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Longtemps j’ai cru que j’étais condamnée à être laide parce que je n’ai pas le teint uniforme de ces cover-girls, exposées à grand coup de “achète le produit et sa beauté déteindra sur toi!”.
Je suis de la génération des bandes Bioré.
Je suis de celles qui ont entendu la légende de la fille qui connait la fille qui a vu du poil lui pousser sur le nez à force de s’épiler l’organe olfactif.
Les genres de p’tits collants ronds Vichy, supposés faire disparaître les boutons en moins de 24 heures?
Je les ai connus et J’Y AI CRU.
Par chance, je ne fus point teenager à l’ère du contouring parce que j’aurais surement tenté la technique (pour probablement finir par avoir plus l’air de Cornemuse que d’une Kardashian).
Bref, la crème verte anti-rougeur, le fond de teint liquide, en mousse, en bâton, la poudre libre, la poudre compacte, la crème pour ci, la crème pour ça, BEEN THERE, DONE THAT, BOUGHT THE T-SHIRT.
À un moment donné, j’ai compris des affaires.
J’ai apaisé mes soucis, arrêté de me scruter l’pore de peau et de me complexer obsessionnellement la rougeur de joue. J’ai laissé faire les miroirs grossissants, concluant qu’anyway, il n’y a personne qui m’adresse la parole avec une loupe à 2 pouces de ma face. Ça m’a aidé à mieux m’accepter “as is”.
Mais tout ça n’est qu’un résumé rapide.
Comprendre ça rationnellement, c’est une affaire.
L’intégrer émotionnellement, c’en est une autre.
Je ne suis pas ici pour faire du make-up shaming.
Ce qui m’intéresse, c’est la réflexion derrière l’action. Au-delà de nos routines de tartinage, au-delà de l’acte comme tel, la véritable question demeure : “Oui, on peut se maquiller et se modifier l’apparence, mais qu’est-ce qui fait qu’on le fait, donc?
C’est qu’il y a une différence entre “j’vois ça comme une option de fantaisie créative” et “j’vois ça comme une nécessité sans quoi je me sens fondamentalement moche”.
On va se le dire, il peut être difficile de rester totalement imperméable aux messages insidieux employés par les industries cosmétiques.
C’est vrai!
Prenons par exemple quelques termes souvent nommés pour convaincre de l’utilité d’un produit :
Matifiant, effet lissant, illuminateur de teint, captivez, parfaite, bien-être, soyez magnétiques, sensuelle, jeune, radieuse, sans défaut…
Si je n’utilise pas ces produits, dois-je comprendre que je suis fondamentalement :
Huileuse, raboteuse, terne, inintéressante, imparfaite, angoissée, non attirante, austère, vieille, éteinte et pleine de défauts?
“C’est un pensez-y-bien !”, comme dirait une certaine maquilleuse de la pharmacie de La Prairie.
Feuilleter seulement deux magazines “féminins”, c’est tout ce que ça m’a pris pour recenser un nombre effarant de propos absurdes et de slogans douteux méritant une médaille dans la catégorie “vous me niaisez, right?!”.
Des exemples? En voici!
“Des cheveux sains sont des cheveux heureux” – Slogan d’une compagnie de shampoing
Quessé ça?!
Depuis quand on a la pilosité émotive?
“Clean”» – Nom d’un fond de teint
S’obstruer les pores de peau avec une couche de potté = Être propre
AH!
“Le sérum qui vous fait aimer votre âge” – Slogan d’une crème activatrice de jeunesse
Parce que sans sérum, on n’aime pas notre âge.
C’est bien connu.
Sans compter les effets d’une crème qui “active la jeunesse”. Peut-être qu’en l’utilisant, t’as des envies de jouer à Téléphone secret…
J’sais pas…
“Révélez votre vrai visage” – Slogan d’une gamme de maquillage
À moins que je me goure, mon visage s’éloigne de sa vérité une fois qu’il est totalement beurré.
Mais ça doit être moi…
“Spécialistes de votre vraie beauté” – Slogan d’une clinique d’épilation et de soins esthétiques
Mais mais mais…
Ils proposent des remodelages corporels, des injections de Botox, de l’épilation définitive et ils emploient le terme “votre vraie beauté”? Elle est où la vraie beauté quand t’enrayes tout ce que ton corps produit de vrai?
Mettons un terme là-dessus : c’est de la MANIPULATION.
En capslocks.
Vends ta crème, vends ton produit, vante ton fond de teint, mais PRENDS-MOI PAS POUR UNE PIOCHE!
Pourquoi faudrait-il toujours se modifier pour se rapprocher d’une “vraie beauté”? Je l’ai déjà mentionné et je réitère : Est-ce qu’on peut se sentir beaux dans notre vérité, notre réalité, avec de la cellulite, du poil d’aisselle, des ongles non manucurés et de l’”imperfection” su’l corps?
Personnellement, j’aimerais ça le voir le jour où plutôt que de culpabiliser la fille qui a des cernes en dessous des yeux et des sourcils clairsemés, on va collectivement pointer du doigt les industries qui font leurs profits en créant des complexes chez des potentielles consommatrices.
On ne le répétera jamais assez : se maquiller, se modifier l’apparence, ça ne devrait jamais devenir une obligation.
Jamais être présenté comme une nécessité au quotidien.
Ça doit demeurer une proposition et non pas devenir une norme pour palier à notre oh-combien-fondamentale imperfection.
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Pour lire un autre texte de Julie Lemay : “Relaxe ton sexe”