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Il fallait sây attendre. Câest arrivĂ© Ă chacun et Ă chacune dâentre nous qui jouissons dâune certaine tribune et qui nous sommes aventurĂ©Es Ă diffuser des messages fĂ©ministes. Parce quâĂ chaque mouvement social se rattache un anti-mouvement, visant Ă le faire taire et Ă le tuer, tout blogueur et toute blogueuse dĂ©fendant le fĂ©minisme sur sa tribune se verra tĂŽt ou tard attribuer lâĂ©tiquette de âfĂ©ministe enragĂ©eâ ou autre misandre du genre.
Féministe enragée
Vous savez, les commentaires de mes billets, je les lis. Attentivement. Or, les quelques olibrius qui sâĂ©vertuent Ă noyer mon discours fĂ©ministe â que dis-je, Ă lâenterrer dans leurs soliloques phallocentriques pas loin de lâintimidation, mâattribuent depuis un bon bout de temps lâĂ©tiquette de âfĂ©ministe enragĂ©eâ. Or, je trouve que lâĂ©tiquette en question ne me rend pas tout Ă fait justice: je ne suis pas enragĂ©e, je suis en crisse.
Or donc, lâĂ©tiquette de fĂ©ministe enragĂ©e, je ne la rejette pas; bien au contraire, je me lâapproprie, la fais mienne. Jâai dĂ©cidĂ© de la porter, fiĂšrement, comme un drapeau. Je suis en crisse. Je suis en crisse parce que les femmes gagnent en moyenne encore environ 73,6% du salaire des hommes â la pleine jouissance des droits humains est subordonnĂ©e Ă la libertĂ© Ă©conomique. Je suis en crisse parce que les femmes ont plus de difficultĂ©s Ă se qualifier pour de lâAssurance-Emploi. Je suis en crisse parce que les femmes retraitĂ©es vivent en moyenne avec 65% du revenu des hommes retraitĂ©s. Je suis en crisse parce que les femmes ont moins dâaccĂšs Ă lâemploi et Ă la syndicalisation. Je suis en crisse parce que 60% des femmes handicapĂ©es vivront de la violence au cours de leur vie dâadulte. Je suis en crisse parce que depuis les 20 derniĂšres annĂ©es, plus de 600 femmes autochtones ont disparu ou ont Ă©tĂ© assassinĂ©es Ă travers le Canada. Je suis en crisse parce que lâorganisme SOS violence conjugale reçoit encore plus de 25 000 demandes dâaide par annĂ©e.
Je suis en crisse parce quâĂ chaque fois quâon revendique, quâon ressort ces faits â qui sont dâactualitĂ© â et quâon gueule Ă ce systĂšme patriarcal ses quatre vĂ©ritĂ©s, câest immanquable, cette petite poignĂ©e de retardĂ©s du social sâĂ©poumone avec des grossiĂšretĂ©s de porteurs dâeau Ă nous faire fermer la gueule.
Et ce nâest ni quelques trolls semi-noyĂ©s dans leur propre royautĂ© ou blogueurs maladroitement mĂąlocentriques qui vont me dire comment ĂȘtre fĂ©ministe. En veux-tu de lâenragĂ©e, tu en auras.
Le courage de lâanonymat
Se cacher derriĂšre un avatar pour imposer sa loi Ă une fĂ©ministe, câest vraiment fucking courageux, said no one ever. Ces gars-lĂ , ce sont des petits. Tellement accrochĂ©s Ă leurs privilĂšges, dans leur crise du « non », douillettement dissimulĂ©s derriĂšre des faux noms, hein, parce que dĂ©voiler son identitĂ©, on laisse ça Ă dâautres, ils ruent comme des mulets, menacent, ordonnent, et prĂȘtent aux discours fĂ©ministes les intentions les plus mauvaises.
Des fois, ça va ĂȘtre en nous donnant lâordre de « cesser notre propagande haineuse ». Dâautres fois, ça va ĂȘtre en parlant au nom de nos organes gĂ©nitaux, pour dire que ceux-ci sont remplis de sable ou manquent de lubrification naturelle, ou encore, Ăąnonnent leurs antiques thĂ©ories freudiennes dâenvie â ou de frustration â du pĂ©nis. On croirait quâils finiraient par se lasser. Mais non. Chaque nouvelle sortie, chaque nouvelle contribution fĂ©ministe, voit dĂ©ferler une vague de plus en plus violente, jusquâaux menaces, et ce, de la part de si peu dâindividus mais qui y mettent tellement de leur temps, et de leur Ă©nergie, quâon croirait quâils sont dix mille. Or â je ne peux que parler de ceux qui polluent ma tribune et mes courriels en avanies et en menaces â je peux affirmer hors de tout doute quâils sont bien peu nombreux. Quatre, cinq tout au plus.
Ils sont bien peu nombreux, bien peu productifs, mais oh combien divertissants, et dignes dâun article de la Pravda.
