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À la dĂ©fense du sport

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Si vous ĂȘtes sur Facebook, vous avez sĂ»rement croisĂ©, quelque part dans votre newsfeed, cet immonde meme oĂč l’on voit des partisans de hockey s’époumoner devant leur Ă©quipe favorite derriĂšre un texte affirmant quelque chose qui ressemble Ă  “Si seulement les gens Ă©taient passionnĂ©s par ce qui compte vraiment”.

Je paraphrase Ă©videmment le propos, mais vous comprenez le fond de la chose. Aaah, si seulement le citoyen quĂ©bĂ©cois moyen, celui qui regarde le bulletin de nouvelles de 22 heures, celui qui fait son 9 Ă  5 entre deux sĂ©ances dĂ©plaisantes de trafic, celui qui participe Ă  la vie politique une fois aux quatre ans en cochant le nom d’un dĂ©putĂ© dont il ne connaĂźt que la face Ă  cause des pancartes Ă©lectorales collĂ©es sur les poteaux pouvait arrĂȘter de regarder le crisse de hockey Ă  la tĂ©lĂ© et s’informer un peu Ă  propos des enjeux sociaux de son Ă©poque! Aaah, si seulement le bon p’tit peuple pouvait se lever les foufounes de son sofa, lire quelques livres et manifester un peu, le QuĂ©bec se porterait tellement mieux!

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Les grĂšves Ă©tudiantes de ce printemps n’ont (malheureusement) pas levĂ©. ParallĂšlement, le Canadien de MontrĂ©al Ă©tait en sĂ©ries Ă©liminatoires. Pour plusieurs, ces deux choses s’opposent. D’un cĂŽtĂ©, l’action politique, la manifestation, la grĂšve et le dĂ©sir de transformer une sociĂ©tĂ© moribonde et tout croche. De l’autre, le spectacle, la passivitĂ©, le bouffage de hot-dogs et le buvage de biĂšre en sacrant contre Markov qui Ă©chappe encore la puck en zone dĂ©fensive. Tel deux boxeurs chacun de leur cĂŽtĂ© du ring. Tel le blanc et le noir incapables de se concilier en nuance de gris.

Revenons Ă  notre fameux meme “Si seulement les gens Ă©taient passionnĂ©s par ce qui compte vraiment”. Si l’on suit cette logique, le citoyen passionnĂ© de sport aurait tort d’adorer ainsi regarder des millionnaires pousser la puck dans l’net (ou botter un ballon dans le but, ou lancer un ballon dans la zone de touché ). Il devrait remplacer ce passe-temps par de l’implication politique, de la collecte d’information ou la lecture des livres importants.

Ce qui gosse profondĂ©ment avec ce genre de pensĂ©e est le George Bush-isme de l’opposition entre gentils et mĂ©chants : ĂȘtre dans la rue Ă  manifester (gentils) ou regarder le Canadien se faire planter par Tampa Bay (mĂ©chants). Soyons honnĂȘtes, tu peux triper sur le hockey, boire une biĂšre avec tes chums de gars ou tes chums de fille en regardant RDS et porter un chandail des Habs tout en sortant dans la rue pour manifester, t’impliquer bĂ©nĂ©volement dans l’organisation d’un parti politique ou dans ta communautĂ© et ĂȘtre un penseur de sociĂ©tĂ© capable de mobiliser et faire rĂ©flĂ©chir les gens.

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Le faire par passion

Mais au-delĂ  du partage d’un meme pour exprimer sa frustration face Ă  une certaine frange politiquement inactive de la population, il y a la notion de “passion” qui me dĂ©range profondĂ©ment. Il me semble que l’implication politique et sociale devrait bien ĂȘtre la derniĂšre chose Ă  devoir ĂȘtre faite par “passion”. Au contraire, notre tĂȘte devrait cogiter bien avant de laisser notre coeur battre au nom d’une cause de sociĂ©tĂ©.

Le mot passion est synonyme d’excĂšs et d’exagĂ©ration. Il s’agit de faire quelque chose sans se poser de question. Le faire par “passion”. Se battre pour dĂ©fendre une cause est quelque chose de rĂ©flĂ©chi, qui demande rĂ©flexion et ardeur pour tenter d’atteindre ses buts. Gueuler “SKATE TABARNAK SKATE” Ă  Lars Eller en Ă©chappĂ©e est quelque chose d’irrĂ©flĂ©chi, un peu comme un rĂ©flexe passionnĂ© causĂ© par le dĂ©sir de planter l’équipe adverse.

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Le sport permet la pure passion, tel un bateau naviguant sur le fleuve catalyseur d’émotions qu’est une bonne mise en Ă©chec d’Emelin sur un joueur des Bruins de Boston. En dĂ©mocratie, ceux qui ont une idĂ©e opposĂ©e Ă  la nĂŽtre ne devraient pas ĂȘtre nos “ennemis”. Ce sont plutĂŽt des citoyens avec lesquels nous ne sommes pas d’accord, mais avec lesquels il faut vivre et faire des compromis. La passion ne permet pas les compromis. La passion ne fait que pousser le dĂ©sir de victoire jusqu’à ce qu’on l’atteigne. En d’autres mots, la passion peut rendre aveugle. Et militer aveuglĂ©ment pour une cause est le premier pas menant vers l’excĂšs.

C’est la beautĂ© du sport que de permettre de vider ce bouillonnement Ă©motif, aprĂšs quoi la tĂȘte peut rĂ©flĂ©chir plus clairement.

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