.jpg)
Je dois vous avouer que, comme la plupart des premières fois dans ma vie, j’étais plutôt gêné. J’en avais entendu parlé, bien sûr, mais que par les réseaux sociaux. C’était avant que les médias s’en emparent, voyez-vous. Bref, comme la plupart de mes premières fois, j’étais gêné, sans mot et – bizarrement – j’avais, une fois de plus, des ampoules aux doigts. Tout ça pour vous dire que, dès les premiers jours de ces fameuses manifestations de casseroles, j’étais loin d’être convaincu.
Non, mais c’est vrai! Comment cogner une casserole comme un Néandertalien fera avancer « la cause »? Si ‘tit Jean et sa bande n’ont pas plié devant les horreurs de Victoriaville, ni les manifestations réunissant des CENTAINES DE MILLIERS de personnes à Montréal, pourquoi baisseraient-ils pavillon devant des petites familles et un type louche avec des ampoules aux doigts qui cassent de la casserole coin Rosemont et Chabot? Est-ce qu’on s’attendait vraiment à ce que notre frisé préféré lance un « Merde, c’est des Lagostina! Michelle, prend la relève, moi j’crisse mon camp! » lors d’une conférence de presse? Lions-nous vraiment le gouvernement Charest à celui d’Allende!? N’est-ce pas se rapprocher dangereusement du point Godwin? Et, surtout, pourquoi ai-je tant de misère à suivre le rythme de ces percussions!?
Comme vous pouvez le constater, entre deux coups de cuillère en bois, je me posais plusieurs questions et, bien que certaines demeurent toujours sans réponse, j’ai trouvé mon salut (oui, oui) dans une marée humaine.
Moi pis Aznavour près de la cour d’école
J’étais là, toujours au coin Rosemont-Chabot, à faire du bruit, tel un gamin qui imite ses parents qui font la cuisine, tout en pensant à Aznavour qui, avant de multiplier les tournées d’adieu, souhaitait qu’on l’emmène ailleurs, lorsque, soudain, une véritable marée humaine passa sur le boulevard (les médias allaient justement commencer à couvrir ces manifs spontanées dès le lendemain).
Je n’étais plus seul en compagnie de ma casserole et, surtout, de mon spleen scotché à onze par une impasse vieille d’une centaine de jours et une loi spéciale à la con. Oh non! Nous étions soudainement plus que sept voisins un peu gêné de se voir plutôt que de s’entendre baiser entre les murs. Nous étions légion, une cuillère à la main, une casserole dans l’autre, pis un slogan mi-joyeux, mi-en-tabarnac dans le gosier. La belle vie!
Un « repackaging » (mani)festif, mais pour combien de temps?
Sans vouloir emprunter le vocabulaire des spécialistes en relations publiques à la Bruno Guzziminetti Graciaminelli Etlesmarinellis Guglielminetti, les manifs de casseroles ont, mine de rien, insufflé une nouvelle vie à un mouvement de masse qui, avouons-le, commençait à tourner en rond.
Plus inclusives (bien que mémés et gamins ont été aperçus dans les manifs des derniers mois, la loi 78 choque nettement plus de gens que la gent estudiantine), les manifestations de casseroles sont aussi plus festives et injectent une certaine fébrilité dans certains quartiers “mis de côté” par les manifestations du centre-ville (dont Villeray et Rosemont… sauf près de mon coin de rue, déclaré zone oubliée par le fun depuis belle lurette).
Nous étions donc des centaines à déambuler de Villeray à Rosemont. Certains avaient des casseroles, d’autres – des iconoclastes, j’imagine – faisaient du boucan avec des poêles à frire.
Mais bon, tout ça, vous le savez déjà.
Mais, alors que de plus en plus de mascottes s’ajoutent au panthéon de cette crise (après le panda et la banane, j’ai aperçu un homme vache dans la manif’ de dimanche) et qu’une gamme de vêtements thématiques vient d’être lancée, le « mani » devant le « festif » prend de plus en plus le large (oui, je sais que la boutique verse un montant à Juripop.org, mais quand même! Arrêtez-vous deux minutes pour y penser : cette crise a inspiré une ligne de t-shirts et de hoodies). Même Gregory Charles tente de nous faire gober que son nouveau « single » – une fuckin’ reprise de « Come Together » des Beatles – pourrait servir de réflexion sur le présent débat. Me niaises-tu, Gregory!?Est-ce que le tintamarre irait maintenant jusqu’à couvrir ce qui nous y a tout d’abord menés?
Pour suivre André sur Twitter (et non pas “pour poursuivre”), cliquez ici.Illustration: Benoit Tardif