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Bals des finissants: entre la catastrophe et l’espoir
Le feu vert accordé aux bals des finissants est accueilli comme une bouffée d’air frais pour certains propriétaires de magasins de robes de la Plaza St-Hubert rencontrés lors d’une tournée. Mais pour d’autres, c’est malheureusement trop peu trop tard.
«Avec la pandémie et la construction, ça fait quatre ans qu’on souffre», soupire Mohamed Bessouda, propriétaire avec sa femme Dhouha de la boutique La Jeunesse.
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En plus de la crise sanitaire qui a mis son commerce à genoux, Mohamed fait aussi référence à l’immense chantier qui a littéralement éventré l’artère commerciale durant deux longues années. «En général, on travaille six mois pendant la période des bals (de janvier à juin) et on dort les six autres. Là, c’est deux années de ratées, on est à la limite de fermer», confie Mohamed, qui a d’ailleurs dû mettre la clé dans la porte de son autre boutique.
Quant à la reprise des bals, elle s’exprime timidement entre les murs de son magasin, désert à mon passage. «Personne ne vient, on dirait qu’il n’y a pas de bals. On en vendra peut-être quelques-unes d’ici juillet, mais il y a encore beaucoup d’incertitudes…», constate Mohamed, au sujet des règles imposées par la santé publique de tenir des bals seulement après le 8 juillet, sous un chapiteau et en limitant le nombre de finissant.e.s à 250. «La compétition n’est pas grave quand tout va bien, mais avec les travaux et la COVID-19, c’est dur pour tout le monde », constate-t-il.
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Et compétition il y a sur la Plaza, à en juger par le nombre de boutiques spécialisées qui se voisinent et qui donnent l’impression de se promener en plein cœur du salon de la mariée. Tous les commerçant.e.s visité.e.s ont quelque chose à dire, sinon envie de ventiler sur les malheurs qui s’acharnent. Mariage, bals, baptêmes : bref le genre d’évènements en tête du palmarès des activités les moins «COVID proof».
Rudy Balta, propriétaire de la boutique Belissimo, espère profiter de la reprise pour écouler son stock de l’an dernier. «Ça va bien depuis quelques jours, on a senti un petit boost. C’est encourageant, surtout avec l’ouverture des restaurants qui attirent les gens sur la Plaza. Pour les robes de bal, il y a au moins toujours des gens qui viendraient même si on était en zone de guerre», se réjouit Rudy, avouant avoir pu tenir le coup grâce à l’aide gouvernementale.
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À l’entrepôt Lotti, la vendeuse Sarah ne constate aucun engouement sur le plancher, ni pour les souliers au premier étage et encore moins pour les robes du deuxième. «Les ventes ont baissé d’environ 75%. On va bientôt devoir fermer le haut», se désole-t-elle, à propos de l’étage complet jadis si populaire, rempli de robes de bal dont les prix oscillent entre 150 et 300$. «La majorité des clients viennent de l’extérieur de Montréal et ils ne sont pas encore revenus», justifie la vendeuse à regret.
Avec 45 ans d’expérience en poche, Suzanne Ohaha — la patronne de la boutique La Mère des mariées — parle carrément de catastrophe. « Sur 100 magasins, il y a quatre clients qui font le tour. D’autres viennent ici les fins de semaine, font la file pour essayer des modèles, prendre des mesures, puis retournent à la maison acheter en ligne…», déplore Suzanne Ohana, dont la boutique survit de peine et de misère. «Le propriétaire de l’immeuble a diminué le loyer, après m’avoir suggéré d’entreposer les vêtements. Mais comment pourrais-je mettre ces belles robes dans un entrepôt?», lance la dame, qui en a vu d’autres et n’a toutefois nullement l’intention de baisser les bras.
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On la croit en la voyant se démener auprès des quelques clientes dans sa boutique. «On n’a pas d’autres grandeurs, mais je vais vous montrer d’autres beaux modèles!», promet-elle à une femme déçue de ne pas trouver sa grandeur sur une robe. «Si vous pouviez faire quelque chose pour nous, ça serait apprécié», m’implore-t-elle, lorsque je quitte son commerce.
Sur une note d’espoir, plusieurs clientes arpentaient les rayons de la boutique 1ère Avenue. «On est occupés depuis février environ. Même sans bal, plusieurs filles veulent acheter une robe et vivre le moment», explique la gérante Stéphanie Akkoyan, qui croit que la clientèle demeure au rendez-vous grâce à la renommée de l’entreprise familiale. Elle possède aussi une autre boutique un peu plus loin sur la Plaza. Il faut avouer que la boutique met le paquet en aménageant des catwalk et en alimentant activement leurs réseaux sociaux.
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Chez Nifertiti Cortège tout près, la vendeuse Nina constate aussi un vent de fraîcheur. «Ça été très difficile, on a dû fermer quelques mois au début, mais on est revenus à la normale, avec des masques», analyse-t-elle, pendant que Charlie Forest, une future finissante, est en pleine séance d’essayage devant les miroirs au fond de la boutique.
On lui laisse d’ailleurs le mot de la fin, puisqu’après tout, c’est elle et les cohortes de son âge qui profiteront d’abord du retour des bals. «On était déçus et on pensait qu’il n’y aurait rien. Alors je suis vraiment contente, même si on ne sait pas encore trop avec les restrictions si on a le droit d’être accompagnée», résume la jeune femme, prenant la pose face à son reflet, flanquée de son amie Safia Moussaoui. «Je vais à l’école Les Estacades à Trois-Rivières. On a entendu de beaux commentaires des boutiques de la Plaza, même nos parents sont déjà venus ici», souligne-t-elle, contemplant de profil sa robe noire.
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En lui souhaitant oublier l’instant d’un soir la pandémie et vivre à leur tour ce rite de passage fait de robes scintillantes, de belles photos, d’excès et de nostalgie.
Ces jeunes l’ont bien mérité.