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Album en primeur : Un rêve éveillé dans l’univers d’Anachnid

La jeune araignée présente « Dreamweaver », premier album qui mélange électro, soul et musique autochtone.

Par
Estelle Grignon
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La première fois que j’ai écouté Dreamweaver, premier album de l’artiste autochtone montréalaise Anachnid, je le faisais entre mes snoozes. Avec un cadran programmé pour sonner aux quinze minutes, je rentrais et sortais du monde des rêves avec le projet en trame de fond, entrant chaque quart d’heure dans mon subconscient.

Dreamweaver, ça signifie quelqu’un qui tisse des rêves, m’explique Anachnid, Anna-Khesic Kway Harper de son nom complet, deux semaines avant la sortie officielle de son album, prévue le 29 février, et que vous pouvez écouter en primeur à la toute fin de cet article !

« Quand on weave, c’est quand on fait des tapis, des tapisseries. Et les araignées, elles font du weaving. Je suis sûre que les humains se sont inspirés des araignées pour faire de belles tapisseries. Moi, au lieu de faire des tapisseries, j’ai décidé de tisser ma propre toile à travers des sons. »

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Rêver à huit pattes

Si ce n’était pas déjà clair avec son nom, Anachnid n’a pas juste un lien particulier avec l’araignée : c’est carrément son animal totem. « C’est un être très délicat, mais qui a beaucoup de talent artistique. Et qui est capable de survivre avec sa vulnérabilité et son art. C’est très léger une toile d’araignée : c’est ce que tu ressens avec mon album. Les toiles sont circulaires, et ça représente les capteurs de rêves. »

« Les capteurs de rêves, c’est censé protéger les jeunes enfants des insectes : la grand-mère araignée protège les enfants des insectes et des mauvais esprits. »

Le monde des rêves occupe une place importante sur l’album Dreamweaver. Le projet mélange trap, R&B et dream pop à des ambiances et des chants typiquement autochtones et des sons de la nature. Le résultat est souvent aérien, et donne l’impression d’un rêve éveillé. C’est un résultat tout naturel pour Anachnid, qui a cette capacité de contrôler ses rêves.

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« Je pense que le monde du rêve, c’est une plateforme, comme Google, où tu peux avoir accès à de l’information en avance, ou en même temps, ou dans le passé. Et quand tu as une belle connexion avec quelqu’un, tu es capable d’avoir accès à ça. » Elle a appris, avec le temps, à rêver à des gens importants de son entourage, à sauter, puis voler. On raconte même que, parfois, elle est capable de composer des chansons dans son sommeil.

Vraiment ?

« Ouais, pis je l’enregistre à moitié réveillée et après, je continue à dormir »

Anachnid m’explique d’ailleurs que c’est comme ça qu’elle a pondu Summer Hunting, huitième pièce de son nouvel album. À moitié réveillée, les sons se sont révélés à elle. Les « ah » rythmiques en arrière-plan, le rythme de batterie synthétique, les mélodies, tout lui vient en pleine nuit. « Et après j’ai été voir mon producteur et je lui dis do this! Do this! Donc on a quand même fait la toune en deux ou trois heures max. »

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Hey Ya/Hallelujah

Le résultat est une vision unique de la nouvelle scène R&B, très électronique et éclectique, que l’on peut retrouver chez des artistes allant de FKA twigs à Kelela. Comme les meilleurs artistes de cette scène, Anachnid a une diète riche et variée en musique depuis qu’elle est toute jeune.

« Lhasa de Sela, Norah Jones, Sade, Leonard Cohen… Après, j’écoutais Sean Paul, Ciara, OutKast, quand même beaucoup de variété, Feist. Ma mère écoutait un petit peu de tout aussi. Elle avait des amis de all walks of life, ils se passaient des CD. Il y a aussi Buena Vista Social Club… Et à Montréal, j’ai découvert plus le house. »

Surprise de sa réponse, je lui demande s’il y avait quand même aussi de la musique autochtone dans ses oreilles en grandissant. « Ah ! Oui, oui, oui ! Excuse-moi. Ça fait partie de mes racines. Comme, Florent Vollant, Kashtin, David Miracle, qui fait de la flûte. » Anachnid part à rire, avant de prendre une autre bouchée de nachos.

