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À l’intérieur d’une tempête dans un verre d’eau

Par
Kim Lizotte
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Bienvenue à l’intérieur de mon verre d’eau. Promis, la semaine prochaine, la tempête devrait être passée. Ça, c’est moi, après une nuit blanche, au cœur de l’ouragan :

Tout le monde sent maintenant l’importance de nous livrer ses états d’âme sur ce qui se passe dans l’actualité, à toute heure du jour ou de la nuit, que ce soit sur la politique ou sur le mariage d’une vedette de l’heure.

Et savez-vous quoi ? J’en fais partie, de ces enfoirés. Je suis une de celles qui osent se prononcer. Au nom de quoi ? Par conviction ? Par amour de l’écriture? Pour la liberté d’expression? C’est presque touchant, sortez une boîte de kleenex quelqu’un, je suis presque aussi touchante que le journal d’Ann Frank.

Je me rends compte que je déteste les gens parce qu’ils me ramènent à ce que je déteste en moi. Je n’ai jamais eu les yeux aussi ouverts sur le fait que nous sommes tous une bande d’égocentriques et narcissiques qui sautent sur des sujets d’actualité pour s’en réjouir ou pour les démoniser. Tout ça pour défendre nos propres intérêts, pour glorifier notre petite personne, capitaliser là-dessus et avoir l’air intelligent. Avec nos bonnes intentions par-ci, et la torche au bout du bras par-là. En pressant bien fort le citron, jusqu’à ce qu’il soit si sec qu’il n’en restera rien, pas même une seule goutte de jus, même si on s’en est délecté ou s’il nous a écœuré. Du beau gros vide qu’il nous reste à la fin. Et on recommence à chercher comme des ratons laveurs dans les poubelles, à la recherche d’un autre citron à exploiter, pour encore avoir l’air brillant, objectif, sage, moralisateur.

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Pourquoi j’embarque dans cette roulette, pour courir comme une bonne petite souris pleine de bonne volonté en espérant changer de quoi !? Certainement pas pour mes intérêts personnels. Je ne suis pas plus riche, ça me stresse, ça m’angoisse, je reste la même « noname », sauf que je reçois des lettres haineuses de purs inconnus. Ça m’enlève le goût de rire, même de baiser. Mes détracteurs vont finir par avoir raison, je vais devenir frustrée sexuellement et ironiquement, ce sera à cause d’eux.

C’est paradoxal. Je vis dans un monde où tout le monde a une tribune, mais où on n’a plus le droit de rien dire. Je ne sais plus où me placer dans cette société. Je ne sais même plus à quoi je sers. Je ne sais même plus pourquoi orienter ma vie sur la réflexion et l’observation du monde dans lequel je vis. Pourquoi je fais ça ? Ça ne sert plus à rien de philosopher sur son temps. Tout le monde le fait, chaque jour, comme si c’était une obligation. Je ne suis vraiment pas si intéressante que ça. Moi qui rêvais enfant d’être Jean-Luc Mongrain…faut croire que tout le monde a eu le même rêve que moi.

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On est bombardés de chroniqueurs qui nous mitraillent sur tous les sujets du monde, qu’ils les maîtrisent ou pas. Les émissions d’opinions se multiplient et sont de plus en plus médiocres, sensationnalistes, démagogiques, inutiles. On vit dans un monde où des chroniqueurs peuvent survivre en parlant d’eux-mêmes une fois sur deux, où ils peuvent défendre leurs propres intérêts et s’acharner sur des sujets d’une banalité sans fin.

On vit dans un monde où on peut traiter la première ministre de grosse vache un mois après avoir presque vu sa cervelle exploser en pleine télé, mais un monde où on crie à l’intimidation sur des blagues méchantes sur les chanteuses pop.

On est tous là à crier à l’intimidation alors qu’on n’en connaît même pas la réelle signification. On va se prétendre choqué pour une histoire banale pour avoir bonne conscience et allez écrire sur Twitter la même soirée que Laurie d’OD est une crisse de folle, avec deux-trois LOL.

