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Aïcha ou le militantisme antiraciste sur TikTok  

Lutter contre les injustices, 15 secondes à la fois.

Par
Gaétan Lebrun
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Pendant le confinement, je me suis beaucoup perdu sur l’application TikTok jusqu’à connaître presque par cœur les chorégraphies de certains challenges. Mais ces longues heures passées sur l’app n’auront pas eu qu’un effet spectaculaire sur mes skills de danse : elles m’auront aussi permis de faire la découverte d’Aïcha Bastien N’Diaye, une chorégraphe, danseuse et militante antiraciste.

Métisse. C’est d’abord comme ça qu’Aïcha se définit lorsqu’on lui pose la question sur ses origines, elle qui compose avec le riche héritage de la nation Huronne-Wendat par sa mère, avec ses racines guinéennes par son père, mais aussi avec son identité québécoise. Après tout, le Québec « c’est chez nous » dit fièrement la jeune femme à la tête rasée. À la fois libre et engagée, elle s’est longtemps impliqué dans différents clubs scolaires, sur IG ou dans le mouvement Black Lives Matter avant de se tourner vers TikTok.

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Il faut dire que la plateforme est arrivée par hasard dans sa vie. Comme plusieurs, c’est l’ennui-en-temps-de-confinement qui, en avril, l’a poussée à installer l’app « pour le fun ». Rapidement, elle a crée des vidéos dénonçant la grossophobie de certains influenceurs et d’autres où elle danse avec son père, sans tout de suite réaliser l’impact de ses créations sur ses… 127 000 followers.

Le dimanche 7 juin, lors de la manifestation Black Lives Matter de Québec, elle est finalement sortie de nos téléphones pour prendre la parole devant des milliers de personnes, après plusieurs jours difficiles pour la communauté noire.

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Puis, à la mort de George Floyd, c’est le déclic : TikTok pourrait-il être un outil contre le racisme? Pourquoi pas?! Et avec une audience comme la sienne, son message allait certainement rayonner. Elle s’est donc attelée à la tâche en multipliant les apparitions virtuelles militantes. Mais ça ne s’est pas arrêté là puisque le dimanche 7 juin, lors de la manifestation Black Lives Matter de Québec, elle est finalement sortie de nos téléphones pour prendre la parole devant des milliers de personnes, après plusieurs jours difficiles pour la communauté noire.

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Des semaines plus tard, Aïcha est toujours sur TikTok, là où elle a engagé le dialogue. Nous avons eu envie à notre tour de nous entretenir avec elle.

Dans la rue, on milite en marchant et en brandissant des pancartes. Toi tu milites contre le racisme sur TikTok, une plateforme plus connue pour ses défis chorégraphiques qui n’ont rien d’engagé…

Danser, c’est le point de départ de mes vidéos. Pour attraper le regard des gens, ça fonctionne très bien. La danse était déjà très présente sur TikTok, mais pas forcément de la bonne façon ! (rires). Ça peut aussi être un moyen de faire passer des messages, de s’exprimer. Chez les jeunes, ça leur parle beaucoup.

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Je suis consciente que d’avoir un point de vue engagé en 15 secondes ce n’est pas l’ensemble de ma pensée, mais une partie. J’essaye de ne pas y aller avec la violence ou de l’agressivité même si des fois sur le coup de l’émotion, c’est ce que j’aurais envie de faire. Mais quand on reçoit un message de cette façon, après on se braque puis il n’y a plus rien.

Quels ont été les retours sur tes vidéos ? As-tu eu des commentaires racistes ?

Quand j’ai créé mon compte, une jeune fille avait écrit un commentaire en disant « Ark une black ». Rapidement, j’ai vu que c’était le commentaire d’une petite fille qui légalement n’avait pas le droit d’avoir TikTok, elle avait 9 ans. Je me disais à quel point la société, l’éducation, l’environnement autour d’elle avait fait une mauvaise job. Si à cet âge ton réflexe, c’est de dire « Ark une black »… ça ne va pas.

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Aujourd’hui, tu as plus de 100 000 abonnés. Cela ne t’a pas donné envie d’aller plus loin, par exemple en créant une association ou un groupe de créateur de contenus engagés?

J’y pense, car à Québec ça nous manque un regroupement de leaders engagés. C’est là quelque part dans ma tête, mais on sous-estime l’impact des réseaux sociaux, leur force. La jeunesse y est tellement présente, parce qu’on vit avec nos téléphones dans nos mains. Il y a des journées où je me dis, j’arrête j’en ai marre des réseaux sociaux ça ne sert à rien. Puis en même temps, je me dis qu’il n’y a pas beaucoup de créateurs de contenus qui proposent autre chose, qui diffusent un message différent… Au Québec, il n’y a pas de comptes aussi engagés que moi. Avec le Black Lives Matter, certains influenceurs ont pris position, mais il ne faut pas que ça soit juste une mode et que ça cesse.

À l’adolescence, avais-tu des représentations de femmes noires ou autochtones autour de toi ?

Non et c’est pour cela que j’insiste pour qu’on me voie autant dans mes vidéos, que je montre mon visage aussi souvent. Quand j’avais 15 ans, j’aurais eu besoin d’un exemple positif. De quelqu’un que j’aurais pu voir puis me dire « je peux ressembler à ça, je peux m’exprimer comme ça ». C’est tellement important d’avoir plus de diversités.

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Et selon toi, quel rôle nos gouvernements ont-ils à jouer dans la lutte au racisme envers les personnes noires et autochtones ?

Il devrait commencer par admettre qu’il y a du racisme systémique, d’être capable d’admettre qu’il y en a ici chez nous et qu’on y participe. Si on ne dit pas qu’il y a un problème, c’est difficile de changer les choses et de trouver les solutions. Selon moi, ça passe par l’éducation et le dialogue.

@aichella

Stop comparing. Educate yourself. Make a change. – Audio + concept @leotreps 💡👏🏾

♬ original sound – Leo 🐸

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