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Alaclair Ensemble : Les gars sont là, ‘nerve toi pas

Le groupe bas-canadiens confirme sa place sur le trône du rap québécois.

Par
Hugo Bastien
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Vendredi dernier, dans ma boîte courriel se trouvait le lien de téléchargement que j’attendais depuis le début de l’été : un url me dirigeant vers le nouvel album d’Alaclair Ensemble. Bénissant le ciel et mon emploi, j’ai téléchargé le nouvel opus en tentant de garder mon calme.

Arrivé chez moi, un petit Pineapple Express au bec, j’ai branché mon téléphone dans mes haut-parleurs puis pesé sur play.

Pendant que la fumée emplissait mes poumons, les cordes qui ouvrent l’album prenaient le contrôle de mon triste 4 et demi aux planchers sales depuis juillet.

« Je réalise que, le mumble rap est définitivement arrivé au Québec. Y a des rappeurs francophones, qui gagnent des Félix, qui font clairement du mumble rap. Pourquoi c’est clairement du mumble rap, c’est que la moitié de ce qu’ils disent, on comprend rien ».

‘Nerve toi pas

C’est ainsi que s’ouvre « Le sens des paroles », le nouvel album d’une gang de mononcles qui ont bien l’intention de faire un pied de nez à cette citation d’ouverture.

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En 14 chansons, le groupe nous prouve que ce n’est parce qu’on ne comprend pas, que ça ne fait pas de sens. Et ce n’est pas parce que ça a du sens, que ça en a vraiment. En fait, c’est juste que quand tu penses que c’est ça que c’est, c’est pas nécessairement ça que c’est.

Est-ce que c’était clair? Non hein? Un peu comme Le sens de paroles, qui pour moi est l’album le plus cryptique d’Alaclair.

Le fan en moi a effectivement connu de petits moments de confusion en cours d’écoute. Beaucoup plus américanisés dans leur son, j’étais un peu déçu de reconnaître par moment des flows déjà entendus mille fois au sud de la frontière. À d’autres instants, c’étaient plutôt les paroles qui me laissaient perplexe. Rarement, mais tout de même parfois, les instrus me faisaient froncer les sourcils.

Quand même clean

Cela étant dit, malgré ces quelques « paresses musicales », personne ne peut nier qu’Alaclair Ensemble sont les plus forts du rap jeu. Puisqu’entre ces microdéceptions se trouvent des bijoux de hip-hop.

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Je ne pensais pas écrire ça un jour, mais Maybe Watson est on top of his game. Normalement, c’est celui qui m’intéresse le moins dans la formation (pour son côté un peu plus humoristique qui me parle moins personnellement), mais cette fois-ci je me surprends à adorer toutes ses présences sur l’album, en particulier sur Refined moment.

Autre surprise : le retour en force de Claude Bégin. La mascotte sexy avec les plus gros abdos du rapgame est beaucoup plus présente qu’à l’habitude sur l’opus et ça fait du bien. Entre autres, notons sa performance en ouverture sur Incendie. Surfant sur sa voix cristalline, l’auditeur s’attend à une chanson mielleuse, avant que Vlooper fasse aller sa baguette magique, transformant la track en un gros criss de banger impoli.

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Bon, on ne peut pas ne pas mentionner les performances de Kenlo et Eman. Depuis le début de la formation, ils sont les deux MCs les plus constants du groupe. Le sens des paroles le confirme encore.

En fait, la performance exemplaire des autres MCs fait vraiment remarquer la quasi-absence d’Ogden AKA Robert Nelson sur l’opus, en particulier sur la deuxième partie.

Ils m’ont dit des affaires

Parlons-en de cette deuxième partie. À partir de 0 à 120 chanson solo où Kenlo rappe comme un putain de chef, le groupe prend une vitesse de croisière qui ne ralentit pas. La très chill Kikiridki, la trop real La famille, la mélodique Pied sul gaz, l’incroyable Rien qui s’donne : toutes m’ont fait voyager et m’ont fait baisser la garde.

Super hypé et à fleur de peau après cette série de beats complètement fous, 436 m’est rentré dedans comme un dix roues.

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Assis sur ma chaise dans ma cuisine, bercé par « l’origami vert dans mes voies nasales » et la douce voix de Modlee, une boule d’émotion monte tranquillement dans ma gorge.

Et pendant qu’Eman répète « Ils m’ont dit des affaires, ils m’ont dit des affaires. J’fais pus confiance à personne », une larme coule sur ma joue.

Dans ma tête, ce souvenir d’un de mes meilleurs amis qui me dit, un jour qu’il venait d’être engagé à sa job de rêve : « T’sais Hugo, moi y a des profs qui m’ont déjà dit que je finirais jamais mon secondaire. Et aujourd’hui, je gagne ma vie avec la culture. »

Une fois le silence revenu dans ma cuisine, entre deux reniflements, je me pose la question : et puis Hugo, finalement y’est-tu bon le nouvel album d’Alaclair?

Et même en repensant aux petits points faibles nommés plus haut, la réponse est là, évidente « oui, il est bon ». Est-ce que c’est leur meilleur? Non. Est-ce qu’ils ont révolutionné le genre? Non.

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Mais ils ont encore une fois renforcé leur position sur le trône du rap québécois, s’imposant non pas uniquement comme le meilleur groupe de hip-hop québécois, mais un des meilleurs sur la planète. Point.

P.S. Malgré mes yeux rouges et ma bouche sèche, je n’ai pas été berné : le beat de Quand même clean, c’est I Like It de Cardi B.