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Batte-Man begins ou Comment fumer du weed sur le tard a changé ma vie
Allons-y droit au batte : pour mon deuxième article de cette « Chronic de poteux », je me suis dit qu’avant d’explorer ensemble de façon plus exhaustive les mille et un mystères époustouflants de la marijuana récréative, et en tant qu’humble guide dans cet univers fabuleux, il serait tout indiqué (et responsable, j’imagine) de vous parler de consommation. En fait j’aimerais parler plus précisément de « la consommation », pour ne pas dire MA consommation. Parce que depuis la légalisation, le Québec a beau s’être (légèrement) décomplexé sur sa tendance à fumer des spliffs sur le balcon quand personne regarde, le pot demeure associé à «consommation», lui même le cousin germain de « consommation abusive », et c’est un mot qui fait peur, disons.
Ça ne date pas d’hier, un stigma fréquent sur la marijuana, veut que : « c’est bum ». Dans l’oeil de l’individu moyen cravate, neuf à cinq, deux voitures, un garage… Fumer un joint, c’est bum ! C’est « coat de jeans bum », c’est « enfant à problème qui puff en sixième année en vendant des revues de cul aux autres élèves moins dévergondés bum », c’est « drop out de l’université grisonnant qui gaspille sa vie en mangeant des Party Mix bum », c’est « Seth Rogen qui fait un accident de char dans Pineapple Express bum »… C’est bum.
La seule histoire de marijuana qu’on nous raconte depuis le début : fumer du pot fait inévitablement de toi un gros échec paresseux digne d’être éventuellement interprété par Seth Rogen
Évidemment, toutes ces choses existent, et ce sont précisément les fables préventives qui nous étaient racontées à cette époque ancestrale prélégalisation ou les policiers à vélo avaient encore l’autorité de te déchirer ton blunt sous les yeux en te faisant croire que tu es chanceux de pas passer la nuit à te faire réarranger les fesses géométriquement par des Hells en prison. C’est malheureusement la seule histoire de marijuana qu’on nous raconte depuis le début : fumer du pot fait inévitablement de toi un gros échec paresseux digne d’être éventuellement interprété par Seth Rogen… Et c’est une position que je juge important de nuancer au mieux de mes capacités en tant que fier membre du Saint Ordre des Chevaliers Fumeurs Fonctionnels. C’est pas un ordre qui existe, inutile de vérifier…
Bref, voici donc : une autre histoire de pot!
En fait, comme bon nombre d’entre nous, humains standards, j’ai d’abord été introduit au cannabis récréatif (pour ne pas dire au cannabis récréation) à l’école secondaire, cet amphithéâtre d’expériences toutes plus humiliantes les unes que les autres, mais parfois nécessaires.
D’ailleurs, que mon avis sur la chose soit bien clair : les adolescents ne devraient pas fumer du pot. Au même titre qu’ils ne devraient pas consommer d’alcool. Ils vont statistiquement le faire anyway, même si c’est le pire âge auquel prendre des décisions éclairées sur quelque type de consommation responsable que soit, c’est mauvais pour le développement du cerveau, ça démotive à un moment dans ta vie ou tu es plus démotivé QUE JAMAIS, et de façon générale la plupart des gens que je connais qui fumaient régulièrement au secondaire se sont tous uniformément magasiné un « j’ai arrêté parce que je commençais à faire des psychoses ». C’est rarement une anecdote constructive à raconter vingt ans plus tard à ses enfants.
Mais bon, ados will be ados, j’ai fumé du weed au secondaire. J’ai été une parodie de figurant de American Pie dans des partés, mais ça s’est pas mal limité à ce contexte-là, parce que j’étais plutôt médiocre académiquement et, fouillez-moi, j’étais trop accablé par le poids de l’existence dans un monde où j’allais possiblement redoubler pour pour prendre le temps de sombrer dans la délinquance. Ouais j’étais un ados weird.
Par la suite, tout au long de ma vingtaine, j’ai à quelques reprises retenté l’expérience « fumer un doobie entre amis parce qu’on est clairement des adultes maintenant » mais malheureusement, fumer du pot sans perdre la carte étant comme une sorte de muscle à entrainer, mes consommations étaient si espacées les unes des autres que je me suis rapidement retrouvé confronté au fait que 50% du temps je sombrais, après une puff, dans le coma comme si j’avais fait de l’opium au Lotus Bleu… L’autre 50% étant quant à lui surtout réservé à des badtrips existentialistes où je suis persuadé que les humains étaient contrôlés par des hommes pieuvres.
