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Beatfaiseur du mois : CRi

On a rencontré le producteur après sa performance à Osheaga.

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Peu de gens le savent, mais le Québec regorge de beatmakers absolument incroyables. Ces forces tranquilles œuvrent malheureusement trop souvent dans l’ombre de l’Internet et de celui des rappeurs et rappeuses de la province. C’est donc pour vous faire découvrir ces talents cachés qu’URBANIA Musique vous présente sa série « beatfaiseurs » qui, chaque mois, vous fera découvrir un producteur.

Le beatfaiseur CRi est passé au cours des années de musicien paumé à producteur nommé pour un prix Juno. Oeuvrant dans l’industrie depuis quelques années déjà, l’artiste s’est hissé vers le sommet à coup de collaborations et d’investissement en temps et argent dans sa carrière. Il récolte aujourd’hui le fruit de son labeur en multipliant les performances live, les projets et les sorties.

On l’a justement rencontré quelques minutes à peine après son show à Osheaga pour discuter de son parcours.

Tout à l’heure, quand tu as présenté (en français) ceux qui t’accompagnaient sur scène — Jesse Mac Cormack et Sophia Bel — j’ai entendu quelqu’un dire tout haut « Hein? Il est Québécois lui? » Ça t’étonne de savoir qu’on pense que tu es étranger chez toi?

C’est drôle parce que je m’exprime le plus souvent possible en français, notamment sur les réseaux sociaux. Sans entrer dans un discours nationaliste, j’ai toujours essayé de représenter le Québec du mieux que je peux. Je suis fier d’où je viens, de Montréal et du Québec et de parler en français.

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Mais je me disais qu’au fond, sa réaction en disait probablement beaucoup sur le peu de place qu’on fait à la musique électro dans les médias…

C’est vrai que la place qu’on nous fait est un peu restreinte. En même temps, la scène électro, particulièrement du côté francophone, est en émergence, elle n’est pas encore très articulée. C’est un peu moins vrai chez les anglophones. Cela dit, il y a plein d’artistes électro super talentueux qui viennent de Montréal, qui se produisent partout et qui ne sont pas tellement connus ni supportés par les gens d’ici. Et je ne m’exclus absolument pas de ce que je décris!

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Par exemple, quand j’ai découvert Jacques Green, je pense que ça m’a pris 3 mois avant de savoir qu’il venait de Montréal! Je pensais qu’il venait de Londres. La plupart des artistes électros vont sortir de la musique avec des labels qui vont plutôt Anglais, Américains ou Français. On tient pour acquis que forcément les artistes viennent de là.

Ça change tranquillement. On peut penser par exemple à Kaytranada…

En ce moment et depuis les 5-6 dernières années, Kaytranada c’est le plus gros ambassadeur de la musique électro de Montréal. Grâce à lui, les spotlights se sont tournés un peu plus sur ce qu’on fait. Peut-être que s’il y avait un label ou une espèce de communauté de musique électronique plus ancrée à Montréal, naturellement le public d’ici serait plus au fait de ce qui se passe sur cette scène-là.

D’ailleurs, tu as déjà mentionné en entrevue que partir un label, c’est quelque chose qui t’intéresse!

Ça m’intéresse beaucoup, mais en ce moment, je n’ai vraiment (vraiment!) pas le temps pour ça. Mais ce n’est pas juste ça. J’ai le sentiment que j’ai encore beaucoup de choses à prouver, d’abord à moi-même, pour pouvoir me prétendre « curateur » de quoi que ce soit.

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Mais pourquoi tu voudrais faire ça?

Justement pour donner une voix à la musique électronique au Québec. Je trouve qu’il y a tellement de travail à faire! Les gens en écoutent, le Piknic Électronik c’est plein tout le temps, les gens adorent cette musique-là, mais c’est pas encore assez fort. Comme on le disait, c’est comme si la musique électronique était perçue comme de la musique qui vient d’ailleurs. Le public a de la difficulté à se l’approprier.

