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Axo et Low : les vedettes inattendues du podcast

Haters, Tourette et sports de combat : l’histoire derrière le duo viral de l’heure.

Par
Jean Bourbeau
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Sur le sol de béton, des munitions de fusil Nerf gisent encore, vestiges d’une bataille entre amis dans un sous-sol. « Mon cell peut filmer jusqu’en 8K », lance fièrement Dave en ajustant son trépied. Ici, l’enfance cède rapidement la place à quelque chose de plus adulte. Les micros sont branchés, les projecteurs allumés : la scène est prête.

Si vous n’avez pas déjà entendu parler d’Axo et Low, peut-être les avez-vous aperçus, bavardant dans le creux de votre main, à travers l’écran de votre téléphone. À première vue, l’image détonne : deux garçons à peine adolescents, en pleine incursion dans le monde du podcast. L’initiative intrigue et amuse, mais suscite aussi une forme d’inquiétude. Certains saluent l’audace créative, tandis que d’autres s’interrogent sur les pièges que tendent les réseaux sociaux à cette nouvelle génération.

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Tout a commencé à Saint-Nicéphore, près de Drummondville. Une chambre d’enfant, des peluches géantes, un poster des Tortues Ninja. Rien ne distinguait vraiment ces deux amis de leurs camarades. Mais aujourd’hui, ils sont un véritable phénomène viral. « Ça serait nice de partir un podcast », avait lancé Loïc à Dave, sans trop y croire. Armés d’un micro bon marché acheté chez Walmart et d’un vieux téléphone, ils enregistrent leur premier épisode. Peu de vues, quelques likes, mais rien de plus.

Mais le second, publié quelques semaines plus tard, provoque une véritable onde de choc : 564 000 vues à ce jour.

« C’était un gros boom! On comprenait rien! », se souviennent-ils. Les éloges affluent, des vedettes du web les remarquent : Gurky, Arnaud Soly, et même le combattant de l’UFC Charles Jourdain. Cependant, avec l’éclat soudain des projecteurs, surgit également l’envers du décor. « On était excités, mais aussi nerveux », confie Dave, qui vit avec le syndrome de Gilles de la Tourette. Si la plupart des commentaires qu’ils reçoivent sont bienveillants, certains sont d’une cruauté déconcertante. « C’est pas parce qu’on est jeunes qu’on y échappe. On s’est fait ramasser solide », lance Loïc.

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Pourtant, les encouragements finissent par prendre le dessus. Le podcast devient pour Dave un refuge, un espace où il trouve du réconfort et même un effet thérapeutique : « J’me sens plus heureux et j’ai moins de tics. » Quant à Loïc, il est parfaitement sur son X devant la caméra : « Mes premières traces sur internet, j’avais 5 ans », raconte-t-il avec nonchalance.

À 13 et 12 ans, Axo et Low jonglent entre l’école, le sport (Dave boxe, Loïc s’illustre en jiu-jitsu brésilien), et leur nouvelle passion commune. Quatre épisodes ont déjà été enregistrés, trois publiés. Le matériel improvisé du début a laissé place à des micros et des éclairages plus professionnels, signe d’une ambition grandissante. Mais à l’école, pas encore de gloire : « Quelques selfies par-ci, par-là, mais c’est surtout dans la région de Montréal que ça pogne », admettent-ils à en juger par leurs statistiques. Bannis de TikTok en raison de leur « jeunesse apparente », ils ont trouvé refuge sur Instagram, leur nouvelle plateforme de prédilection.

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Instagram impose également un âge minimum de 13 ans pour ses utilisateurs, une règle qui n’échappe pas à la frustration de Loïc : « Je vais l’avoir le mois prochain! » avoue-t-il, tout en reconnaissant le subterfuge. Souvenir de ma génération qui se faufilait au cinéma pour voir des films 13 ans et plus.

Malgré cette précocité clandestine, le contenu qu’ils produisent se distingue par une étrange maturité. Réunis autour d’une table de poker avec un thé glacé à la main – « notre version de la bière », remarque Loïc – ils expriment leur désir de rester authentiques. Dave, responsable de la captation et du montage, ajoute qu’il rêve d’investir dans un logiciel de postproduction plus avancé.

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Mais s’ils devaient tout recommencer, ils s’y prendraient autrement, avec plus de précautions. « On a encore beaucoup à apprendre. On s’est excusés pour certaines choses qu’on a dites, on ne savait pas trop de quoi on parlait », reconnaît Loïc. Leur deuxième épisode, celui qui a tout déclenché, a d’ailleurs été retiré en partie.

« On avait balancé des noms et abordé des histoires de criminalité… on s’en est excusés », confient-ils avec humilité.

Le premier épisode, initialement passé inaperçu, a aussi fait polémique après la viralité du second, les garçons ayant soulevé des questions délicates concernant leurs familles respectives, qui n’avaient pas anticipé un tel écho. Mais l’élan était donné. Depuis, de nombreux jeunes les approchent, curieux de connaître leur équipement, et les propositions de collaborations ne cessent d’affluer.

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Parmi leurs références, ils citent des émissions comme Change My Mind, Au Parloir et Le 5 à 7 Podcast, même s’ils admettent ne pas être des « gros fans de podcast ». Pour eux, l’essentiel reste de s’amuser. « Le fun avant tout », philosophe Loïc, tout en s’interrogeant sur la véritable valeur d’une carrière d’influenceur pour la société.

Pendant que l’odeur de gâteau au chocolat s’échappe de l’étage principal, signe qu’Angeline, la mère de Dave, veille discrètement sur eux, les garçons évoquent la réaction de leurs parents face à l’engouement pour leur podcast. « Au travail de mon père, tout le monde trouve ça cool », raconte Dave, le sourire aux lèvres.

Loïc ajoute d’une voix flûtée, non sans fierté : « Mon père commente nos reels, et c’est lui qui a financé nos nouvelles lumières. »

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Cependant, malgré l’enthousiasme de leurs proches et l’attention qu’ils suscitent, ils n’ont pas encore touché une cenne grâce à cette aventure. Mais pour l’instant, leurs ambitions financières restent modestes. « Faut jamais dire jamais, mais l’appât du gain, c’est pas notre priorité », dit Loïc avec une dégaine de premier de classe.

« Protéger, non. Encadrer, oui », précise Angeline en évoquant la vigilance qu’elle et les autres parents exercent. Elle sait bien que la notoriété a un coût, mais elle accueille cette aventure avec bienveillance, y voyant une chance d’émancipation pour son fils, un jeune créatif, mais souvent anxieux. Loïc, plus posé et réfléchi, tempère la fougue de Dave, créant ainsi un équilibre. Ensemble, ils ont trouvé dans le podcast un espace où ils grandissent, apprennent et explorent des sujets qui leur tiennent à cœur, tout en s’amusant.

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« S’ils arrêtent demain, ils essayeront autre chose. » Pour Angeline, l’essentiel est ailleurs : les deux garçons sont en train de trouver leur voie.

Le tournage est à l’image du duo : une préparation minimale, « juste quelques idées griffonnées à la va-vite », mais une spontanéité rafraîchissante et une sincérité juvénile qui séduisent. Si Dave envisage éventuellement de se tourner vers des sujets plus intimes, notamment sa condition et la santé mentale, pour l’instant, il préfère avancer à son propre rythme. « Si ça devient trop sensible, on coupera », dit-il avec l’assurance que le montage lui offre.

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L’épisode bien engagé, je les quitte sur cette scène illustrant leur complicité, alors qu’ils débattent à couteaux tranchés des limites du transport en commun adapté à Drummondville.

Que jeunesse se passe, comme on dit?