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Âmes sensibles s’abstenir, les vampires sont rendus wokes

L’heure est grave, mes amis sanguins : notre nourriture se révolte!

Par
Alice Lemay
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URBANIA et le film Vampire humaniste cherche suicidaire consentant s’unissent (avec humour) pour vous donner envie d’aller voir ce film… sang plus tarder!

Non, vous ne rêvez pas : la bien-pensance a franchi les frontières de notre si beau monde vampirique… En 43 années de vampirisme, je ne pensais honnêtement jamais voir ça…

Adieu, donc, les chasses nocturnes trépidantes au cours desquelles un malheureux étudiant français finissait inévitablement plaqué contre la vitre d’un A&W du Plateau, une paire de crocs plantée dans son petit cou si tendre. Sayonara, le temps glorieux où vous pouviez faire jalouser un camp vampirique ennemi grâce à votre stock d’hémoglobine pure tout droit importé de Transylvanie (bon, c’était souvent faux : ça venait de Chicoutimi).

Désormais, même les victimes de nos crocs pointus sont consentantes. Oui, ça aussi, vous l’avez bien lu. Et bientôt, vous allez même pouvoir le voir à l’écran puisque le nouveau film d’Ariane Louis-Seize, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, sort le 13 octobre.

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Si vous faites partie des plus puristes (comme moi, je ne m’en cache pas), attendez-vous à frémir dans votre cercueil en visionnant ce film, car il y est question d’une jeune vampire, Sasha, dont l’empathie pour l’espèce humaine… l’empêche de mordre qui que ce soit! Insolite. Fort heureusement, ses parents réagissent comme tous les bons parents sanguins et raisonnables réagiraient dans une telle situation de crise : ils la mettent à la porte. Mais elle doit avoir une bonne étoile (un des avantages à vivre la nuit, sans doute), car elle rencontrera sur sa route un certain Paul, qui décidera de mettre à profit ses pulsions de mort en lui offrant volontairement sa vie, et donc son sang.

Bon, il y a au moins ici un souci de recyclage, donc toutes nos bonnes valeurs vampiriques ne sont pas perdues. Comme les fidèles lecteurs qui me suivent d’une brillante chronique à l’autre le savent, je suis une fervente avocate de la récupération sanguine. Pour moi, ne boire qu’à moitié le sang de sa victime et laisser sa carcasse mourante gésir derrière, c’est juste un énorme gâchis. Sans compter que les vélos peuvent ensuite trébucher dessus, une fois le soleil levé, et lorsque des accidents surviennent sur la piste cyclable, qui est-ce qu’on accuse instantanément? Les vampires, bien sûr. Comme toujours.

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Alors si ce film parvient à promouvoir une meilleure étiquette culinaire en montrant l’échange de bons procédés entre créatures nocturnes et personnes suicidaires, c’est déjà une chose merveilleuse!

Mais revenons à nos chauves-souris : la bien-pensance, aka cette nouvelle mode au sein de la sphère vampirique. On va encore dire que je suis alarmiste, que je vois de l’obscurité partout et pas juste dans mon cercueil, mais le monde sanguin change sous nos yeux! Il n’est plus ce qu’il était! Et lorsque le reste de notre communauté se réveillera pour me donner enfin raison, j’ai bien peur qu’il soit trop tard…

On ne peut déjà plus porter ce que l’on veut. L’autre nuit, par exemple, je me promenais avec une cape en cuir d’un très beau modèle, achetée chez Canada Blood et qui me donnait beaucoup de… comment dit-on, déjà? Ah oui : swag. J’avoue ne pas bien saisir ce que ce mot signifie : j’ai vidé le sang de l’humain avant qu’il finisse son explication.

Mais je digresse.

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Je me promenais donc dans la rue avec ma jolie petite cape toute neuve lorsque je me suis fait interpeller par un groupe de vampires activistes qui semblaient outrés que je porte du cuir. Ils ont même voulu que j’enlève ma cape sur-le-champ. Les malheureux n’ont même pas reconnu qu’il s’agissait d’une exacte réplique de la célèbre cape du comte Dracula, qui pourtant figure dans tous nos livres d’école! Voyez comme il n’y a plus de respect pour notre histoire! Pour nos traditions! Ni pour ma cape : ils ont laissé d’ignobles traces de doigts dessus en tentant de me l’ôter de force.

On ne peut plus rien dire non plus, apparemment. Vous ai-je déjà raconté cette nuit de chasse au cours de laquelle je n’ai pas pu me nourrir parce que j’avais accidentellement appelé ma victime « Monsieur » alors qu’il s’agissait d’une femme? Pour ma défense, il était 3 h du matin, la lumière de la lune n’était pas si forte et j’avais oublié de mettre mes lentilles juste avant de quitter mon manoir. Peut-on donc réellement me blâmer? Mais apparemment, il faut maintenant demander le pronom des personnes dont on s’apprête à boire l’entièreté de l’hémoglobine, comme une sorte de dernier moment de dignité précédant leur mort certaine.

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Traiter la nourriture avec respect? Miséricorde. C’est du jamais vu!

On ne peut plus leur faire peur non plus! Le mois dernier, par exemple, j’ai surgi d’une allée sombre pour prendre mon futur repas par surprise – le sang est bien meilleur lorsqu’il bouillonne de terreur –, eh bien, l’humain en question a fait un AVC! Pire : lorsqu’il s’en est remis, il a porté plainte et, croyez-le ou non, je dois à présent payer une amende. Une amende! Alors que je tentais simplement d’assassiner un humain de la façon la plus angoissante qui soit!

Je suis la victime, dans cette histoire. Je suis la minorité opprimée.

Sans arrêt, on me rabâche que je dois vivre avec mon temps. Mais si vivre avec son temps signifie se déplacer en chauve-souris électrique pour améliorer son empreinte carbone, avaler chaque jour des microdoses d’ail en capsules et chercher des donneurs consentants sur Kijiji, laissez-moi dans l’ancien monde, merci bien.

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Cela dit, je vais aller voir Vampire humaniste cherche suicidaire consentant dès qu’il sortira en salle. Pourquoi avez-vous l’air si surpris? C’était une chronique satirique, après tout!

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