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Avoir su…
J’ai beau dire avoir su, dans le fond je l’savais déjà. C’est ce que je chante à tue-tête dans mon char avec Lisa. Pis à la fin, même si la toune s’étire, je le chante six fois de suite, comme la belle Lisa. Ça donne :
J’ai beau dire avoir su, dans le fond j’le savais déjà.
J’ai beau dire avoir su, dans le fond j’le savais déjà.
J’ai beau dire avoir su, dans le fond j’le savais déjà.
J’ai beau dire avoir su, dans le fond je l’savais déjà.
J’ai beau dire avoir su, dans le fond je l’savais déjà.
J’ai beau dire avoir su, dans le fond je l’savais déjà…
Des bouttes en hurlant à pleins poumons, pis la dernière fois, tout doucement, comme une capitulation.
Comment ça se fait qu’on peut oublier à quel point avoir mal, ça fait mal? Comment ça se fait qu’encore aujourd’hui, dans la quarantaine, je ne sache pas me convaincre que ça se peut refuser un peu de bonheur pour se préserver de la souffrance qui viendra ensuite? Combien de fois encore je vais me répéter “…dans le fond je l’savais déjà” avant de me blinder comme du monde?
Quand l’album homonyme de Lisa LeBlanc est sorti, les enfants et moi, on a d’abord pris plaisir à hurler dans l’auto : P’têt que demain ça ira mieux, mais aujourd’hui, ma vie c’est d’la maaarde. Moi, j’étais en pleine séparation. Les enfants n’avaient aucune idée de tout ce que je mettais de mon cœur en mille miettes dans cette chanson. Mais ils avaient pas besoin de le savoir, et eux aussi, ils étaient un peu amochés, pis hurler Ma vie, c’est de la maaaarde, c’est juste tellement libérateur.
La toune Avoir su, selon fils aîné, s’étirait trop longtemps, alors on la sautait quand les enfants étaient avec moi. Mais moi toute seule, ça ne me dérangeait pas qu’elle s’étire. Je l’écoutais jusqu’au bout et chantais en pensant à toutes ces fois où je n’avais pas su écouter ma petite voix intérieure qui disait : Tu vas avoir mal t’àl’heure, Fille, faut-tu vraiment que t’ailles voir? J’ai toujours eu tendance à lui répondre : T’àl’heure, c’est t’àl’heure, dans le temps comme dans le temps, en attendant, je vais pas m’empêcher d’avoir du fun, pis je vais surtout pas me barricader le cœur.
Je pense qu’il y a deux catégories de gens. Ceux qui sont naturellement sur les breaks, qui attendent qu’on les choisisse, que l’autre fasse ses preuves, qu’il soit fou amoureux avant de relâcher, et les autres, les caves comme moi, qui se lancent, cœur abandonné, à bouche que veux-tu, dès que ça papillonne dans le ventre. Et je sais pas combien de cassage de yeule ça prend pour passer de la deuxième catégorie à la première. À moins qu’on soit pris à vie dans la catégorie qui nous a été assignée à la naissance. Ça me fait penser à une autre chanson, de Bénabar cette fois, où un personnage de femme chante “certaines tombent amoureuses, c’est pur, ça les élève, moi, je tombais amoureuse, comme on tombe d’une chaise”. Me suis toujours reconnue…
Mon ami Martin m’avait dit : Attention, Bri, Chris, c’est un gars super intéressant pis toute, mais c’est un séducteur, c’est évident. Mon ami Martin est gay, il connaît ça, les hommes. Ma sœur Hélène avait les sourcils qui se fronçaient chaque fois que je lui parlais de lui. À Martin, j’avais dit : je l’sais que ça se peut que je finisse par avoir mal. Il avait répondu : Non, il n’y a pas l’ombre d’un doute que tu vas avoir mal. J’avais ri : T’as ben raison, dans le fond… Mais j’arrive plus à voir ce qu’il y avait de drôle là-dedans.
Ouain, le gars super intéressant en question avait une blonde. Pas fort, je l’sais. J’ai rien à dire pour ma défense, à part que je me sentais tellement belle, sexy et intéressante dans son regard. Pis que j’avais besoin de me sentir belle, sexy et intéressante depuis que… ben que je m’étais fait crisser là par le père des enfants. J’avais l’impression que c’était vraiment spécial entre nous, qu’on se parlait sans parler, qu’on se devinait de loin. Disons que je suis pas mal naïve, pis à mon âge, ben, c’est même pus cute.
Il y a quelques semaines, j’ai fait la gaffe de lui dire que je commençais à m’amouracher de lui. Sur le coup il a paru ému, bouleversé, que sais-je. Pis après, ben, ô surprise, il s’est poussé. D’abord, quelques emails frettes pas de becs, pas de câlins, pas de Ma belle, (alors que pendant les quatre mois qu’on s’est “fréquentés” et les deux mois précédents, il m’a écrit des centaines de courriels enflammés, poétiques, sérieux, drôles, etc.). Je lui ai dit : “me semble que tu t’es refroidi, était-ce une gaffe de m’ouvrir le cœur?” “Refroidi? Pas du tout. Je suis juste terriblement dans le jus.” Toujours pas de XOX, pas de Ma jolie. Pis un moment donné, silence radio. Je me suis juré de ne pas être celle qui relancerait la discussion, pour voir jusqu’où il tiendrait. Je peux pas vous le dire, il tient toujours. Après cinq semaines.
J’avais eu une fois, l’an passé, une incartade avec un autre gars en couple, Denis. Je m’étais aussi enflammée pour lui, pis j’avais eu mal après (d’où les avertissements de Martin et les froncements de sourcil de ma sœur à ma rencontre avec Chris). Mais lui, à sa décharge, il ne m’avait jamais abreuvée de courriels enflammés ni rien. Il m’avait bien sûr fait le numéro d’être très ému par ma personne, mais seulement le soir de notre incartade (j’adore ce mot) après une soirée arrosée au champagne. Après, on s’était recroisés quelques fois par hasard.
Mais la vie a parfois un drôle de sens de l’humour. Et pendant que les courriels de Chris se refroidissaient, Denis m’en envoyait un pour m’inviter à prendre un verre. Me disant qu’il était repassé devant l’endroit où on avait frenché la première fois, que ça lui avait rappelé des souvenirs. Sur le coup, ça m’a fait plaisir. C’est ben ça le pire.
Des fois, j’ai l’impression que les gars qui ont déjà senti qu’ils me plaisaient aiment ça revenir de temps en temps tester leur pouvoir de séduction sur moi. Je dois être ben bonne pour les faire sentir formidables. Avec Chris, j’ai toujours eu l’impression qu’il attendait que je me déclare, qu’il me poussait à le faire, qu’il avait besoin d’entendre des mots d’amour de moi. Avec Denis, lorsque nos chemins se croisaient, je voyais aussi qu’il y avait ce besoin chez lui de se sentir sexy dans mon regard. Pis je le comprends tellement, ce besoin-là. Mais je suis pas en couple.
Mais là, j’ai pris ma décision. À toutes les gars en couple de 45 ans et plus, je dis : Je ne suis pas un fucking miroir dans lequel vous pouvez vous remonter l’égo. Faites donc comme moi, pis consultez une psy, à place.
Sur ce, je m’en vais brailler ma vie dans le bureau de la mienne. P’têt que demain, ça ira mieux, mais aujourd’hui…