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On assiste ces jours-ci à un véritable boom de protestations à travers le monde pour sauver le climat. Répondant à l’appel de Greta Thunberg, les étudiants se sont mobilisés et depuis le 15 février, ils sont des centaines de jeunes à manifester à Montréal tous les vendredis lors des marches organisées par le collectif Pour le futur. Vendredi avait lieu la dernière marche de l’année scolaire 2018-2019.
Dans le militantisme, il arrive parfois que la faim justifie les moyens. Depuis février, François Léger Boyer d’Extinction Rébellion Québec organise des formations à la désobéissance civile et à la lutte non-violente. Avec ces ateliers gratuits, l’ancien de Greenpeace souhaite donner les informations nécessaires aux citoyens qui veulent se lancer dans la désobéissance civile, ainsi que leur faire prendre conscience des risques que cela peut comporter.
Pour commencer, c’est quoi la désobéissance civile?
La désobéissance civile c’est 2 mots : désobéissance et civile. Le mot civil est important, parce que c’est désobéir avec du civisme. Il y a plusieurs aspects à la désobéissance civile : la première chose, c’est qu’il faut que ce soit volontaire. Dans le fond tu ne peux pas être payé à faire de la désobéissance civile ou alors ça perd tout son sens. La désobéissance civile doit aussi être un acte public et transparent. On ne peut pas désobéir en privé. Et quand tu fais de la désobéissance civile, tu ne le fais pas pour tes intérêts individuels. C’est pour une morale supérieure, des intérêts collectifs et des intérêts communs.
Est-ce que c’est automatiquement illégal la désobéissance civile?
Il y a plusieurs manières de désobéir. Dans l’histoire, il y a souvent eu des lois injustes. Par exemple, les femmes ou les noirs ne pouvaient pas voter. Alors des fois, la désobéissance civile, c’est de désobéir à des lois injustes. Tu peux aussi utiliser la désobéissance civile comme un moyen de pression dans une lutte non violente. Quand tu arrives à un point où tu as tout essayé et la lutte n’avance pas, à ce moment-là tu vas désobéir aux lois en place.
Est-ce que tu peux me donner des exemples de résistance non violente?
Il y a plein d’actions directes de lutte non violente. Signer une pétition, ça peut être considéré comme une action de lutte non violente. Mais une action non violente, ça peut aussi être s’attacher aux portes du premier ministre. Le répertoire d’actions est vaste. Manifester ou décider de ne pas aller à ses cours pour descendre dans la rue comme les jeunes font, c’est aussi action non violente.
Je pense que ce qui est important quand tu essayes de pousser ta cause dans la lutte non violente, c’est d’utiliser sa créativité. On utilise souvent les manifestations comme outil de revendication, mais il y a tout un éventail d’actions qu’il est possible de poser. Surtout avec l’art.
Qu’est-ce que je vais apprendre si je viens à un de vos ateliers?
Dans nos ateliers de désobéissance civile, on parle des concepts de la lutte non violente, de l’histoire de la désobéissance civile, de ce qu’est une stratégie de lutte non violente et de l’aspect juridique. C’est important que les gens comprennent les sacrifices que ça peut demander et les risques que tu prends quand tu fais de la désobéissance civile. Alors on aborde aussi la manière dont le système juridique fonctionne au Québec et au Canada, la possibilité de se faire arrêter ou d’être détenu dans une cellule. Après ça, on explore différents scénarios, les peines possibles liées à différentes accusations et on essaye de passer à travers les accusations les plus fréquentes dans la désobéissance civile.
L’objectif, c’est que les gens puissent connaître leurs droits parce que malheureusement, ce n’est pas quelque chose qu’on apprend à l’école à moins d’étudier en droit. C’est pour que les gens sachent aussi qu’il y a une manière de se défendre en justice.
J’ai fait de la désobéissance civile dans le passé, je parle de mon expérience, mais on répond surtout à des questions. On a souvent un avocat ou une avocate avec nous. On souhaite aider les gens pour qu’ils fassent un choix par la suite. Le but de cette formation-là, ce n’est pas juste que les gens fassent de la désobéissance civile, c’est qu’ils savent s’ils veulent en faire ou pas en étant conscients des risques.
Qui sont les gens qui participent à vos ateliers?
Je te dirais qu’on a des gens de tous âges et des gens de toutes origines aussi. Il y a des jeunes étudiants de niveau universitaire et on a aussi beaucoup de retraités qui s’inquiètent pour les générations futures, puis qui décident de poser des actions pour essayer de laisser une belle planète à leurs petits enfants.
Et ça ressemble à quoi l’ambiance dans ce genre de formation?
C’est vraiment une belle ambiance et c’est dynamique. On est dans une démarche participative, en cercle, et les gens peuvent toujours lever la main pour poser une question. On fait également des exercices pour savoir, par exemple, comment réagir avec son corps quand on se fait arrêter par la police. On fait même une simulation de désobéissance civile à la fin. Je joue le rôle du policier avec mon ami Philippe, l’autre formateur, et on arrête les participants en utilisant la force, sans faire mal là, on s’entend, mais ça donne une idée aux gens de comment ça se passe quand on se fait arrêter. On a aussi une formation média et une formation juridique.
Quel conseil aurais-tu à donner à quelqu’un qui veut se lancer dans la désobéissance civile?
Faire une action de désobéissance civile, ça prend beaucoup de temps et d’énergie. Ça peut entraîner des charges criminelles, alors il faut être prêt à prendre ces risques-là. C’est une forme de sacrifice. Mais moi je dirais à ses gens-là : quand on est rendus au point où les gouvernements n’agissent plus sur l’urgence climatique, je pense qu’il est temps de désobéir.
C’est quoi le cliché le plus fréquent que tu entends sur la désobéissance civile?
Il y en a plusieurs, mais je dirais que quand j’ai eu mon entrevue avec Jonathan Trudeau à la radio, il disait que la désobéissance civile, ne peut pas fonctionner parce qu’on est dans une démocratie et qu’en démocratie, la population [la majorité] doit décider de ce qu’on fait. Mais en même temps, si on avait toujours fait comme ça, la communauté noire ne pourrait toujours pas voter, l’Inde ne serait pas indépendante, etc. Je pense que la démocratie est importante, mais la désobéissance civile est un aspect important pour faire progresser et pousser la volonté politique.
C’est quoi ta position sur la lutte violente?
Dans une lutte pour l’urgence climatique je pense que ce serait une erreur d’utiliser la violence. Si on regarde la lutte étudiante en 2012, il y a eu des gestes qui ont été considérés violents, et par la suite dans les médias, on ne parlait plus d’éducation et de frais de scolarité. On ne parlait que de la violence. Donc le débat s’est perdu dans et s’est résumé à « est-ce que la violence devient légitime ou non? » Je pense que c’est une mauvaise idée de faire de la résistance violente dans cette lutte-là. Stratégiquement, ça ne va pas nous aider.