais force est de constater que la nouvelle offrande de madame Kardashian a fait des heureuxes (je pense que les hommes gais s’en sont aussi donné à coeur joie). Les bobettes, disponibles en plusieurs couleurs et… textures, se sont écoulées en quelques heures seulement, ajoutant toujours plus de zéros dans le compte en banque de Miss K.

Quand j’ai vu ça passer, mon unique réaction a été de me dire : Kimberly, enough.

Non, mais, on est-tu assez tanné de la défendre?

Comprenez-moi bien, j’aime beaucoup le personnage médiatique de Kim Kardashian : j’ai jadis signé un papier à sa défense qui vieillit très bien (emoji de main manucurée, toujours). Pour moi, c’est la Marilyn Monroe de notre époque. Même sex appeal, même génie marketing, mêmes détracteurs.

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La seule différence, et elle est de taille, c’est que Kim Kardashian a pu compter sur des parents aimants, sa momager Kris Jenner en tête, pour échapper au destin funeste auquel on se serait attendu dans d’autres circonstances. C’est connu : la machine hollywoodienne déteste les femmes trop conscientes de leur beauté ravageuse.

Bref, j’adore Kim K sans toutefois suivre religieusement tout ce qu’elle fait parce que mon cerveau mérite aussi d’être nourri, des fois. Kim Kardashian, c’est une marque de divertissement comme une autre. J’en prends et j’en laisse.

C’est rare que je m’intéresse à des produits dérivés de vedettes parce que je suis déjà paumée et que je vis dans un minuscule appart montréalais où je n’ai pas suffisamment d’espace de rangement pour accumuler les trésors tel Smaug, le dragon hoarder dans Bilbo le Hobbit, qui passe ses journées évaché sur des rubis (#goals).

Mais Kim, dont le plus grand talent reste le marketing, m’a eue à l’usure. L’ensorceleuse est arrivée avec une offre qui correspondait en tout point à mes besoins de jeune trentenaire à la peau basanée et au ventre un peu mou : de belles bobettes brunes taille haute qui ne grattent pas la noune quand on s’assoit.

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Telle la révolution portée par Rihanna dans le monde du maquillage avec Fenty Beauty qui offre des fonds de teint dans plus de 50 carnations, Kimmy est venue ébranler l’industrie du cache-sexe avec des sous-vêtements « couleur peau » qui ne reproduisent pas le vieux traumatisme des crayons de cire Crayola où la « couleur peau » se limitait pas mal à une seule teinte, celle des personnes blanches. Kim K a tout compris : 50 nuances de ̶Gr̶e̶y̶ ̶ beige et de brun pour les gouverner tous.

Je possède d’ailleurs le même string Skims qui sert de canevas à la version Chewbacca. Je ne vous cacherai pas qu’il fait la job, aka épater la galerie, la galerie étant généralement un homme qui attend sagement le sexy time pendant que je tournoie sur moi-même, fière de mon immense cul retenu par un fil de soie dentaire.

J’aurais pu (dû?) être le public tout indiqué pour ce nouveau produit Skims… Mais la vérité, c’est que je suis fatiguée.

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Ça ne me tente plus de contribuer aux caisses des milliardaires qui s’en torchent de nous autres. En regardant le site de Skims qui se garnit de nouvelles collections chaque saison, j’ai fini par me dire : c’est trop. C’est trop de vêtements pour rien. Je n’ai pas assez d’une vie pour porter tout ce qu’on retrouve sur son site. Et cette critique est valide pour toutes ces autres compagnies qui donnent dans le fast-fashion : j’angouèsse, estie. On produit trop pour les ressources qu’on a juste pour avoir 30 secondes de dopamine par jour dans une société qui fout le camp. C’est n’importe quoi. Le retail therapy va tous nous tuer.

Réveillez-vous, ai-je le goût de crier en agitant furieusement une cloche sur la place publique.

Ce n’est plus le temps d’encourager de vulgaires entreprises de money grab. Investissons dans notre conscience, à la place.

Pour reprendre une phrase iconique tirée de Keeping Up with the Kardashians : « Kim, there’s people that are dying. »

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