La fixation de ces quelques commentateurs et blogueurs mĂąlocentriques est tellement axĂ©e sur lâĂ©quation « fĂ©minisme = haine des hommes et du phallus », quâils oublient que les fĂ©ministes, mĂȘme les « en crisse » comme moi, ont des hommes quâelles aiment dans leur vie, que ce soit des amoureux, de la famille, ou des amis chers. Tellement centrĂ©s sur le privilĂšge masculin, en fait, quâils pensent que le fĂ©minisme est, par dĂ©finition, contre les hommes â parce que pour eux, ça sera toujours quelque chose Ă propos de leur propre nombril et non une cause beaucoup plus large que les sentiments que gĂ©nĂšrent leur vit.
Une petite précision
Je le dis : les masculinistes et les anti-fĂ©ministes sont tellement centrĂ©s sur eux-mĂȘmes quâils croient dur comme fer que le fĂ©minisme, ce nâest pas pour les femmes, mais bien contre les hommes.
Rien ne pourrait ĂȘtre plus faux. Rassurez-vous, vous qui vous sentez menacĂ©s par le fĂ©minisme et mon gueulage dâenragĂ©e, on ne se bat pas pour vous faire ĂŽter vos droits. Tout comme accorder le droit de vote aux femmes nâa pas enlevĂ© celui des hommes, lâĂ©quitĂ© salariale ne se fera pas en vous arrachant 30 quelques pourcents de votre revenu. La lutte Ă la violence conjugale ne se fera pas en vous vargeant dessus Ă coups de poings Ă©gaux et mĂȘme que le mouvement tendant Ă un partage plus Ă©quitable des tĂąches et des soins parentaux vise Ă une reprĂ©sentation plus Ă©gale des deux parents dans la vie des enfants, et donc, oui, câest bĂȘte comme ça, câest aussi pour que les pĂšres soient plus prĂ©sents dans la vie de leurs enfants. Le fĂ©minisme ne vise pas Ă empĂȘcher les pĂšres de voir leurs enfants, car il ne rĂ©clame pas pour les femmes le droit absurde dâĂȘtre une mĂšre monoparentale.
Sauf que votre mouvement, Ă vous, les anti-fĂ©ministes, ce nâest pas un mouvement. Câest un anti-mouvement. Je mâexplique : chaque mouvement social fait naĂźtre un anti-mouvement visant directement Ă le contrer. Le masculinisme â ah, que jâaime ce nĂ©ologisme! â ne se bat pas rĂ©ellement pour veiller aux droits des uns (les hommes), mais pour nuire aux droits des autres (les femmes). Câest lâexclusivitĂ© revancharde des pâtits qui ne veulent pas partager le carrĂ© de sable. Câest le pâtit grand-pĂšre qui liche dâavance toutes les amandes au chocolat pour pas que les autres aient le goĂ»t dâen manger. Ăa beugle, ça braille, ça chie, ça menace, sans se rendre compte que ça fait partie du problĂšme.
Bon, ça va faire, les gars, de nous dire pourquoi on doit se battre, pour qui, comment, en quelles circonstances et à quelle dose. Merci.
Remettez-nous en question, ça, câest correct. On ne peut pas ĂȘtre dâaccord avec chacun des prĂ©ceptes dâun mouvement. Sauf que lĂ , vous passez tellement dâĂ©nergie Ă noyer notre discours dans votre bouillon de vaisselle, et pourquoi? Pour le statu quo. Pour nuire aux droits de tous.
Vous mettez tant dâardeur Ă Ă©touffer notre Ă©panouissement quâon dirait que vous nĂ©gligez le vĂŽtre. Rendez-vous service. Sortez dehors, un peu. Prenez des marches. DĂ©veloppez-vous dans vos passions. Aimez-vous et aimez votre prochain!
P.S. Pis non, je ne me fermerai pas la gueule.
Dans le cadre de la journĂ©e internationale des femmes du 8 mars, les collectifs cyberfĂ©ministes de Je suis fĂ©ministe et Et les femmes? organisent un aprĂšs-midi de rĂ©flexion sur le thĂšme de la multiplicitĂ© des fĂ©minismes ainsi que de la place du fĂ©minisme dans le quotidien. Jây serai en tant que confĂ©renciĂšre, en compagnie de Martine Delvaux, AurĂ©lie LanctĂŽt, Camille Tremblay-Fournier, VĂ©ronique Grenier, Anne Migner-Laurin, Jeanne Reynolds et Tanya St-Jean, au Bar Notre-Dames-des-Quilles, 32 rue Beaubien, MontrĂ©al, mĂ©tro Beaubien de 16h Ă 18h.
Je milite pour la justice sociale, lâĂ©galitĂ© et le fĂ©minisme â des synonymes Ă mes yeux. Ayant suivi une formation en arts visuels, je poursuis mes dĂ©marches en recherche sociologique et jâĂ©cris prĂ©sentement un livre sur lâitinĂ©rance qui sera publiĂ© prochainement chez VLB.
Pour me suivre : câest Sarah Labarre sur Facebook et @leKiwiDelamour sur Twitter.
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