J’ai fini par abandonner. Comme plusieurs je me suis dit : c’est pas moi fumer du pot.
Or, à un proverbial moment donné, je me souviens, c’était dans mon premier appartement tout seul, je devais avoir vingt-six ou vingt-sept ans, et un ami avait malencontreusement oublié le fond d’un sac de weed chez moi, suite à une soirée particulièrement « je vais te montrer comment fumer ça dans une pomme ». Bref, j’ai commencé à fumer tout seul. Pas de façon triste ou pathétique ou pour anesthésier un quelconque mal de vivre. Non, juste fumer du pot tout seul à 27 ans pour le plaisir de fumer du pot tout seul à 27 ans en pyj dans le lieu le plus sécuritaire et réconfortant imaginable : sa maison.
Ce que je venais de découvrir à ce moment-là, je serais porté à le comparer au plaisir de l’adulte éprouvé qui se verse un verre de vin en fin de journée après un neuf à cinq à l’usine.
Ce que je venais de découvrir à ce moment-là, je serais porté à le comparer au plaisir de l’adulte éprouvé qui se verse un verre de vin en fin de journée après un neuf à cinq à l’usine (c’est ça que les gens font right? Travailler à l’usine?). C’est devenu ma communion, mon moment dans la journée pour prendre mon souffle (dans tous les sens du terme), réfléchir à la vie, faire le point. On dit souvent que le pot rend parano, je préciserais : dans mon cas, le pot rend introspectif. C’était pas non plus comme si j’avais besoin d’une « potion magique pour relaxer », je crois que j’ai toujours vu ça comme un outil, un facilitateur à la réflexion et des fois même à la philosophie. Ça demeure de la philosophie de poteux, entendons-nous, ça passe rapidement de « la vie est elle prédestinée? » à « je me demande c’est comment d’être un escargot », mais n’empêche que c’est un exercice qui fait du bien à l’esprit éprouvé.
D’une certaine façon c’est quelque chose qui a changé ma vie, prendre le temps de s’assoir et simplement laisser son cerveau aller, divaguer librement, se délivrer de la pression du quotidien, ralentir, être contemplatif comme un enfant. C’est méditatif fumer du pot, et méditer (peu importe la méthode) jusqu’à un certain point ça te permet de mieux te comprendre toi-même.
Ne vous méprenez pas, je ne suis certes pas en train de clamer que prendre de la drogue c’est une solution aux problèmes. Cela dit, prendre du temps pour soi, que ce soit pour un verre de cognac, un cigare, un expresso ou un bon livre, ça permet de faire le point. D’un point de vue tout à fait personnel c’est une découverte qui m’a fait le plus grand bien. Aujourd’hui je suis moins stressé, moins en colère, moins jaloux, moins hargneux, moins triste… Plus heureux? Je ne crois pas que le pot m’ait rendu plus heureux, je crois que je suis plus heureux DEPUIS que je fume du pot. Vous voyez la nuance?
C’est cette nuance que je trouve absente du discours quand on parle consommation, j’ai l’impression qu’on a souvent tendance à oublier cette bonne vieille consommation responsable entre adultes qui connaissent leurs limites. Vous aurez compris que c’est ce que je viens prôner dans cette chronique.
Je me répète, fumer du pot c’est pas une solution miracle à quoi que ce soit. Néanmoins, permettez-moi de dropper cette bombe sur nos tristes existences: c’est un plaisir fumer du weed! C’est un plaisir, au même titre que celui de l’amateur de vieux scotch servi sur des roches à scotch de gros con arrogant qui a besoin d’attention.
Bref, pardonnez-moi l’argumentaire de hippie, mais c’est dans cet état d’esprit que je vous invite à découvrir avec moi à quel point il est bon de profiter des bonnes choses sans nécessairement que ça devienne une spirale d’autodestruction nihiliste où tu pawn tes électroniques.
Tout porte à croire que ce sera ça la morale de l’histoire.