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Berlusclowneries et autres déceptions

Par
Aurélie Lanctôt
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J’ai reformulé environ trente-six fois cette première phrase, espérant trouver la tournure cinglante idéale pour illustrer ma consternation. Après moult échecs syntaxiques, j’ai décidé de me replier sur l’essentiel.

De toute façon, le fait que j’ai à énoncer témoigne lui-même de son absurdité : Silvio Berlusconi, tout juste évincé de la tête du gouvernement italien, lançait cette semaine son premier album de chansons d’amour, intitulé Il vero amore.

Notez le retrait délibéré de la marque exclamative. J’en rirais, certes, si ce n’était pas aussi atterrant. Enfin, je l’avoue, à prime abord, je me suis esclaffée; avec des claques sur les cuisses et des soubresauts d’hilarité. Puis, j’ai réalisé que ce n’était ni un canular, ni hack sur Cyberpresse. Je me suis mise à pouffer jaune.

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C’est comme si Berlusconi, après avoir regardé son peuple peiner pour se sortir du marasme économique dans lequel est plongée l’Italie depuis des mois, avait choisi de tirer sa révérence en élevant un doigt d’honneur, accompagné d’un grand sourire narquois : « Rien à foutre de votre chômage, amigos!». À 76 ans, peut-être est-ce la sénilité qui le rattrape, mais s’il trouve encore la force de beugler des sérénades, l’excuse ne tient plus la route.

On se rappelle qu’il y a deux semaines encore, le Cavaliere se présentait au G20 de Cannes sans feuille de route tangible pour éviter à l’Italie de subir une débâcle à la grecque. De par le monde on a alors décrié son manque de préparation. Malgré tout, c’est tout sourire qu’il posait aux côtés de Barack Obama, visiblement entourloupé par le bluff de son comparse. Devant ce cliché, précisément, je me suis frappé le front contre la table :

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À toute cette mascarade j’aurais envie de répliquer : Non, Silvio, tu ne peux pas prendre la parole au G20 comme les animateurs de Radio X le font derrière leur micro: il te faut un minimum de substance. C’est le genre de concept qui aurait mérité un 11e commandement, quelque chose comme : « Le G20 tu ne trolleras point »!

Eh puis avec le même sourire niais et le même tan exubérant, deux semaines plus tard, il claquait la porte du Parlement pour aller peaufiner sans contretemps Il vero amore… C’est comme si au lendemain du référendum de 1995, on avait appris en première page du 7 Jours que Jacques Parizeau préparait la sortie de son premier album de Noël; au diable la Souveraineté et la bévue du discours de la défaite!

À mon sens, avec Berlusconi, la ligne départageant les politiciens des clowns s’est amincie dangereusement. Comme s’il ne restait plus que la cravate pour les distinguer dans l’arène. Après avoir broyé du noir à ce sujet pendant un long moment, je me suis consolée en avançant qu’au moins, nos politiciens, malgré leur mollesse effarante, ne versent pas dans la caricature.

Puis, ce bon Rob Anders, député Conservateur de Calgary Ouest, m’a rappelé mardi à quel point j’avais tort en s’endormant en chambre alors qu’il était filmé.

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Gros tollé, peu d’idées, encore une fois. Une aberration ne venant jamais seule, je me suis également souvenue qu’encore la semaine dernière, François Legault lançait sa Coalition pour l’avenir du Québec, dont le logo bigarré aura fait parler davantage que la plate-forme du parti. Mais après-tout, suis-je vraiment surprise? Alors que Mario Dumont a passé de politique à télé-poubelle comme du beurre, et que la corruption se répand jusque dans nos égouts, je me dis qu’à chaque pays suffit son lot d’absurdité. Qu’on ne s’étonne plus, cependant, que les gens descendent dans les rues pour s’indigner contre ces gigantesques farces qu’on appelle les gouvernements.

(Crédit-photo: anthonymoman.com)