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À ma grande soeur

Par
Catherine Ethier
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Oh qu’elle sera pas contente, ma grande sœur. Ce billet, elle ne l’attend pas. Elle va me maudire. Peut-être un peu, mais pas longtemps, ça je sais. Et quand elle sortira de derrière la tapisserie, elle m’agacera sur mes narines qui remuent quand je ris ou mes dents d’en bas “de sanglier”, et tout sera ok. Du moins, pour un petit moment.

On ne me connaît pas très human du billet. C’est pas exactement ma tasse de thé. Ma tasse, moi, relève plus du domaine des petits combats légitimes tels que la remise en question de l’existence des mini-maïs, ces sous-végétaux jaunasses (à ne pas confondre avec le rockeur) au goût de tristesse et de « Willy qui réussit pas à sauter par-dessus le petit gars », qu’on nous passe en fantaisie dans les bars à salade. Ça, c’est mon registre. Les rires gras. Les samarcettes. Le persil entre les palettes.

Mais aujourd’hui, j’ai envie d’offrir ce petit bout d’Internet à ma grande sœur. Celle qui ne demande jamais rien mais qui te souhaite tout. Qui préférera lancer son coat neuf dans la flaque pour ne pas que tu te souilles le cuir patin du chouclaque. Celle qui t’achète un gâteau de fête en forme de poule pour ton anniversaire parce qu’elle sait que t’as eu une année de marde. Et qui te pardonne toujours, même la centième fois que tu caches cette vieille mitaine en lapin dans son lit quand tu sais qu’il y a rien au monde qui l’écœure plus que la fourrure d’un animal mort.

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Ma grande sœur est mon antithèse.
Et c’est, je dirais, le bon grain de la figure de style. C’est l’infirmière en oncologie. Celle qui gère le malheur. Qui panse l’impossible et qui cultive l’espoir là où y’en n’a pas un char. Chaque jour. C’est aussi celle qui m’a appris comment ça marchait, une serviette sanitaire et à pas trop m’en faire avec ma moustache, à l’aube de mes 12 ans. Que le Jolen règlerait tout.

Elle avait raison.

Et en tant que petite sœur un peu à moins’quart, j’aurais donc aimé, le 19 décembre dernier, lui fournir cette bassine de Jolen pour l’âme qui aurait tout réglé (et une métaphore de meilleure qualité, aussi).
Un reset du cœur. De la vie. UNE BONNE NOUVELLE.

Mais ça marche pas de même.

Le diagnostic est (enfin) tombé. Son petit dernier, d’un lot de trois petits individus couettés et ensevelis sous l’amour et les Malibu Stacy, c’est Mathis – ou «Ti-bœuf», sobriquet bovin pour lequel il pétera un jour nos pneus de char avec ravissement. Deux ans et demi. Il ne marchera pas. Pas tout de suite. Mais probablement; on ne sait pas quand. C’est long, «on ne sait pas quand». Il parlera et mangera peut-être sans l’aide d’un tube, aussi. Dans quelques années. On se croise les doigts. Et il grandira. Un peu, mais pas beaucoup. «Il aura beaucoup de défis», nous a-t-on dit.

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Pour Noël, ma grande sœur a reçu trois mots en cadeau: syndrome de Noonan.

Un nom qui explique ce qu’on ne s’expliquait pas depuis deux ans et demi. Une maladie congénitale. Un type de nanisme. Jamais entendu parler de ça. Pourtant, on aurait dû. Paraît que c’est plus commun qu’on pense. Nanisme.

… pourquoi nous?

POURQUOI NOUS. Tu parles d’une question de Mickey Mouse. Comme si « pourquoi pas autrui », c’était mieux. Le confort du téléthon qui ne nous concerne pas, on s’en ennuie vite, je vous en passe un calepin. La performance de Joe Bocan qu’on observe en se demandant qui c’est qui peut bien habiter à Saint-Sévère, le nom de village qui vient de défiler en bas de l’écran, elle vient qu’à nous manquer sur un temps rare. Coup de douze dans la légèreté.

POURQUOI NOUS. Pourquoi pas une famille de Saint-Sévère, kein. Il s’agit là d’une question légitime, certes. Mais plus sensée dans une réplique de Sylvester Stallone en bandana à flanc de montagne que dans la vraie vie.

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Pourquoi ma sœur. Je vous garantis qu’on se la pose en boucle, la question vide.

Mais n’ayez crainte. On va bientôt être à la mode. Être résilients. C’est sûr. Mettre un peu de fond de teint sur la trace de claque qu’on a tous dans le visage.

J’ai même le front de parler au «on».
Je vous confierai que je ne suis pas à la veille de recevoir le Métrostar de la sœur la plus présente. Ou la plus pertinente, même.

Mais à part être loin de chez toi et fort maladroite dans mon verbe et mes élans de petite sœur au gâteau en poule, ce que je trouve à faire, ce que je trouve à dire devant les quelques patients qui m’auront lue jusqu’à la fin, ben torrieux, c’est de te dire que je t’aime.

Je t’aime. Et je te dédie un billet de blogue sur Urbania. Ça, ça va t’être utile dans le concret en pas pour rire, HAN? Han.

Mais dans le drôle de menuet qu’on a du mal à danser depuis ce 19 décembre, je me suis dit que ça t’apporterait baume. Pour l’instant. Pour une minute. On a trouvé le pont. Attendons que l’eau coule entsoure.

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Et si je peux te faire sourire ou mieux, rougir des freckles, eh bien bon sang de bonsoir, comme dirait Ti-cuir, ça vaut toutes les rides de bike™.

La maxi bise.

PS TENDRESSE ::
Ne te fâche pas. Il est beau, notre portrait à gros grains avec nos suits assortis. Célèbre-le quelques secondes (TU AS TOUJOURS aimé cette coupe petit page). Allez. Mitaine de pouel sous la couverte.