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À la rencontre de Sandro l’affûteur de couteaux

Attention à vos doigts!

Par
Hamza Abouelouafaa
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Ah la belle époque où on se pavanait avec une grosse chaîne en or qui se perdait dans la toison de nos torses. Les garçons et les filles faisaient claquer leurs bracelets clinquants, du Gucci autour de l’annulaire, du Prada autour de l’index, nos doigts étaient sertis 24 carats. Dignes héritiers des nains de la Terre du Milieu, les joailliers façonnaient l’or; créateurs de bling-bling, artisans du gold, le monde brillait un peu plus grâce à eux.

C’était cette époque glorieuse où Carmine Vecchio quittait l’Italie pour apprendre le métier ici à Montréal.

En 1982, il fonde avec son épouse Pauline, Oro Vecchio : une boutique qui se spécialise dans la réparation et la conception de bijoux sur mesure. Parmi les pierres précieuses étalées ici et là dans l’atelier, un bambin, Sandro, était promis au même métier que son père. Le bambin, devenu hombre vient de donner une nouvelle vocation à sa boutique rue Bélanger. Sandro troque le diamant pour la fripe de couteaux précieux.

Tout part d’un constat nous dit-il :

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“La joaillerie a perdu contact avec les jeunes trentenaires. Ils boudent de plus en plus ces établissements, surtout les jeunes garçons. On ne veut plus acheter un bracelet à 800$, on préfère tant qu’à ça se procurer le dernier iPhone.”

Sandro, voulant diversifier l’offre de sa boutique, décide d’explorer le monde des couteaux de luxe. Couteaux de luxe et diamant, quel bon duo! Et pourtant! Il remarque que le mode de consommation change. Les gens sont davantage portés sur des achats au prix moins exorbitant, plus responsable, plus écolo.

L’idée de récupérer de vieux couteaux de luxe pour les retaper lui perce l’esprit.

Sandro est donc parti à la chasse aux vieux couteaux tout en affûtant son art pour l’affûtage [sic]. Transition qui n’est pas inusitée pour un artisan déjà habitué au monde de la finition et de la précision. En quelques mois, à force d’essai erreur sur ces couteaux, Sandro est devenu maître dans la science d’aiguiser l’acier. Il soumet quelques pièces à sa clientèle dans sa boutique et l’effet est immédiat.

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Tous ses couteaux retapés s’envolent, que se soit des foodies avides de couteaux experts, d’étudiants de l’école de l’hôtellerie qui ont besoin d’instruments de travail, ou bien des collectionneurs, tous affluent vers sa boutique. Sa fripe de couteaux est un succès!

Au même moment, Sandro sort de son atelier un sublime couteau japonais antique pour nous montrer à quel point la plupart des affûteurs ne respectent pas l’objet. En effet, la lame nippone était trop amincie, le manche était tailladé, tout dans le maniement passé de cette lame est grossier au point où un Japonais quelque part doit se retourner dans sa tombe.

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La plupart des boutiques qui vous promettent d’aiguiser TOUS vos couteaux le font dans un esprit industriel. Sandro est dans une culture davantage axée sur le respect de l’objet, dans la précision, dans la lenteur, bref dans l’artisanat. Pour un couteau japonais, il utilisera une méthode sur pierre à eau, doucement, un geste à la fois.

Est-il un fétichiste du couteau? “Non”, me promet-il. Il est davantage attiré par la technique, le savoir, le secret des initiés, qu’à l’objet en soi. Il traitera avec le même respect un couteau Victorinox que le katana de Uma Thurman dans Kill Bill, pareil.

Son rêve, serait non pas d’acquérir le couteau des couteaux (l’épée de sauron), mais bien d’aller planter sa tente chez un couple très réputé dans la confection de couteaux en France. Couple parfait, l’homme étant un forgeron et la femme joaillière, qui combinent leur talent pour fabriquer des pièces uniques. Sandro fantasme seulement à l’idée de passer le balai dans leur atelier et d’admirer leur travail.

Humble, passionné et fort généreux, Sandro se fera un plaisir de vous accueillir dans sa boutique, il vous parlera de couteaux, de lames majestueuses, de manches en corne, de chefs japonais fous, bref des histoires qui valent leur pesant d’or.

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À force de l’écouter vanter telle ou telle lame, je n’ai qu’une envie : aiguiser tout ce que j’ai, tout. Ma fourchette, mon couteau à beurre, mes crayons, mon BBQ, mon vélo, toute!

Aiguise-moi l’âme, SANDRO!

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