Logo

AWAY : manuel de la vie sauvage

Dans la peau d’un phalanger volant post-apocalyptique.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
Publicité

« C’est un concept original, ça parle d’écologie, d’environnement, c’est produit par une boîte indépendante locale et c’est l’fun! », résume avec enthousiasme le designer de jeu Ghyslain Godon au sujet d’AWAY: The Survivals Series, le tout premier projet accouché il y a quelques jours par la compagnie montréalaise Breaking Walls.

« Would you have what it takes to survive? », laisse tomber le narrateur de la bande-annonce du jeu, sur des images d’un monde post-apocalyptique campé à Montréal.

La table est mise pour ce jeu de survie immersif et atypique, mettant en vedette un petit phalanger volant qui tente de rester en vie dans un monde hostile. Bon, ce sugar glider doit aussi voler (littéralement) au secours de sa mère et de sa sœur kidnappées, maintenues en captivité dans un nid de vautour.

« Le phalanger est un écureuil volant qui vit d’habitude en Australie ou en Nouvelle-Guinée, mais on le retrouve maintenant à Montréal, devenue une zone tropicale à cause des changements climatiques », raconte Ghyslain Godon, fier de proposer un scénario à cheval entre la fiction et le documentaire.

Publicité

Fiction parce que dans l’univers d’AWAY, l’homme n’est plus. A-t-il été rayé de la chaîne alimentaire? A-t-il quitté la Terre de son plein gré à bord du Romano Fafard, en quête d’une autre planète vivable? Qui sait.

Mais de toute manière, l’histoire se déroule à travers les yeux d’un petit marsupial, qui devra grimper dans les arbres, sauter, voler pour échapper à ses proies. « Il y a une liberté dans les mouvements qui détonne des jeux classiques où les joueurs évoluent dans des décors plus hermétiques, comme dans les jeux de guns », explique Ghyslain.

Publicité

Quant à la portion documentaire, on la retrouve d’abord dans la narration, scénarisée à partir de réelles informations sur les animaux croisés, à commencer par le mignon planeur.

Le ton de la narration (rappelant Sir David Attenborough) est présenté dans le style d’un documentaire animalier et insuffle aussi une bonne dose de réalisme à l’expérience. « On a essayé d’avoir Charles Tisseyre pour la narration, mais ça n’a pas marché! », souligne Ghyslain, ajoutant que le jeu fonctionne néanmoins sans l’animateur de Découverte, en plus d’avoir été traduit dans plusieurs langues, surtout en Europe.

Pour ceux et celles qui voudront bonifier la storyline d’environ six heures qu’il faut mettre pour aller au bout de l’aventure, il sera aussi possible de se perdre dans la nature, de personnifier d’autres espèces (d’animaux ou d’insectes) ou d’en traquer des rares (des skins). Le jeu s’adresse à toute la famille, mais les arachnophobes risquent d’avoir quelques sueurs froides, prévient le designer de jeu.

Publicité

David contre Goliath

Lorsqu’il parle de son jeu, Ghyslain ne peut s’empêcher d’évoquer le cliché du combat opposant David et Goliath.

«On est vraiment parti de rien à quatre ou cinq, alors qu’on se frotte à des compagnies qui emploient deux cents personnes»

La métaphore colle toutefois, considérant que cinq personnes ont produit un jeu de haute qualité, avec des budgets modestes comparés à ceux des grandes boîtes. « On est vraiment parti de rien à quatre ou cinq, alors qu’on se frotte à des compagnies qui emploient deux cents personnes », illustre Ghyslain, un ancien designer textile mis à pied du Cirque du Soleil, qui a embrassé une nouvelle carrière après des études comme concepteur de niveaux de jeu.

C’est ainsi qu’il a atterri il y a cinq ans dans les bureaux de Breaking Walls, dans la Cité du Multimédia, où il s’est aussitôt attaqué à AWAY.

Publicité

Il est venu prêter main-forte à ses camarades Laurent Bernier (directeur créatif), Nathanael Dufour (directeur artistique), Anuradha Mallik (programmeuse) et Sébastien Nadeau (chef de la technologie).

Le quintette avait au départ en tête de démarrer une boîte de réalité virtuelle, avant de se raviser. « On voulait développer un concept où le joueur était dans la tête du phalanger volant, mais commercialement, la VR n’a pas encore la portée pour nous soutenir financièrement », explique Ghyslain.

En plus d’une enveloppe octroyée par le Fonds des médias du Canada, une campagne menée via l’entreprise de financement participatif Kickstarter a permis d’amasser plus de 135 000 $ auprès de 2 600 contributeurs et contributrices.

Publicité

« Il existe une communauté qui est prête pour ce type de jeux à saveur documentaire comme Ancestors: The Humankind Odyssey, ceux de Felix & Paul ou encore la série télé Planet Earth », cite en exemple Ghyslain.

En comparant avec les budgets faramineux des grosses boîtes comme Ubisoft ou Warner, Ghyslain dresse un parallèle intéressant entre le cinéma d’auteur et les blockbusters. « On n’est pas dans le moule, mais il y a de plus en plus d’engouement dans l’univers des jeux indies », observe le designer, ajoutant que les couteaux ne volent heureusement pas trop bas dans le milieu.

« Si le jeu a du succès, la plupart des gens de l’industrie vont se réjouir : la communauté se serre généralement les coudes. Mais c’est sûr que si on connaît un mégasuccès à cinq employé.e.s et qu’une grosse boîte pète son budget avec 200 employé.e.s, on va moins nous aimer! », lance Ghyslain en riant.

Le sort d’AWAY: The Survivals Series est désormais entre les mains du public, qui peut découvrir depuis quelques jours le fruit de cinq ans d’efforts sur les consoles PlayStation (4 et 5) et sur PC. Les versions Xbox et Epic sont attendues.

Publicité

Les critiques auront aussi un rôle important à jouer dans la popularité du jeu. Malgré sa fierté et son optimisme, Ghyslain ne se berce pas d’illusions.

Parce que tel un petit phalanger volant tentant de rester en vie dans un monde post-apocalyptique, Breaking Walls aussi souhaite survivre dans une industrie compétitive et parfois cruelle.

Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Soyez le premier à commenter!