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Arnaud Soly : de retour après sa pause

Entrevue bilan avec l'humoriste après un repos virtuel bien mérité.

Par
Hugo Meunier
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Le 3 août dernier, l’humoriste Arnaud Soly annonce qu’il se débranche un mois des réseaux sociaux. Il en fait alors l’annonce sur Facebook et Instagram, invoquant le besoin de décrocher et le climat virtuel malsain.

Nous l’avons rencontré au lendemain de son retour virtuel, près de chez lui au parc Molson.

Je l’attends assis à une table de pique-nique tapissée de graffitis indéchiffrables, tout près de la rotonde décorée. Sur la table voisine, un vieil homme fait des mots croisés, pendant que des jeunes jouent au mölkky. Je ne connais pas encore le nom de ce jeu, c’est Arnaud qui me l’apprendra tout à l’heure. « C’est vraiment l’fun », précise-t-il.

Arnaud revient de ses vacances en Gaspésie (une destination aussi inusitée en 2020 que l’Islande en 2014) où il dit avoir décroché physiquement et virtuellement.

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Arnaud Soly s’amène, s’excuse courtoisement de ses quelques minutes de retard. Il m’informe qu’il doit aller chercher son panier de légumes bio dans une heure, j’amorce donc l’entrevue avec une question choc: comment ça va? J’ai étudié en journalisme, n’essayez pas ça à la maison.

Super bien, répond-il, d’emblée.

Arnaud revient de ses vacances en Gaspésie (une destination aussi inusitée en 2020 que l’Islande en 2014) où il dit avoir décroché physiquement et virtuellement.

Il me raconte ensuite pourquoi il a senti le besoin de tirer globalement la plogue, à l’instar de plusieurs personnalités d’ailleurs. « Je me suis rendu compte que je ne l’ai pas vécu cette pandémie », lance Soly, qui ne s’est effectivement pas tourné les pouces au cours des derniers mois.

Ses shows live presque quotidiens sur Instagram, tapis rouge, jingles, capsules humoristiques et chroniques à gauche à droite ont connu un tel succès, qu’ils sont devenus un rendez-vous pandémique aussi incontournable que le point de presse de Legault pour ses milliers de fans. Arnaud Soly était déjà connu, il est devenu une star, à l’instar de Mathieu Dufour (Matt Duff), dont le nombre d’abonnés Instagram a aussi explosé grâce à ses live archipopulaires.

« Je me mettais beaucoup de pression »

Mais comme le disait avec justesse l’oncle de Spiderman, with great power comes great responsibility.

«Ton buzz dure 24h sur les réseaux sociaux. Tu deviens accroc aux likes, tu veux toujours reprendre un fix.»

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Avec jusqu’à 13 000 spectateurs en direct sur certains live (ce qui est phénoménal au Québec), une production effrénée et un bébé de quelques mois à la maison, l’élastique s’est tendu au maximum au fil des semaines. « Je me mettais beaucoup de pression », nuance ce perfectionniste, qui consacrait un temps fou à lire les commentaires et répondre aux nombreux messages reçus (entre 100 et 1000) à chaque live. « Je focussais sur le négatif. Des gens m’écrivaient : me semble que t’étais plus drôle la semaine passée », raconte Soly, qui a alors pris la décision, à la mi-mai, de suspendre ses performances pour se ménager un peu. « Ton buzz dure 24h sur les réseaux sociaux. Tu deviens accroc aux likes, tu veux toujours reprendre un fix », illustre le jeune homme, alors qu’une odeur de weed flotte au-dessus de notre table à pique-nique.

Quand ton parc porte un nom de bière, c’est probablement normal.

C’est finalement la publication d’une capsule humoristique de 50 secondes sur les anti-masques (qui a généré quelque 10 000 commentaires et 90 000 partages) qui précipitera sa pause des réseaux sociaux. « Ça, ça été violent », admet sans détour Arnaud, au sujet de la vidéo virale qui a enflammé le web et ses DM. « J’avais le feeling que j’allais me faire ramasser un peu, mais j’étais pas prêt à ça. Les messages haineux entraient à chaque minute dans ma boîte et étaient partagés dans des groupes. J’étais devenu le symbole promasque alors que c’était zéro mon combat. »

«Si j’apprenais que mon adresse sortait, je capoterais! J’ai une blonde, un bébé.»

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Au contraire même. L’humoriste avoue avoir spontanément un tempérament un brin complotiste, se caractérisant par une méfiance naturelle envers le pouvoir et non par des délires conspirationnistes extrêmes. « Mais le discours anti-masque est dangereux, très antiscientifique, ce que je n’aime pas », enchaîne Arnaud pour justifier sa vidéo mettant en scène un redneck survolté promasque se filmant dans son char, un de ses personnages fétiches. « Je l’ai utilisé dans une douzaine de capsules. Sur les Canadiens, le quinoa, le réchauffement climatique », souligne Arnaud, qui avoue avoir été effrayé par quelques messages haineux reçus. « Si j’apprenais que mon adresse sortait, je capoterais! J’ai une blonde, un bébé », ajoute l’humoriste, qui préfère se tenir à distance de la polémique. Il préserve aussi jalousement sa vie privée et ne l’étale que très rarement sur la place publique.

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The dark side of the web

Si notre flûtiste nasal national s’est mis publiquement au monde grâce au web, cette expérience lui aura permis d’explorer le côté sombre de la force.

«J’y ai déjà consacré jusqu’à 22 heures en une semaine. Ça m’a fait réfléchir au niveau de ma consommation personnelle. J’allais aux toilettes avec mon téléphone.»