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« Mon parrain aussi m’a appris des chants de sa communauté Mi’kmaq. Ma mère est métisse Mi’kmaq. Je réapprends ma langue à travers ma musique. Je parle pas ma langue qui est mi’kmaq et, principalement, oji-cri. Et, il y a personne qui parle vraiment oji-cri à Montréal parce que ça vient principalement de la Baie James et le Manitoba du Nord. »

Beaucoup dans le même corps

Donc en gros, qui est Anachnid ? « Anachnid, c’est quelqu’un qui a vécu à travers beaucoup de traumatismes. Je pense qu’on peut l’entendre un peu dans ses paroles. Il y a le tourment mental, être pris dans un cycle et ne pas être capable d’en sortir. À la fin, il y a une certaine renaissance avec la pièce Sky Woman, où tu reviens à tes racines. »

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« Anachnid, c’est une artiste, mais “Sky Woman”, c’est mon vrai nom en autochtone. Et Phénix, c’est mon producteur avec qui j’ai collaboré, qui est un bon ami à moi. Le phénix, c’est aussi la renaissance, le cercle. J’ai travaillé avec cet esprit-là, et avec l’araignée. Ça dégage de la guérison, mais aussi de la douleur. Il y a un équilibre. »

C’est qu’Anachnid, ce n’est qu’une des facettes de celle qui est assise devant moi. « Moi, j’ai appris à catégoriser mes personnalités dans des boîtes. Ça m’aide à fonctionner dans le monde. »

Parmi les autres chansons de l’album, se retrouve également Windigo, qui met en scène un esprit du même nom en opposition avec Wesakechak, un escroc filou très présent dans la culture crie avec qui elle s’entend bien.

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« Il a de la noirceur et de la lumière, mais c’est pas une malice où ça blesse les gens, comme la société consommatrice peut le faire. Et Windigo, c’est vraiment basé sur la maladie de la consommation où rien n’est jamais assez. On est triste parce qu’on a toujours faim, que ce soit pour de la bouffe, de la drogue, peu importe son vice. Je voulais vraiment mettre Windigo avec Wesakechak à la lumière. »

Créature à huit yeux

Les 28 et 29 février, Anachnid se présentera sur scène à la maison du MAI, tout juste hors du Quartier des spectacles. Ce sera l’occasion, prévoit-elle, d’y rencontrer ses multiples facettes. « Si tu viens au spectacle, il y a le côté très doux d’Anachnid. Ensuite, c’est Windigo, mon côté masculin. Je n’ai pas découvert toutes mes personnalités, mais Kiki c’est comme l’animatrice qui niaise. Ensuite il y a Aurora, qui est capable de download l’information, et d’entrer dans le monde du rêve. » Elle m’indique que pour notre discussion, c’est Carmen, « la businesswoman, communicatrice, qui organise toutes les paperasses » qui est là, en m’assurant qu’elle est vraiment contente d’être sur place pour l’entrevue.

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Je n’en doute pas. Malgré tous les esprits qui se bousculent dans son corps, l’impression qui me reste est celle d’une femme très authentique, présente, et connectée.

La musique d’Anachnid a ce don de sonner comme si elle venait de l’au-delà, d’un univers spirituel voisin au nôtre. Mais Dreamweaver résonne si fort grâce aux fragments de réalité que l’on perçoit entre les nuages. C’est parce qu’il y a Anna-Khesic Kway Harper derrière le tout. Et cette Anna-Khesic, elle est aussi intéressante que toutes ses personnalités.

Écoutez en primeur Dreamweaver d’Anachnid ici :

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