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Big Brother Célébrité : Foutre la merde dans le final four

Une game complexe décortiquée.

Par
Francis Boilard
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*L’auteur est professeur de sociologie

***

Foutre la merde dans le final four. Séduire Kevin pour y arriver. Ça résume le plan de Camille Felton, maintenant patronne de la maison. Entre deux respirations de type « Lambert », elle empile des cannettes miniatures avec une précision chirurgicale. Maxime l’évincé n’aime pas que l’on joue « avec les sentiments et le cœur du monde ». Choqué dans ses valeurs, il renonce au challenge de rédemption qui aurait pu le ramener au cœur des gamiques. Kim Clavel voit rouge. Quand elle frappe mains nues dans le punching bag, c’est probable qu’elle pense à Vétoman en train de sauver Cam-Cam.

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Une game complexe

Le challenge des canettes demande une excellente dextérité. Un bel adon pour Camille dans une phase cruciale de la compétition. Cependant, dans tous les challenges du PM ayant eu lieu jusqu’à présent, près de la moitié favorisent la force physique. De quoi donner un coup de pouce aux gars du gym, qui se conforment à leur stéréotype de genre à coups de bench press. D’ailleurs 6 des 9 challenges ont été gagnés par des participants qui fréquentent souvent le gym. Il s’agit du deux tiers des épreuves… remportées par le tiers des participants. Conclusion? Ce qui favorisait le (feu) « boys club » à Big Brother, ce n’est pas seulement la domination masculine reproduite à petite échelle – entre les célébrités. C’est aussi l’intervention de la prod, qui met de l’avant des challenges qui nécessitent des gros muscles. Et Jean-Pascal s’est désisté.

Big Brother se décrit comme une game « physique, psychologique et sociale ». Or, personne n’excelle parfaitement dans ces trois sphères. S’ils veulent gagner, les célébrités ont tout intérêt à choisir des alliés qui les complètent. L’isolement volontaire de Kim semble être en train de paver la voie de son élimination. Ça lui prend absolument la game sociale de Jean-Thomas ou de François Lambert pour tenir le coup. Surtout que dans ses interactions avec les autres, Camille navigue comme un poisson dans l’eau.

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Camille joue la comédie

Trois règnes du patron dirigés par le final four, incluant deux semaines sans Lysandre et Claude. C’est l’ambiance encaissée par Camille avant de se tourner vers Kevin. Elle mise alors sur la séduction, un art de plaire qui n’est peut-être pas étranger à la manière dont elle a été éduquée en tant que fille. C’est ce qu’on appelle, dans le jargon, de la socialisation genrée. « Je vais pas commencer à frencher Kevin pour défaire leur alliance » qu’elle précise. « Chu pas rendue là ». Elle va plutôt lui mettre la main sur le bras pendant qu’ils mangent ensemble. Ou « se chickser » (ce sont ses termes) en vue de sa propre mise en danger. Lorsqu’elle choisit Kevin pour la sauver lors du challenge du véto, elle lui offre un sourire qui fait grincer des dents Maxime Landry : « […] j’ai signé pour faire Big Brother, pas Occupation Double ».

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La comédie de Camille énerve certains fans sur les sites à potins. Néanmoins, c’est possible qu’elle sorte de BBC sans trop de hate sur les réseaux sociaux. Parce qu’elle utilise ses talents d’actrice pour transformer le public en complice. Après avoir séduit Kevin dans le walk in, elle pianote avec ses doigts (comme quand Mr Burns dit « Excellent ») puis elle conclut sa prestation par son clin d’œil à la caméra. En incarnant un personnage, elle se dissocie de ce qu’elle est en train de faire. Aussi, Big Brother n’est pas une téléréalité qui se donne comme mission officielle de trouver l’amour. Cela peut rendre les manipulations amoureuses plus légitimes aux yeux des téléspectateurs. Puis les idées féministes continuent de faire leur chemin dans les esprits. De quoi modérer des commentaires qui flirtent avec le shaming.

Des boîtes de pandore

L’éclatement du final four ne tient pas qu’aux moves de Camille. En fait, tout part de la 1ère boîte noire. C’est à ce moment-là que Kim utilise le décès de son grand-père pour convaincre Kevin de lui donner le séchoir. S’en suit la vidéo de la mère de Kevin. Cette gracieuseté de BELL, c’est son premier regard extérieur après des semaines d’internement. Si le feedback de sa mère, c’est qu’il pense trop aux autres, Kevin peut croire – à tort ou à raison – que cette perception est partagée par des milliers de téléspectateurs. Après avoir concédé la 3e boîte noire à Rich il peste : « Ostie que je suis écœuré de paraitre comme une crisse de guénille à chaque câlisse de semaine tabarnak ». Ce conflit crée une distance avec Kim qui songe même à l’éliminer. Cela pose les bases d’un partnership avec Camille. On connaît la suite.

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La victoire de Kevin

La dynamique entre Kevin et Camille ne donne plus l’impression d’une tragédie de type OD Afrique du Sud. Comme l’écrit Kevin dans son journal de bord : « Oui j’ai un « kick » dessus, mais par-dessus tout, c’est mon amie, on a mis les choses au clair. Je ne pense aucunement qu’elle a utilisé le fait qu’elle me plaît contre moi ». Effectivement, Camille ne joue pas contre Kevin. Elle épouse le système de Big Brother, qui consiste à pousser son agenda dans une guerre de tous contre tous. Vétoman en ressort très bien positionné. Il passe de « caillou dans le soulier » de François Lambert à bras droit de la nouvelle Boss.

Pas étonnant que le final three joue à « Fais-moi un dessin ».

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