Il promet d’ailleurs de retirer quelque chose de ce pas de recul au lieu de revenir à la case départ. « Ça m’a fait du bien. J’arrête pas de me dire que je ne lis pas assez, que je ne fais pas assez de sport. Combien de temps on passe sur les réseaux sociaux? », demande Arnaud, qui connaît très bien la réponse. « J’y ai déjà consacré jusqu’à 22 heures en une semaine. Ça m’a fait réfléchir au niveau de ma consommation personnelle. J’allais aux toilettes avec mon téléphone. Quand j’ai fermé mes applications, je le sortais encore par réflexe, mais je faisais des refresh sur mon Gmail », badine-t-il.

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Bref, le web a beau être indissociable de sa vie professionnelle, nul besoin d’y passer sa vie. « Ma job c’est de mettre quelque chose en ligne, pas de tout commenter et regarder des stories pendant trois heures. »

Pour se changer les idées, Arnaud s’est même mis au jogging, mais rassurez-vous, il s’engage solennellement à ne jamais publier ses temps sur les réseaux sociaux. « Ils sont trop poches de toute façon. »

S’il se sent émotionnellement et physiquement plus groundé après son intermède, le jeune trentenaire atteste que le sevrage est bien réel. Il s’exprime avec lucidité sur la sécrétion d’endorphine qu’entraînent les like sur les réseaux sociaux. « À l’échelle de milliers et de milliers, ça peut devenir une drogue. C’est très pernicieux si tu commences à créer des oeuvres en tombant dans le taux de viralité. Ça peut tuer la créativité », confie-t-il avec franchise.

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Pour l’heure, Arnaud espère réduire sa consommation, mais aussi être moins affecté par les messages haineux à son endroit. Juste ça, c’est pas évident. « Difficile de ne pas le prendre personnel quand c’est personnel », résume-t-il.

En plus de sa vidéo sur le masque qui a attiré les foudres, Arnaud Soly ne cache pas avoir aussi été ébranlé par le climat acrimonieux ambiant, en marge du Black Lives Matter et du mouvement de dénonciations d’inconduites sexuelles, qui a notamment secoué son milieu. « Ça a saturé mon rapport au web. Chaque fois que j’allais sur Internet, j’étais triste. »

«Les réseaux sociaux sont des chambres d’écho. L’algorithme en soi alimente les divisions, les publications plus polarisantes sont plus populaires.»

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Quant à la couverture médiatique démesurée entourant sa pause des réseaux sociaux, Arnaud Soly admet en avoir été le premier surpris. « Monde de stars, ok, mais Le Devoir, La Presse…», s’étonne encore celui qui a d’ailleurs hésité avant de faire un statement annonçant son break. « Les réseaux sociaux sont des chambres d’écho. L’algorithme en soi alimente les divisions, les publications plus polarisantes sont plus populaires. J’étais tellement présent que j’ai senti le besoin de dire pourquoi », confesse l’humoriste, qui songe à la blague à en faire une tradition. « Le mois sans alcool deviendra-t-il le mois sans réseau? »

L’idée est lancée. C’est pas fou à bien y penser. Ça pourrait avoir lieu en octobre, après l’orgie de photos de la rentrée et de sorties familiales aux pommes.

On tient quelque chose.

Reste à voir encore si son retour sera aussi médiatisé que son départ.

Le dur constat de n’avoir rien raté

Le plus triste, c’est qu’Arnaud Soly réalise n’avoir rien raté pantoute durant sa pause. Un lourd constat pour quelqu’un qui fréquente les réseaux sociaux depuis l’époque où André Boisclair était chef du PQ. « J’ai toujours parlé du bon des réseaux sociaux, de l’importance d’être connecté, etc. Je constate qu’on ne questionne jamais ça », reconnaît Soly, introspectif.

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Mais bon, la vie virtuelle a repris doucement, avec quelques souvenirs de vacances. Près de 300 messages de bienvenues se sont aussitôt empilés sous la publication. « Welcome back au plus comique des comiques! », a commenté une Marie-Hélène. « Bon de te revoir….fais fi des commentaires de marde man », a ajouté un Mathieu.

S’il est encore tranquille sur les RS, Arnaud Soly sera toutefois occupé dans la vraie de vraie vie. Son premier one man show a été reporté mais des dates sont toujours à l’horaire cet automne. Il animera aussi pour la première fois l’avant-première des 35e prix Gémeaux le 20 septembre, en plus de reprendre son micro avec Véronique et les fantastiques.

«J’ai toujours été fasciné par l’humour mais je pensais jamais en faire une job », confesse celui qui en vit depuis quelques années déjà.»

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Pour le reste, il continuera certainement à nous divertir avec son personnage de la fée des dents ou ses medleys avec des noms de fromage. Il souhaite sinon vivre de sa création, le plus longtemps possible. En humour, mais pourquoi pas en musique (il aimerait sortir un album) ou en arts visuels (il est détenteur d’un bacc. en fine arts à l’Université Concordia). « J’ai toujours été fasciné par l’humour mais je pensais jamais en faire une job », confesse celui qui en vit depuis quelques années déjà.

L’heure s’achève, son panier de légumes bio l’attend un peu plus loin dans le parc.

Avant de s’y rendre, Arnaud Soly se prête gentiment à une séance de photos boboches prises avec mon cell (preuves ci-haut). Il m’apprend même l’existence de la fonction «live» pour les photos en mouvement.

On lui souhaite donc un retour virtuel, loin des polémiques et des commentaires haineux, mais quand même présents dans nos threads Facebook et Instagram.