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Beatfaiseur du mois : Vlooper

Par
Hugo Bastien
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Peu de gens le savent, mais le Québec regorge de beatmakers absolument incroyables. Ces forces tranquilles oeuvrent malheureusement trop souvent dans l’ombre de l’Internet et de celui des rappeurs et rappeuses de la province. C’est donc pour vous faire découvrir ces talents cachés qu’URBANIA Musique vous présente sa série « beatfaiseur » qui, chaque mois, vous fera découvrir un producteur ainsi que ses titres préférés dans une playlist de son cru.

Avec les personnalités éclatantes que l’on retrouve dans le collectif Alaclair, il est simple pour Vlooper de se fondre dans la masse et de passer inaperçu. Discret lors des spectacles, presque caché derrière son écran, il fait pourtant tomber les plus grosses bombes instrumentales du Québec depuis des années.

C’est que Vlooper ne fait pas du beat depuis la dernière pluie : signant d’abord des beat tapes en solo et en collaboration avec KNLO, il a ensuite rejoint Alaclair Ensemble, produit deux albums en duo avec Eman x Vlooper et a fait des projets avec sa blonde Modlee.

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Au cours des dernières décennies, le beatmaker originaire de Limoilou est tranquillement passé du gars qui produit dans sa chambre avec ses cousins au producteur derrière les hits Ça que c’tait et FLX.

Rejoint au bout du fil, le compositeur a discuté avec nous de sa démarche et de son histoire où hip-hop, famille et basket se mélangent constamment pour l’amener plus loin.

Voici notre entretien avec le pilote d’une grosse gang de chums.

Comment as-tu été introduit au beatmaking et au hip-hop?

Assez jeune. C’est la première musique que j’ai écoutée. J’avais un grand frère qui me refilait ses cassettes de rap d’OutKast, Wu-Tang et compagnie.

Pour le beatmaking, j’ai été introduit par mon coach de basket à l’école Brébeuf qui m’avait donné une disquette de Fruity Loop en me montrant comment ça marche. Il faisait partie de Limoilou Starz, un collectif originaire de mon quartier qui était pas mal le plus gros collectif de l’époque. Je te parle d’un temps autour de 98-99.

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C’est ces gars-là qui m’ont beaucoup aidé au début là-dessus, surtout Boogat. Ils venaient chez moi pour enregistrer des trucs. J’avais 12-13 ans à cette époque-là. La partie la plus formatrice c’était vraiment avec eux.

Ensuite j’ai bougé à Montréal vers 16 ans.

Comment as-tu rencontré le reste des gars d’Alaclair?

Je jouais au basket avec KNLO. On a toujours été connectés et on faisait de la musique ensemble quand on était encore pas mal jeunes. C’est à Montréal qu’on a commencé l’époque disons « pré-piu-piu » avec MySpace, avec les BULLESBUBBLES et les Craqnuques. Lui, étant donné qu’il rappait, tout le monde le voulait en feature, fak c’est comme ça que j’ai rencontré le reste du groupe.

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On s’est rapproché avec le temps en se tenant avec les gars d’Accrophone. J’ai rejoint le groupe par un pur hasard : juste après la sortie de 4,99$ je faisais un lift à Eman et Ogden pour aller à Montréal. À ce moment-là, y’avait pas de DJ fak ils m’ont demandé de spinner les beats pour eux durant la soirée. C’est un peu comme ça que je me suis « greffé » à tout ça.

Tu as fait une mixtape hommage à J Dilla, Copycat. C’est quoi la place de J Dilla dans ton développement de beatmaker?

Une grosse place. Lui et Madlib ce sont de grosses influences. Le truc s’appelle Copycat parce que ça représente des années à copier des styles. Tout ce que ce gars-là a produce à ce jour c’est dans une classe à part pour moi.

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As-tu d’autres influences?

Je suis vraiment un gars qui s’influence beaucoup. Autour de 2012-2013 c’était surtout des influences de Flying Lotus, voire de tout le monde honnêtement. Y avait toujours des nouvelles sorties et ça faisait qu’on se poussait entre nous. Moi, pour vrai, je suis vraiment un dude qui écoute le plus de trucs possible pour m’inspirer.

Ça me surprend honnêtement que tu me dises ça, j’avais vraiment l’impression que tu n’écoutais pas tant de musique actuelle. Je trouve que ces temps-ci y a une évolution des beats qui tend de plus en plus vers le trap et le reggaeton et j’ai l’impression que toi au contraire, t’es pas tombé là-dedans.

Écoute je dirais premièrement que c’est un compliment haha. Pourtant j’essaie vraiment d’être actuel, tout en faisant un pont entre chaque « era » : de prendre le meilleur de chaque période et de les actualiser pour 2018. L’album que j’ai écouté le plus dans ma vie je pense que c’est Aquemini d’OutKast et sur cet album-là y a plein d’éléments qui pourraient rester aujourd’hui, et d’autres qu’on pourrait laisser de côté. En fait, je dirais que j’essaye d’être le moins snob possible.