C’est n’importe quoi. Je ne me suis jamais sentie aussi inutile et sans repère dans un Québec qui hurle. Qui hurle partout pour rien et pour tout à la fois. Pour des choses graves et pour des choses banales. Regardons-nous en face et avouons-nous-le. On est incapable de se parler comme du monde. Comme des adultes. Une belle bande d’adolescents en pleine crise, qui n’ont pas commencé leur cours de philo. Émotifs en plus, incapables de différencier les opinions des faits.

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On a voulu être fin trop longtemps et on est les pires pour se chicaner. On est ridicules à voir aller et je m’inclus là-dedans, inquiétez-vous pas.

Pis là, je suis devant mon écran, en pleine nuit, et je fais exactement ce que je dénonce. Et je ne suis jamais bien payée pour ce que j’écris de toute façon. Je ne me sers même pas à moi-même. Comme disait l’autre : Beaucoup de bruit pour rien.

C’est ça que vous voulez, une société aseptisée, où les personnalités tremblent sur le siège à «Tout le monde en parle», en pesant chaque mot, en réfléchissant mille fois à chaque phrase qui sortira de leurs bouches, en se croisant les doigts sous la table qu’arrivés à la maison, ils n’auront pas une avalanche de lettres haineuses sur Twitter et Facebook !?

Et bien, on en est peut-être rendu là. Peut-être que c’est mieux comme ça. Lisette de Coaticook et Xavier d’Outremont ont le droit de crier leur indignation. Ils sont maintenant libres de le faire et même de le livrer personnellement à la personne de leur choix, tout ça publiquement.

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On se contentera tous de sourires bêtement et de ne plus servir à rien. Parce que le problème n’est pas Lisette et Xavier, mais ceux qui sont là pour entretenir leurs préoccupations inutiles. Je suis tannée d’entendre des chroniqueurs, des journalistes, des blogueurs, des pseudo-intellos bien pensants. De gauche, de droite, carré rouge, carré vert, X, Y, Z. On s’approprie des évènements et des vies, on se transforme en bourreau ou en victime, tout ça pour notre petite personne, pour qu’on nous écoute, parce qu’on nous a fort convaincu qu’on doit être entendu et important pour réussir dans la vie. Je m’écoeure moi-même.

Parce que bref, j’ai compris, que je ne sers à rien?! Parce que je ne pourrai jamais gagner. Ni contre l’ignorance, ni contre l’imbécilité, ni contre l’injuste, ni contre les énormités, ni contre les faibles, ni contre les puissants, ni contre notre petit besoin trop important de dire tout haut ce qu’on devrait penser tout bas. Shame on us. Pis oui, je le dis en anglais.

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Je suis là à ramer toute seule, à m’époumoner pour trouver un sens à tout ça, à la vie, à la raison. Je me sens toute seule en tabarnak, même si je n’ai jamais autant eu d’amis Facebook et Twitter. Arrêtez de m’ajouter, on jurerait que vous m’envoyez de la corde pour que je me pende. Oui, on est tous là, on rame, mais on rame tous pour nous-mêmes. Pour un LIKE de plus. Pour un « Re-TWEET » de plus. Pour un auditeur de plus. Pour un téléspectateur de plus. On est tous là, à la merci d’un fucking click.

Oui, il est 5 heures du matin. Oui, j’écris sur le coup de l’émotion. J’avais ri aux larmes de la lettre de Richard Martineau à son équipe des Francs-Tireurs, remplie de rage, de fautes, de majuscules et de points d’exclamation, mais ça a l’air qu’on en ça en commun, moi pis RICH, on est émotifs. Malheureusement pour moi, je ne gagne pas son salaire.

Oui, j’ai un chum démoli pour une crisse de niaiserie qui vient entacher 6 ans de travail acharné. Non, je ne suis pas capable de ne pas en parler, parce qu’une envie d’écrire, c’est plus fort que tout. Et parce que j’ai vraiment l’impression de n’avoir plus rien à perdre. Y’arrive un moment dans une vie, où on s’en crisse de son image. Pis ça fait du bien.

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Si vous saviez à quel point vous avez été nombreux, ce soir, à me démontrer que Radio X, ce n’est vraiment pas si pire que ça finalement. Que nous sommes tous comme eux, mais à des degrés différents. Ça fait mal, hein ? Ben quand ça fait mal, c’est parce que c’est vrai.