En tant que grincheux anti-nostalgique en chef de mon entourage, ça fait partie de ma description de tâche de chiâler contre Ciné-cadeau. Sauf que je finis toujours par immanquablement regarder sa désormais légendaire programmation.
Chaque année, sans faute, je regarde au minimum Les 12 travaux d’Astérix.
Au-delà de la tradition, la programmation annuelle du temps des Fêtes de Télé-Québec est devenue un incontournable dans les foyers de la Belle Province.
Si un classique, c’est un film qu’on regarde chaque fois qu’il passe à la télé, pendant les Fêtes, Ciné-cadeau, c’est ce qui joue tout le temps sur les télés de tout le monde.
Et si c’est pas Ciné-cadeau qui joue, c’est parce que la télé est fermée.
Je l’avoue, on est chanceux d’avoir un rituel culturel qui perdure, mais quelle est la logistique derrière? Est-ce qu’un lutin du père Noël grimpe chaque année dans un Uber pour amener les films dans les bureaux de Télé-Québec? Suffit-il de presser un seul bouton pour que Ciné-cadeau apparaisse sur nos écrans telle une bordée de neige de décembre (dans l’ancien monde, mettons)?
Eh non! C’est beaucoup plus compliqué que ça. Ciné-cadeau (en tout cas, l’édition de cette ann ée), c’est le fruit du travail de Ian Oliveri et Nancy Roy, tous deux chefs de contenu aux acquisitions chez Télé-Québec. Ce sont eux, les lutins de Noël derrière l’écran.
Entre tradition et plaisir
« On commence la préparation pour Ciné-cadeau entre six et neuf mois d’avance », m’explique d’entrée de jeu Ian Oliveri rejoint via Zoom. Ce dernier est chef de contenu au cinéma grand public alors que sa collègue est en charge de la programmation jeunesse. « Cette année, on avait une grille pas mal complète avant l’été. »
Est-ce que c’est vrai que Ciné-cadeau fait jouer les mêmes maudits films chaque année? Oui et non.
L’aspect rituel de l’exercice implique une large sélection de classiques qui reviennent chaque année parce que tout le monde les regarde. Télé-Québec m’a d’ailleurs gracieusement fourni les cotes d’écoutes de la programmation des Fêtes de l’an dernier et devinez quoi?
Les 12 travaux d’Astérix trône au sommet (avec 449 000 vues, des chiffres immenses pour un 26 décembre), suivi (de quand même très loin) par L’ère de glace 4, Astérix et le coup du menhir, Sens dessus dessous, Astérix et la surprise de César et La guerre des tuques qui continue de faire des ravages chez les enfants québécois.
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Si ces films reviennent chaque année, c’est parce que tout le monde veut les voir. Vous (et moi) y compris.
Pour incorporer de nouveaux films dans la programmation, Ian et Nancy doivent en retirer. Ça arrive donc qu’une œuvre perde sa « certification Ciné-cadeau », si vous voulez.
« L’animation a la cote avec notre auditoire. Les films avec des personnes réelles et qui sont trop éloignées culturellement du Québec ont tendance à prendre le bord », affirme Ian.
« Ce qui va assurer la place d’une œuvre dans la programmation d’année en année, c’est d’abord et avant tout la réaction du public. »
Qu’est-ce qui fait un bon film pour Ciné-cadeau, au juste? « C’est un film qui est devenu un classique du temps des Fêtes, peu importe le genre, et qui crée un moment en famille », avance Nancy. « On y retrouve des thèmes intemporels, comme l’amour, la générosité, le pardon, qui résonnent sur le plan émotionnel, qui évoquent l’esprit des Fêtes et qui ont une importance culturelle. »
Au-delà d’un simple bon moment passé en famille, Ian croit en la valeur ajoutée de Ciné-cadeau comme comfort food télévisuel. « La fin de l’année, c’est un gros stress collectif : les clôtures de dossiers au boulot, les bilans personnels, les rushs de cadeaux, les partys de bureau, les discussions en famille, le manque de lumière et de sommeil. Ciné-cadeau, c’est une pause pour trouver du réconfort. »
Ian m’explique également que les Fêtes sont une période charnière pour les rendez-vous culturels avec, entre autres, Ciné-cadeau et le Bye Bye, et qu’une partie du plaisir consiste à se retrouver autour de référents communs qu’on peut tous apprécier. « C’est une des raisons pour lesquelles Ciné-cadeau perdure depuis plus de 40 ans », affirme-t-il.
Regarder Ciné-cadeau : faire œuvre utile?
Le mois de décembre est le plus important de l’année pour Télé-Québec. Ian me raconte qu’ils doublent leurs cotes d’écoutes et génèrent un revenu plus important que pendant le reste de l’année. « Si on peut se permettre de prendre des chances et de faire vivre des productions originales, les Fêtes y sont pour beaucoup », m’explique-t-il.
Non seulement Ciné-cadeau prodigue divertissement et réconfort à la fin de votre année, il contribue (ne serait-ce que marginalement) au bien-être de la culture québécoise en étant simplement fidèle au poste.
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Naviguer à travers de nouvelles époques représente cependant son lot de défis, notamment la transition vers un public pour qui YouTube et TikTok sont la nouvelle télé. « On est chanceux parce que les parents prennent sur eux de faire découvrir nos classiques à leurs enfants », affirme Ian.
« C’est cependant un défi auquel toutes les chaînes de télévision du monde font actuellement face. Je te mentirais si je te disais que quelqu’un a trouvé la formule magique. »
Pour Ian, la pérennité de Ciné-cadeau dans le temps passera par une adaptation constante aux goûts et aux valeurs des générations futures. « Ultimement, ça ne sera pas ma décision, mais personnellement, j’investirais du côté de l’animation japonaise pour rassembler les plus jeunes autour de Ciné-cadeau. C’est quelque chose qui leur parle beaucoup. Ce sont leurs références communes à eux. Je suis allé au Portugal, cette année, et les jeunes tripaient sur les mêmes titres qui sont populaires ici. »
Même s’il co-programme Ciné-cadeau et y consacre plusieurs mois chaque année, Ian Oliveri se laisse encore emporter par la magie des Fêtes. Pour sa part, il admet avoir une préférence pour les films avec des effets spéciaux qui datent d’avant l’arrivée des ordinateurs comme L’histoire sans fin et Edward aux mains d’argent.
« Je pense que c’est le film qui m’a fait le plus pleurer dans ma vie. J’aime les anciennes techniques de réalisation. On dirait que ça reste plus longtemps avec nous. Que ça nous hante », explique-t-il.
Bref, on aime tous Ciné-cadeau, même les grincheux anti-nostalgiques en chef qui prétendent le contraire Toute résistance est inutile, surtout pendant Les 12 travaux d’Astérix.