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Beyries : portrait d’une badass qui n’a pas froid aux yeux

Montez le son.

Par
Nathalie Lesage
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On s’est croisées la première fois dans une salle de l’Université de Montréal. Moue boudeuse, swag effronté : je me souviens lui avoir trouvé du chien. À peine le temps d’accrocher mon diplôme fraichement imprimé que je recroise la même moue au hasard d’un projet plus grand que nous : le concert bénéfice de l’organisme Jeunes Musiciens du monde avec, pour têtes d’affiche, pléthore d’étoiles du showbizz d’autrefois. Brad & Jen annonçaient leur divorce, Sarko causait racailles, Guy Cloutier tombait de sa chaise et nous nous lancions sans filet dans notre vie d’adultes avec pour prime, une amitié naissante. Je place ici une ellipse ponctuée de bières sur les balcons d’Outremont, carrières couillues en com-prod-pub et coups de pute variés du destin, sinon ce serait trop rose. Redoutable gestionnaire, amie fidèle et force tranquille, je n’attendais d’elle rien de moins qu’une nomination de PDG dans un big cabinet. Mais big chanteuse ? Comme mes cheveux blancs, je n’ai rien vu venir. Portrait (presque) objectif d’Amélie Beyries, femme et artiste.

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Prière d’excuser par avance la métaphore réchauffée de la fusée pour décrire son ascension dans les étoiles, toute inspirée que je suis par les selfies de Thomas Pesquet. Je sourcille toutefois quand elle balance candidement : « Je n’ai jamais senti que j’avais une voix exceptionnelle. » Comme Papa, elle n’a pas toujours raison la Beyries. Parlons plutôt d’une Sainte trinité entre nudité, cran et Système D.

NUDITÉ

Elle ne le cache pas, en 2008 et en 2010, Amélie est entrée dans les statistiques du cancer du sein à 29 ans. Deux fois si tu comptes bien, en rémission depuis. Combien de journalistes ai-je maudit pour lui avoir demandé, l’air affligé : « Qu’est-ce que le cancer a changé dans ta vie » ? Il y a tant à dire sans rouvrir la plaie. « Ne pas poser la question, c’est ne pas comprendre d’où je viens. Il faut en parler. Le cancer a tout changé : j’ai été 5 ans dans une drôle de zone où j’ai perdu tous mes repères. Du jour au lendemain, tu dois trouver un autre équilibre. Moi, c’est dans la musique que je l’ai retrouvé. »

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CRAN

Le cran ensuite de se lancer dans l’arène à 38 ans avec peu de métier. Hormis pianoter sur le piano de grand-maman à l’occasion, rien ne la prédisposait particulièrement à pousser la chansonnette. « J’ai appris le métier avec LANDING. Je n’avais jamais fait de show de ma vie quand j’ai signé mon contrat de disques. Je ne savais même pas comment brancher ma guitare ou chanter dans un micro. » Ses premiers pas – et le marathon qu’elle poursuit depuis – elle les fait sous l’impulsion persistante de sa complice-amie-gérante Emmanuelle Girard (Alexandra Stréliski, Maude Audet), qui, feu athlète nationale de handball et #11 de la Team Montpellier, accuse un sévère penchant pour le dépassement. « Elle a entendu mes chansons et c’était clair pour elle que c’était ça que je devais faire. Elle a commencé a envoyer la musique de façon anonyme. Comme j’arrivais sur le tard, je ne voulais pas qu’on me dise « t’es bonne » juste pour me faire plaisir. » Elles croisent un soir de théâtre le réalisateur Alex McMahon qui – c’est le cas de le dire – connaît la chanson pour avoir propulsé nombre de gros noms. Rebelote, Manu envoie le démo de sa pouliche en écrivant cette fois sur l’enveloppe, BEYRIES en caractère gras. Parées au décollage, le premier album LANDING du power duo est lancé par BONSOUND en 2017 et cumule depuis 15 millions d’écoutes.

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D POUR DÉMERDE

Les intentions de l’écurie Beyries ont comme plusieurs, passablement été charcutées dans la dernière année. Notamment un p’tit projet : la sortie de son 2e album ENCOUNTER attendu comme le printemps après le verglas. « On l’a repoussé deux fois, mais on ne pouvait plus garder la musique dans le tiroir. » Avec l’argent de la promo des deux tournées Canada-Europe passées à la trappe, le duo revoie en crash son plan de match : série de podcasts, lancement et spectacles virtuels, RP pimpées, livraisons d’albums à domicile avec polaroid signé aux absents, pop-up store de marchandise promotionnelle et développement intensif de placement de chansons dans films et séries. « Il fallait trouver d’autres options qui au final, nous ont carrément amenées ailleurs. » Un plan D qui se défend pas mal avec, parmi les bons coups, une participation au Tout le monde en parle québécois, le concert numérique de la mythique Place des Arts (5 x plus de billets vendus qu’en physique) et, ultime graal, le placement dans Greys Anatomy de sa version intimiste de To love somebody des Bee Gees. Déso midinette, mais Beyries a dépassé tes futurs époux Bieber et Sheeran en caracolant #1 sur I Tunes Canada et #7 au Billboard’s Top TV Songs chart. « Ce qui est fou c’est que Justin Bieber avait sorti son album la veille, c’était d’autant plus extraordinaire. » ENCOUNTER frôle ce jour les 10 millions d’écoute.

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FRANCE QUI PEUT

À l’instar de nombreux artistes ayant décidé de reporter aux calendes grecques leur rentrée parisienne, le trio Beyries-Girard-Bonsound fait fi des compromis et (ré)active ces jours-ci son Opération Séduction avec l’Europe. Faut dire que ça commençait à les démanger. « J’étais ra-vie d’aller tourner le clip de “Nous sommes” dans les Alpes et partir en tournée en France, au UK, en Autriche, en Suisse, en Allemagne… Mais ça ne s’est pas passé comme ça ! » Je soupçonne Amélie d’avoir eu une bonne note au cours Mesures d’urgence à l’UdeM… Son clip “Nous sommes” a bel et bien vu le jour avec une co-réalisation jamais même imaginée entre, de Paris, sa réalisatrice chouchou Raphaëlle Chovin– qui signe 3 autres de ses clips – et de Montréal, l’auteur de la chanson et ami Maxime Leflaguais. « Ça a été toute une épopée, mais on l’a lancé ! » Je vous entends me dire, yeux fous et souffle court, mais où mais où ? Dans un e-documentaire sur l’artiste et la femme réalisé par la même Raphaëlle Chovin et animé par bibi à Paris avec l’amie à Montréal, à voir ici pardi.

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Cette mention subtile derrière nous, je laisse le mot de la fin à la gérante Emmanuelle Girard dont le constat est sans appel : « Avec tout ce qui s’est passé, ce qu’on a initié et les retours reçus, je peux te dire que quand les frontières ouvriront, c’est clair qu’on ne vise qu’une chose : tout déchirer. »

Pour découvrir l’univers de Beyries dite la Basque, RDV sur BONSOUND.