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Acheter des cadeaux, ça vous tente vraiment?

Entrevue avec Pierre-Yves McSween

Par
Camille Dauphinais-Pelletier
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Le mois de décembre coûte cher. Avec les cadeaux pour les neveux, les déplacements pour voir la famille, la bouteille de champagne du Nouvel An, la dinde et les canneberges, on a parfois envie d’embaucher un conseiller financier, spécialisé en noëlleries pour réussir à y voir plus clair!

Sauf que bon, ça aussi, ça coûterait de l’argent.

Démunis devant les factures qui commencent déjà à s’empiler, on a demandé au comptable, auteur et chroniqueur Pierre-Yves McSween comment faire pour budgéter nos dépenses de Noël.

Première question : se servir de sa carte de crédit pour acheter des bombes de bain Lush à sa cousine, est-ce que c’est raisonnable?

« Dans ma philosophie, le crédit sert à faire des investissements. Un cadeau, est-ce que c’est un investissement? Oui, si ça sert à conquérir le cœur de l’amour de votre vie, ou que vous l’offrez à un client qui vous amènera peut-être un contrat. Mais généralement, s’endetter pour acheter un cadeau n’est pas une bonne idée », dit-il en riant.

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Mais si on pense pouvoir rembourser notre compte de crédit après Noël, avec tout cet argent qu’on prévoit recevoir en cadeau?

Attention. Un set de vaisselle inattendu (ou autre cadeau inopportun) est si vite arrivé. « C’est une drôle de façon de penser, de financer ses cadeaux avec ce qu’on prévoit recevoir. Tant qu’à faire, c’est mieux de ne pas en donner! Ça sauve du trouble à tout le monde, ne pas faire de cadeaux. »

Les cadeaux, c’est con.

Ok alors, on comprend que s’endetter pour faire des cadeaux, c’est pas une bonne idée. Mais ne pas en faire du tout, vraiment?

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« Je vais être un peu dur, mais économiquement, donner des cadeaux, c’est l’affaire la plus conne. C’est une sous-utilisation des ressources, du gaspillage. »

Et ce, pour plusieurs raisons, explique Pierre-Yves McSween. Notamment :

  • On ne sait pas si on achète quelque chose qui plaît réellement à l’autre;
  • On doit l’acheter à un moment précis (Noël, un anniversaire), ce qui ne nous permet pas toujours de profiter des soldes;
  • Si on opte pour une carte-cadeau, ça revient à transformer le montant que l’on veut donner en « argent moins universel »;
  • Si on dépense 50 $ pour acheter un cadeau à notre frère et qu’il fait la même chose, on aurait presque assurément été plus satisfaits en prenant chacun notre 50 $ et en achetant quelque chose qui nous plaît pendant l’année.

Mais notre réputation? On ne veut pas avoir l’air du cheap de service! « C’est comme devenir végétarien : ça peut se faire par étapes. On commence un repas à la fois, ensuite on devient flexitarien, et un jour on finit par être végétarien. Pour les cadeaux, on peut faire la transition de la même façon : au départ, on fixe un budget pour tout le monde, ou encore un type de cadeau. »

Et il ne faut pas oublier que, comme le dit Tyler Durden dans Fight Club, « the things you own end up owning you ». Une phrase qui se vérifie bien avec les cadeaux de Noël…

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« Un objet, ça occupe de l’espace, et l’espace, ç’a un prix. Avec deux enfants, je peux vous dire que chaque fois qu’un objet rentre chez nous, ça prend de l’espace. Je n’ai pas une grande maison avec un sous-sol ou un garde-robe qui déborde de choses. Quand on paye pour le chauffage, l’entretien et les assurances de sa maison, on paye en partie pour avoir des choses chez nous, pour entretenir des objets… Si on suivait le manuel d’entretien de tout ce qu’on reçoit à Noël, on passerait toutes nos journées à entretenir des appareils, leurs filtres… Nettoyer des objets, ça ne peut pas être le but d’une vie. »

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Et pour les cadeaux immatériels, comme un spectacle? « Ça n’encombre pas la maison, mais encore là, l’achat n’est pas optimisé puisque la personne ne choisit pas le spectacle ou la date. »

Donner du temps, c’est pas quétaine.

Passer du temps avec des personnes qu’on aime, c’est le plus beau cadeau de Noël qu’on peut faire. Cette phrase est si souvent répétée qu’on a envie de juste la pousser de côté et d’aller « quand même acheter au moins deux ou trois petites choses à donner genre des chandelles qui sentent bon ou whatever ».

Mais on pourrait plutôt la prendre au sérieux, et se forcer pour trouver ce temps. Ne pas juste attendre que ça se présente : prendre des vacances. Planifier des activités. Fermer son téléphone quand on est avec les autres, tant qu’à faire.

La famille de Pierre-Yves McSween a pour sa part décidé d’adopter un No Gift Act (c’est une façon fort solennelle et classy de voir l’affaire, si vous voulez mon avis).

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Il y a exception pour les enfants, mais pour tout le reste du monde, pas de cadeaux. À la place, ils louent ensemble un chalet pendant une fin de semaine. « Ça nous revient à peu près au même prix, on ne met pas de cochonneries dans nos maisons, et ça prend cinq minutes faire la réservation donc on s’enlève tout le stress de décembre. On prend ce moment obligatoire une fois par année, ce qu’on ne fait jamais. C’est la meilleure décision familiale de notre vie! »

Et évidemment, ce moment peut être pris chez quelqu’un si on veut en plus se sauver le prix de location.

Cette philosophie n’empêche pas non plus les cadeaux spontanés tout au long de l’année, quand on en a les moyens et qu’on est frappés par une vraie bonne idée…

Donner « pour le plaisir »?

Dans son tout nouveau livre « En as-tu vraiment besoin? » (ouvrage d’ailleurs très populaire, chose rare dans le rayon des finances personnelles), Pierre-Yves McSween nous invite à remettre en question toutes les dépenses que l’on fait, histoire de déterminer s’il s’agit réellement d’un besoin. Une fois que tout le superflu est retranché de notre budget et qu’on a mis un peu d’argent de côté, ce qui reste peut servir à se faire plaisir, dans les postes de « non-besoins » qui nous rendent le plus heureux.

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Faire des cadeaux, est-ce que ça peut nous rendre heureux? Il y a effectivement un certain plaisir à donner. Mais en général, ce qui fait aborder à plusieurs personnes le magasinage du temps des Fêtes comme une corvée, c’est cette espèce « d’obligation sociale » de donner.

Pour un cadeau que vous aimerez sincèrement offrir, combien en donnerez-vous « par convention? » Aurez-vous de la misère à payer vos comptes en janvier et février à cause de décembre? Skipperez-vous des partys parce que vous n’avez pas les moyens d’y aller?

On est déjà à la mi-décembre; pour plusieurs d’entre nous, il est peut-être un peu tard pour changer nos plans. Par contre, ça tombe bien : on entre après dans la période des résolutions.

Si votre compte en banque vous cause des soucis, dites-vous que vous méritez de dormir tranquille la nuit. Et l’un des premiers pas vers une sérénité économique, c’est de s’affranchir de toutes les dépenses que l’on fait sans qu’elles soient vraiment nécessaires.

La paix d’esprit, c’est un beau cadeau à se faire.

Pour lire un autre texte de Camille Dauphinais-Pelletier: « Quoi faire avec les bibittes qui vivent chez vous? ».

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