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Benvenuto in Canada

Par
Mélissa Verreault
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Mon chum est italien – de l’Italie, pas de Saint-Léonard. C’est un étranger. Il est débarqué dans le plus meilleur pays du monde il y trois ans et demi, probablement attiré par nos supposées politiques de multiculturalisme et notre mythique ouverture à l’autre. Il a vite découvert que c’était effectivement un mythe, mais dans le sens de « mensonge ».

Que je n’en entende pu jamais un dire « maudits immigrés, y viennent icitte pour nous voler nos femmes pis nos jobs ». Pu jamais. Bon, pour la partie sur les femmes, c’est peut-être un peu vrai, puisque j’ai préféré me matcher avec un Européen plutôt qu’un Québécois, mais ça, c’est un autre sujet. Or, la partie sur les jobs, vraiment, il n’y a rien de plus faux. Car vous ne vous imaginez pas à quel point c’est difficile de décrocher un boulot dans notre plus belle province de l’univers, lorsqu’on vient d’ailleurs. Non seulement, les immigrants ont de la difficulté à faire reconnaître leurs diplômes (alors qu’ils ont pourtant été acceptés sur notre territoire justement parce qu’ils détenaient ces diplômes), mais qui plus est, même lorsqu’ils réussissent à se trouver un emploi, on leur met des bâtons dans les roues et on les fait poireauter des mois durant.

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Que je n’en entende pu jamais un dire « moé le monde su’l’chômage, pas capable, c’est juste des bons à rien paresseux qui profitent du système ». Mon chum a été pratiquement un an sans emploi, dont sept mois sur le chômage – les 5 autres mois, il a dû se débrouiller tout seul, notre bon gouvernement ne pouvait rien pour lui, parce que son permis de travail n’était plus valide. Ben oui, ça prend un permis de travail pour avoir le droit de ne pas travailler. Bref, mon Italien de copain a passé 12 mois sans bosser, contre son gré. Il ne demandait que ça, faire du 8 à 4, du 9 à 5, du 16 à minuit ou du 24/24, n’importe quoi. Il aurait fait n’importe quoi, y compris laver de la vaisselle, de nuit, dans un sous-sol mal éclairé. Mais un étranger qui n’a pas de permis de travail ouvert n’a pas le droit de laver de la vaisselle. On garde ces emplois-là pour les Québécois de souche – les chanceux. Les étrangers ne peuvent occuper que des emplois spécialisés. En juin, mon stranero s’en est trouvé un, un fameux « emploi spécialisé ». En juin, oui. Et il rentrait pour la première fois au bureau ce matin. Quatre mois plus tard. Pourquoi? La bureaucratie, ovviamente. C’est compliqué, imprimer un permis de travail, vous savez. Ben compliqué. Ça prend du papier pas mal spécial. Et contrairement à des pays comme la France, on n’autorise pas nos immigranti à se rendre au bureau tant et aussi longtemps que le document officiel n’a pas été imprimé. Alors la seule solution qui reste à nos ragazzi, c’est de rester à la maison pis d’attendre sagement. Ou de travailler au noir. Mais je ne voudrais surtout pas encourager les comportements illégaux. Pas besoin de le faire de toutes façons : notre gouvernement le fait très bien lui-même, de par la lenteur avec laquelle il gère les demandes de permis de travail.

Que je n’en entende pu jamais un dire « ça me tente pas d’aller travailler, c’est chiant aller travailler, j’veux rester coucher à matin ». Avoir le droit, que dis-je, le privilège de travailler, de gagner sa vie dignement, de s’accomplir un minimum comme personne en offrant ses services à un employeur en échange d’un salaire, vraiment, c’est une chance incroyable. Aujourd’hui, 18 octobre 2010, mon chum s’est levé à 6h45. Il a pris sa douche, mangé un yogourt, bu un espresso ; je lui ai préparé son lunch, donné un bisou dans le cadre de porte et souhaité bonne journée. Nous avions l’air du parfait petit couple québécois. Et je ne pensais jamais parler ainsi un jour, mais j’ai aimé ça. J’ai savouré le fait d’être juste « normale », d’avoir un quotidien plate, comme tout le monde.

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