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À la recherche d’enseignes enfouies dans les décombres de Montréal
Certains collectionnent des timbres, d’autres des Kinder Surprise. Matt Soar lui, c’est les enseignes commerciales -parfois gigantesques- qu’il part dénicher jusqu’aux poubelles s’il le faut.
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Depuis 2004, Matt Soar arpente Montréal à la recherche d’enseignes oubliées. Pour l’instant, il en a ramassé une vingtaine, dont 12 sont exposés au Campus Loyola de l’université Concordia, car il trouvait alors les murs bien ternes.
«J’ai appris à connaître l’histoire de ma ville d’adoption à travers ces enseignes et les histoires qu’on me raconte», explique le professeur d’origine britannique. «Il y a une mémoire derrière chaque enseigne. Les propriétaires d’affaires, les habitants de quartiers et d’autres collectionneurs me partagent les anecdotes de ces endroits.»
Cette fixation l’habite depuis l’enfance, alors qu’il partait à la chasse aux pancartes.
À son arrivée en 2003, il découvre une société «ultra-commercialisée, avec des logos et des pubs qui envahissent toute la ville, jusqu’aux écoles», se remémore cet ancien designer graphique, avec un passé en publicité. Paradoxalement, il s’aperçoit à quel point les Montréalais sont attachés aux enseignes qui ornent leur ville, pour l’histoire qu’ils recèlent.
Depuis, Matt s’est bâti une réputation. On l’appelle des quatre coins de la ville pour lui offrir les enseignes vétustes. Seulement, «on a 30 ans de retard. Quand je regarde les photos historiques des rues comme Sainte-Catherine, la plupart des affichages se sont perdus.» S’il enseigne aujourd’hui le cours Signs and Lettering au département de communication de l’université Concordia, cette fixation l’habite depuis l’enfance, alors qu’il partait à la chasse aux pancartes en écrivant à leurs propriétaires.
Matt espère encore trouver les enseignes du Forum ou du supermarché Steinberg.
Qu’ils soient peints à la main ou faits en acier inoxydable, la forme de ces enseignes témoigne d’une culture, d’une époque. Matt s’est donné comme mission d’offrir une fin heureuse à ces reliques presque jetées aux oubliettes.
Parmi les enseignes que Matt espère encore trouver: ceux issus du Forum et du supermarché Steinberg, il attend également de recevoir les néons du Saint-James United Church. «Sur Sainte-Catherine, la mode était au néon». En attendant, voici une liste de ses plus belles trouvailles.
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Aéroport de Mirabel
Les dernières acquisitions de Matt: des vestiges de l’aéroport Mirabel, fermé aux passagers en 2004 et dont le terminal des voyageurs a été détruit. Matt Soar a pu sauver deux tableaux d’affichage, à force de «beaucoup de courriels et de patience», pour en faire une exposition qui bat au rythme des panneaux issus d’un autre âge.
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Ces panneaux ressuscités -de la fameuse marque Solari- étaient exportés partout dans le monde. Leur couleur jaune moutarde rappelle à Matt ceux de l’aéroport Heathrow à Londres. «Les couleurs sont universelles. Le rouge évoque l’interdiction, le jaune est plus invitant, attire l’attention et sert à titre d’information.»
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Silver Dragon Mets Chinois
Particulièrement fier de sa dernière trouvaille, Matt redonne une seconde vie à cette enseigne à néon, anciennement accrochée à la façade d’un restaurant mythique du quartier Côte-Saint-Paul. Installée en 1956, 60 hivers auront raison d’elle.
«On l’a nettoyée, mais on ne fait pas de restauration».
Le nouveau propriétaire ouvre un autre restaurant, et lui en fait cadeau, avec en prime pas mal de rouille, mais aussi: de vieux transformateurs, des nids d’oiseaux, des pigeons morts, des câbles, des outils… compris à l’intérieur.
«On l’a nettoyée, mais on ne fait pas de restauration. C’est ce qui fait son charme», indique Matt Soar. Aujourd’hui, l’enseigne renaît dans le «Dragon Lounge», au Learning Center & Media Gallery de l’université Concordia.
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Buywell
Une ancienne charcuterie et fromagerie de la rue Saint-Catherine Ouest (à côté d’Ogilvy), mais aussi, la première chaîne de magasins en ville. La pancarte a été installée dans les années 60 ou 70 sur la vitrine de ce commerce qui a vu René Lévesque débarquer chaque vendredi accompagné de sa horde de gardes du corps. Autre fait cocasse: voyez comment le propriétaire de l’époque avait barbouillé d’un marqueur noir le mot «Since», suite à la plainte d’un inspecteur de l’Office de la langue française, dans les années 80.
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CBC
Cette enseigne trônait sur toit de l’ancien édifice de CBC/Radio-Canada, situé sur la rue Dorchester Ouest. Elle a été abandonnée en 1973 lorsque le diffuseur public a déménagé à la grande tour. C’est un ouvrier chargé de nettoyer les lieux qui a appelé Matt pour l’informer de sa découverte. Si des mots Radio-Canada ont disparu –mystère– les néons de CBC –achetés pour 5$ la lettre– fonctionnent encore.
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La Belle Province Meat Co.
Attention, on ne parle pas de la fameuse chaîne de restaurants aux patates dégoulinantes. Cette pancarte a longtemps été cachée sous une autre. En 1971, le propriétaire des lieux ferme son commerce. Ce n’est que lorsqu’il décroche sa propre enseigne qu’il découvre cette pancarte, désormais inutilisable puisque La Belle Province est une marque déposée. «C’est une sorte d’enseigne fantôme, un peu comme ces publicités qu’on découvre peintes sur les murs, après la démolition d’un édifice», ajoute Matt.
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Navarino Café
Un autre propriétaire qui a offert à Matt sa célèbre enseigne. Il y a quelques années, après l’avoir décroché pour effectuer des rénovations, il ne pouvait plus la remettre, puisque son enseigne datant de 1969 n’était plus conforme aux règlements municipaux actuels, «comme c’est souvent le cas avec les commerces.» C’était un employé qui l’avait informé de la situation.
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Warshaw
Une institution du boulevard Saint-Laurent, l’épicerie a été fondée en 1935 par un couple de juifs polonais. Le nom devait être Warsaw –pour Varsovie–, mais le peintre s’était trompé en mettant un «h» de trop.
Le supermarché a été remplacé en 2002 par un Pharmaprix sur coup de controverses, à cause de sa façade imposante, considéré comme une pollution visuelle par des habitants du quartier.
Soucieux de la valeur patrimoniale des lieux, les locaux ont vu la fermeture du Warshaw comme la fin d’une époque.
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Bens
Pendant près d’un siècle, les clients affluaient à ce restaurant du centre-ville de Montréal pour sa viande fumée, son style Art déco, et pour sa devanture des années 50. Parmi eux, de certains Frank Sinatra et Leonard Cohen.
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Imperial Boots
Une enseigne comme il ne s’en fait plus: une boîte vitrée, avec à l’intérieur une vraie botte en cuir et des ampoules. Le propriétaire, un fabricant de bottes sur mesure, immigrant de Crête, a pris sa retraite en 2016 et a fermé son atelier, après avoir eu pignon sur rue pendant des décennies.
Montréal n’a pas fini de livrer tous ses secrets, à travers de symboles qui recèlent l’histoire de ses habitants venus du monde entier. L’exposition permanente est disponible à l’édifice Communication Studies and Journalism de l’université Concordia.
Pour continuer de découvrir l’histoire des enseignes de Montréal: «Exploration de Montréal et de sa jungle typographique».