En même temps, il y a la question de la langue. J’avoue que quand il y a de la voix dans ma musique, c’est souvent des voix en anglais, je collabore avec des anglophones, etc. Quoique dernièrement j’ai fait une reprise de Daniel Bélanger en français [NDLR : avec Charlotte Cardin] et ça m’a vraiment ouvert l’esprit. Faut que je fasse plus de choses en français. Ça sonne bien!

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Parlant de collaboration, qu’est-ce qui dicte le choix des collaborateur.trice.s? C’est d’abord une affaire d’amitié? De défi artistique ou créatif?

Un peu des deux. Par exemple, Jesse Mac Cormack, je l’ai rencontré alors que je venais d’arriver à Montréal et que je posais des affiches de publicité sauvages pour le milieu culturel. Un de ses amis m’a dit « je suis sûr que vous pourriez bien vous entendre ». On a pas collaboré ensemble tout de suite, mais 3-4 ans plus tard on a commencé à faire de la musique ensemble. Alors oui, dans ce cas-là c’était au départ une affaire d’amitié. Mais il peut aussi m’arriver de DM des artistes que j’aime en disant « Hey, j’aime ce que tu fais, ça te tente-tu de faire une collab? » On fait ça à distance… et ça marche!

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Est-ce qu’il y a une collaboration qui a été particulièrement riche? Qui t’a mené ailleurs sur le plan artistique?

C’est sûr que si j’ai à identifier une seule personne, le premier nom qui va me venir en tête, c’est Ouri. On a collaboré ensemble souvent et sur une longue période. Je crois que c’est la collaboratrice avec laquelle j’ai le plus appris. On a construit nos projets ensemble, on a commencé ensemble. Depuis, on a pris un peu chacun nos chemins, mais je dirais que c’est elle qui a été la plus marquante dans mon évolution.

Je pense aussi à d’autres collaborateurs. Par exemple, en décembre dernier j’étais à L.A. et j’ai pu collaborer avec des artistes comme Darius ou Stwo. Ç’a été vraiment formateur. C’était super cool de les voir travailler en studio, j’ai appris des trucs que j’utilise maintenant dans mes projets.

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Tu as toujours été très autodidacte…

J’ai tout entrepris par moi-même, mais j’ai jamais été le genre de producer qui fait tout tout seul dans son sous-sol, j’ai toujours été en mode collaboratif, entouré de monde. Dans le temps, on invitait des gens à la maison, on faisait des soirées où on s’installait avec harpe, des synths, des guitares… pis on jammait!

Il y avait un projet d’album dans l’air cet hiver, puis tu as sorti Initial EP. Est-ce que l’album est toujours dans tes projets?

Le label Anjunadeep a manifesté un intérêt pour ma musique. Moi je trouvais ça fou, ça fait 5 ans que je suis ce label-là! À ce moment-là je n’avais pas vraiment de musique qui allait dans la direction musicale où je voulais aller, mais j’avais des tounes plus instrumentales que j’aimais beaucoup alors on est allé avec ça et on a sorti un EP en mars. L’album va finir par arriver et il va prendre une direction un peu différente, plus pop, avec plus de voix, c’est quasiment indie… jusqu’à un certain point… ou pas vraiment!

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Exclaim a déjà dit que tu arrivais à jongler sur la fine ligne entre l’art et la musique, disons plus facile et accessible, est-ce que c’est un beau compliment?

Tellement. Mais ce n’est pas conscient. C’est pas pensé ni réfléchi comme ça, ça fait juste partie de mon processus : j’adore les sons, et manipuler les sons, et j’aime aussi le côté plus naïf de la pop. J’ai écouté énormément de pop quand j’étais jeune et j’en écoute encore.

De mélanger les deux, c’est ça qui me fait vibrer. C’est cool de voir que certains considèrent que j’arrive à un bel équilibre. Moi j’ai parfois l’impression que c’est n’importe quoi mon affaire! C’est un équilibre fragile.

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