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Alpha Wann a sorti l’album de rap francophone de l’année

Le champion de l'underground français est enfin célébré à sa juste valeur.

Par
Simon Tousignant
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J’ai découvert Alpha Wann il y a environ huit ans, grâce à sa participation aux Rap Contenders (l’équivalent français des Word Up! Battles) et sa présence au sein du crew L’Entourage. Déjà, à l’époque, je trouvais qu’il avait une plume de fou, qui n’était égalée que par les approximations de son flow. Puis, avec les années, il est devenu « un (sic) bête de rappeur », comme il l’a affirmé en entrevue avec le média français Yard. Statut qu’il confirme avec UMLA (Une Main Lave l’Autre), son premier album solo.

Déjà, lors de la sortie de sa mixtape Alph Lauren 3 il y a quelques mois, on pouvait sentir que le rappeur du 14e arrondissement de Paris était sur quelque chose d’autre. La chanson Louvre, particulièrement, laissait présager que le fondateur du label Don Dada Records avait franchi un nouveau palier.

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Sur le trône de la francophonie

Qu’on se le dise tout de suite, UMLA est pour moi le meilleur album de rap francophone sorti à date cette année. Alpha Wann — son vrai nom — nous amène enfin dans son univers bien à lui à coup de confessions intimes, alors qu’on le connaissait plutôt comme un rappeur à punchlines dont les textes portaient souvent vers l’égotrip. Sur la pièce titre, il nous parle de la fin d’une relation dont il dresse le bilan : « T’as laissé ta trace dans ma vie en m’enlevant l’âme/J’suis avec une autre, mais je pense encore à toi pendant l’acte ». Touchant.

En fait, c’est vraiment le moment de maturité pour le Phaal. On sent qu’il maîtrise parfaitement son sujet, que son statut de « rappeur préféré des rappeurs » est peut-être en train de se transformer en « fou rappeur à la plume affûtée et au flow innovateur que tous peuvent apprécier ».

Y a une chose qui vient particulièrement me chercher : Alpha Wann combine parfaitement mes deux passions, le rap et le football (soccer), pour confectionner des punchlines sportives qui séduiront les connaisseurs. Par exemple : « Je fais taire le milieu comme un jeune Ronaldo à l’Inter de Milan (le vrai Ronaldo) » dans la pièce Flamme Olympique. Parce qu’on sait tous que le vrai Ronaldo, c’est le Brésilien, et le jeu de mots avec « fais taire le milieu » est juste incroyable.

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La lucidité du rappeur parisien est bien mise de l’avant à travers l’album, mais jamais autant que sur la chanson Le piège. C’est avec un long verse de trois minutes et demi qu’il ouvre UMLA, où il délivre ses meilleures punchlines de l’album :

« Dis à la France que tout se paye, ce pays est en stagnation

Ici, c’est racisme et vente d’armes, des clodos à chaque station

Tu l’appelles Mère Patrie, j’l’appelle Dame Nation »

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La ligne est tellement folle que même dans la chanson, Alpha Wann arrête de rapper pour laisser place à ses homies qui poussent des cris de stupéfaction. Au final, on se rend compte que dans chaque chanson, il y a des bars du genre qui font à la fois réfléchir en donnant envie de pitcher sa soupe contre un mur tellement c’est dope. On notera notamment les morceaux Stupéfiant et noir, Cascade remix, 1500 et Langage crypté pour la qualité suprême des paroles.

Pendant ce temps, derrière les verses…

Sauf qu’un album, c’est aussi la musique, les beats, et c’est là que UMLA prend vraiment tout son sens. L’équipe de production autour d’Alpha Wann, composée de Hologram Lo’, VM the Don et Diabi (joints sur l’album par AAyhasis, JayJay, LamaOnTheBeat et Seezy), a su trouver l’équilibre entre des instrus qui appuient parfaitement les lyrics lourdes du Phaal Philly Flingo, tout en étant capables d’exister, de se démarquer par leur pertinence dans la constance musicale de l’album. L’ambiance est dark, intense, mais sans être étouffante.

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Avec un peu de recul, je me rends compte que je ne m’étais pas senti comme je me suis senti à l’écoute d’UMLA depuis Temps Mort de Booba. Ces albums se ressemblent beaucoup, finalement, de par leur innovation au niveau des flows, et leurs punchlines de haut niveau. À la différence que Booba était en début de carrière, et qu’il a fini par se battre avec un autre rappeur dans un aéroport tellement il a plongé dans l’insignifiance. Pendant ce temps Alpha Wann, lui, affûte ses skills depuis dix ans maintenant, et est au sommet de son art, en toute maîtrise.

Le rap francophone est bien en vie, et UMLA pourrait être l’album qui met les puristes et le grand public d’accord.