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After-After-Party : Quelle musique fait danser la communauté queer jusqu’au petit matin?

Les arc-en-ciels scintillent autant le jour que la nuit.

Par
Guillaume Mansour
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Au moment d’écrire ces lignes, les premiers rayons du soleil percent, timides, sur une Montréal ennuagée. Au moment d’écrire ces lignes, la musique arrive à peine à s’arrêter pour les quelques centaines de personnes queers encore debout dans un sous-sol obscur de la ville. Au moment d’écrire ces lignes, je réalise que peut-être jamais je n’aurais dû écrire ces lignes : la communauté secrète amassée autour d’une poignée de DJs et d’un éclairage monochrome pour un événement Off-Fierté a autant besoin de sa musique que d’une discrétion sans faille.

Que des espaces interlopes deviennent des théâtres d’activités bouillonnantes pour les marginalisé.es de ce monde n’est pas nouveau. Je n’ai qu’à penser aux speakeasies apparus en pleine prohibition, berceaux du jazz des années 20 et du concept moderne de nightlife. Je pense à l’ascension fulgurante des sound systems jamaïcains dès les années 30, incubateurs du reggae, du rocksteady, du dancehall, parents assumés du hip-hop à la new-yorkaise. Mais où prend racine la version queer?

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Musique en vogue

La ball culture des années 80 a été célébrée dans un documentaire absolument crucial, Paris Is Burning (allez écouter ça!), mais ses manifestations peuvent être retracées jusque dans les années 20 et le phénomène persiste et prospère encore à ce jour. Au menu, une myriade de personnes queers, dont un bon nombre issu de groupes migrants ou racisés, réuni.e.s sous un même toit pour défier les conventions de genre, littéralement. Le voguing, l’une des danses les plus iconiques des années 90, s’est développé à même la culture du ballroom.

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Du côté musical, c’est important de souligner qu’au long de son exubérante histoire, la ball culture ne s’associe pas forcément à un genre plus qu’à un autre. Le disco et sa suite logique, le house, ont longtemps été une trame de fond qui permettait de s’émanciper tout en étant entraînante pendant les compétitions. Aujourd’hui, le R&B et le rap rayonnent sur les playlists, et des artistes comme Le1f ou Zebra Kats se font des ambassadeurs du mouvement et se réclament du nightlife.

Musique qui clash

Si je vous lance des noms comme Peaches, Fisherspooner, ou Tiga, les chances sont bonnes pour que des images éparses de vidéoclips sexués (et plutôt gais) vous viennent en tête. Beaucoup se rappelleront un acte excentrique ou deux vus à Mutek ou Osheaga dans le bon vieux temps. Une poignée de chanceux pourra se targuer d’avoir aperçu ces artistes faire leurs premiers pas lors de happenings artistiques illicites.

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À la base du mouvement electroclash, devenu semi-mainstream au début des années 2000, beaucoup de shows d’apparts disséminés à Munich et Berlin, d’after parties décadents à Paris, Toronto ou Montréal, mais aussi de performances conceptuelles improvisées dans des Starbucks de New York (no joke). Un désir de s’exprimer en dehors des normes de genre est galvanisé par le tournant du nouveau millénaire et les inquiétudes qui viennent avec. Tant qu’à vivre la fin du monde, autant la vivre en affichant ses couleurs.

Musique Muy Muy

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On est en 2019 et la fin du monde semble encore cogner à nos portes. La célébration queer s’est affinée et renouvelée maintes fois pendant les dernières décennies. La ballroom résonne dans les rassemblements organisés par le regroupement événementiel mexicain Muy Muy. Grâce au collectif venu opérer sa magie à Montréal, la nuit de vendredi à samedi a connu 8 heures de célébrations en continu à l’écart de la programmation officielle de FiertéMtl, un clash de musiques, de performances et d’identités diverses.

Au moment d’écrire ces lignes, notre Off-Pride toute montréalaise est terminée. Des Djs comme Victor Rodriguez et des performers comme Burbiculo se reposent enfin. Pour beaucoup, les drapeaux arc-en-ciel seront remisés jusqu’à l’année prochaine. Hanté.es par l’expérience multisensorielle qu’est l’after-party queer, ielles connaissent maintenant un espace et un temps qui leur appartient tout entier. La Fierté n’était qu’un prétexte, la fierté elle, n’ira jamais vraiment se coucher.

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