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Bancs d’église à vendre
« Les bancs, c’est surtout les gens de la place qui veulent les acheter, pour garder un souvenir », lance Sandra Allard, à quelques jours d’une vente inusitée qui se déroulera les 8, 9, et 10 octobre à Saint-Cléophas-de-Brandon, près de Joliette.
La nouvelle propriétaire de l’église du village tentera d’écouler la centaine de bancs que celle-ci renferme toujours deux ans après l’abandon de ses activités de culte, en vue d’un nouveau projet en chantier. « Je suis une fille d’hôtellerie, mon mari est dans l’industrie du camping, et nous voilà maintenant avec une église! », s’enthousiasme Sandra, qui a l’intention d’en faire une salle multifonctionnelle. « J’aimerais l’utiliser pour des spectacles d’humour, de musique, ou la louer pour toutes sortes de célébrations », explique-t-elle au sujet du bâtiment capable de recevoir entre 200 et 300 personnes.
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La vente de bancs marque un peu la fin d’un feuilleton entourant l’avenir incertain de l’église datant de 1895, au cœur de cette municipalité de 300 habitant.e.s située à Lanaudière. « On est un carrefour intéressant ici, près de Saint-Félix-de-Valois, Saint-Jean-de-Matha, Saint-Gabriel-de-Brandon, et à vingt minutes de Joliette », note Sandra Allard, qui souhaite attirer quelques gros noms dans l’église une fois sa conversion complétée.
C’est une seconde chance pour l’église, qui risquait la démolition depuis le départ du curé et la fin des messes en janvier 2019. La paroisse Saint-Martin-de-la-Bayonne avait au préalable récupéré l’autel, le ciboire, la crèche jusqu’au chemin de croix.
Dépouillé de ses objets sacrés, le bâtiment – devenu une propriété de la municipalité – avait alors vu sa valeur grandement diminuer.
En entrevue au Journal de Montréal, le maire Denis Gamelin disait n’écarter aucune option, tant la vente que la démolition.
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L’Action d’Autray a finalement confirmé la transaction à des « intérêts privés » en mai dernier, après des investissements de 40 000 $ pour l’entretien de l’église. « On perd comme un petit morceau de notre patrimoine, mais ça va libérer les citoyens du coût de l’entretien », avait alors commenté le maire Gamelin dans le journal local.
Sans trop s’étendre, « l’intérêt privé » en question estime avoir allongé environ 200 000 $ pour l’église, un prix incluant un duplex attenant. Pour la suite, Sandra Allard s’engage à préserver la valeur patrimoniale et le cachet de l’église. « Mais la couleur risque de changer! », s’esclaffe-t-elle au sujet des murs et du plafond turquoise un peu (trop) vintage à son goût.
«Les gens arrêtent et posent des questions. Quand je leur explique, les plus jeunes sont contents, mais les plus âgés sont tristes»
Dès qu’elle a annoncé sa vente de bancs d’église sur Facebook, Sandra calcule avoir reçu près d’une centaine de messages en 24 heures. Elle demande 125 $ pour les petits et 175 $ pour les grands bancs, prie-Dieu inclus. « C’est pas cher, mon but est de vider la place. Je vais quand même en garder une couple pour la salle et un pour mon chalet », raconte-t-elle. Pour récupérer les longs bancs, certaines rangées seront sectionnées en deux cette semaine.
Depuis qu’elle a installé un panneau annonçant la vente de bancs (on annonce aussi une vente de sacs à main, mais c’est une autre histoire) en bordure de la rue Principale, Sandra remarque que la curiosité du voisinage a été piquée. « Les gens arrêtent et posent des questions. Quand je leur explique, les plus jeunes sont contents, mais les plus âgés sont tristes », résume-t-elle, bien consciente que les personnes âgées sont attachées à l’église, pour y avoir été baptisées ou avoir enterré leurs proches dans le petit cimetière à l’arrière.
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Parlant de curiosité ambiante, une dame entre dans l’église au même moment. « J’ai vu la pancarte et je me suis d’abord dit : “J’espère que c’est pas une secte qui a acheté ça!” », raconte Mme Simard de Saint-Gabriel-de-Brandon. Rassurée par la vocation de l’église, elle promet de revenir pour la vente en fin de semaine. « Ça donnerait un petit cachet de plus à ma maison centenaire », s’enthousiasme-t-elle.
En empruntant la rue Principale pour rentrer à Montréal, pas besoin d’un dessin pour comprendre qu’un petit vent de fraîcheur ne ferait pas de tort au village. Le garage de débosselage et le dépanneur (avec comptoir postal à l’intérieur) ne souffriront sans doute pas de voir une salle de spectacle venir dynamiser un peu les environs.
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J’estime en attendant avoir fait ma juste part, en rapportant un banc à 125 $ dans le coffre de ma rutilante Kia Rondo.