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Des fois je trouve que les gens lèvent un peu trop le nez sur les nouveaux sons au lieu d’essayer de comprendre pourquoi le monde aime ça.

Pour moi, le summum de ton beatmaking c’est depuis les Frères Cueilleurs où t’as commencé à développer un style de producing où tu mets plusieurs beats en une seule chanson. Comment c’est arrivé tout ça?

Moi je suis un gros remixeur. Souvent les gars vont enregistrer sur un beat et moi je vais le changer. Ça fait que dans une session y a toujours 4-5 beats différents pour les mêmes paroles. C’est une particularité du programme Ableton qui permet de changer facilement l’instru derrière en laissant les vocals intacts.

J’ai toujours fait ça, même en 2003 avec KNLO on faisait des tracks et je me tannais trop vite, alors je remixais les trucs tout le temps. Souvent ça gosse les gars, mais je peux juste pas m’en empêcher. Fak c’est pour ça que je peux souvent faire des switchs de beats parce que j’ai toujours plein de versions de la chanson. C’est une drôle de façon de travailler, mais moi j’ai toujours fait ça comme ça.

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Par exemple, l’album La Joie je dirais qu’il doit y avoir au moins 10 versions différentes. À un moment donné Eman voulait même pus que je lui en fasse écouter parce que ça le déstabilisait trop.

Comment tu choisis le beat que tu vas prendre dans ce cas-là?

Toutes les tracks que je trouve les meilleures se retrouvent sur l’album et souvent je les choisis en fonction de ce qui est mieux pour l’album dans son ensemble, pas juste pour la chanson.

Sur La Joie, originalement on avait vraiment des gros bangers mais on a décidé de les twister plus soulful tranquillement pour garder l’unicité de l’album.

Tu produis uniquement pour la grande famille Alaclair, ou du moins à ma connaissance. Est-ce qu’on verra un jour des prods de Vlooper sur l’album d’une autre personne qu’un membre d’Alaclair?

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Oui, oui, j’aimerais ça. C’est juste que j’ai tellement une manière particulière de travailler que j’ai pas vraiment de banque de beats. Je produis plus en partant des verses ou d’une maquette et après je construis autour. Donc, ça peut devenir compliqué de travailler avec des gens que tu connais moins et qui travaillent souvent plus avec des batchs de beats.

Disons que dans les dernières années, j’étais ben occupé alors je sentais moins l’intérêt de me lancer là-dedans. Mais maintenant que je suis moins occupé, qui sait si c’est pas le genre de truc que je commencerais, en contrôlant la quantité et la qualité bien sûr, le plus possible.

Avant tu faisais des beats tape et maintenant plus vraiment. Est-ce que ça te manque?

Je sais pas si ça me manque parce que je travaille sur des projets non-stop, fak disons que je suis pas en manque de musique. Mais ce que je m’ennuie le plus de cette époque-là c’était la « légèreté » des releases. À ce jour, KNLO et moi on s’en parle souvent. On faisait un tape une fin de semaine et ça sortait le lendemain. Tandis que maintenant on est rendu un peu plus dans une grosse roue et faut faire les choses bien.

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Modlee, et toi vous avez fait des albums ensemble. C’est comment travailler avec sa blonde sur un projet?

C’est vraiment le easiest vibe pour moi. Surtout que ça me permet d’écrire des choses, de chanter et pousser des idées que j’aurais plus de misère à faire avec les gars. C’est comme le projet où je peux vraiment faire ce que j’ai en tête. Elle arrive aussi avec ses verses et ses idées et on travaille là-dessus quand on a du temps libre.

Ça me ramène un peu à cette époque-là où on pouvait faire ce qu’on veut, sans label ou rien.

Ta petite fille semble beaucoup aimer le chant si on se fie au compte Insta de Modlee. Si elle choisissait le chemin de la musique serais-tu heureux pour elle?

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Ça m’inquiète pas, au contraire. Si elle veut faire ça qu’elle le fasse, moi ça m’a beaucoup aidé dans ma vie. Ce que je souhaite c’est surtout de trouver quelque chose qui la fait triper point. Que ce soit le sport, la musique ou l’école

L’école, ça marchait pas pour moi. C’est surtout ça qui me stress le plus pour elle.

La famille d’Alaclair c’est rendu plus que les blondes et les enfants, c’est les cousins aussi comme le GED ou Bueller. Comment c’est possible qu’une aussi grosse partie de ta famille soit rendue dans le domaine des arts?

Pas mal tous mes cousins sont dans les arts oui. J’ai commencé à faire du beat à 12 ans, fak j’ai filé la disquette à Bueller aussi. Ces gens-là c’étaient mes meilleurs amis, on était toujours ensemble quand j’étais jeune.

Et mes parents ont toujours joué des instruments pour le plaisir, certains ont étudié en musique. Moi jouer au basketball pis faire du beat, c’est ce que je fais depuis 12 ans et j’ai juste jamais arrêté.

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En terminant, nous avons demandé à l’artiste de nous créé une playlist de ses chansons du moment. Voici donc la sélection de notre beatfaiseur du mois, Vlooper.

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