.jpg)
À la défense du profil Facebook de Marie-Chantal Toupin
DANS UN UNIVERS NUMÉRIQUE OÙ LE TEXTE EST UNE FORME D’EXPRESSION ABONDANTE, QUELLE IMPORTANCE ACCORDE-T-ON À LA FORME D’UN MESSAGE? PORTEZ ATTENTION À MON TON… EST-CE QUE J’AI L’AIR DE PARLER COMME CLAUDE POIRIER? QU’EST-CE QUE ÇA FAIT QUE MARIE-CHANTAL TOUPIN ÉCRIVAIT AVEC DES LETTRES MAJUSCULES?
COMMENT J’POURRAIS TE DIRE? COMMENT J’POURRAIS T’ÉCRIRE?
Ok, j’arrête.
(Vous voyez, j’ai l’air plus calme maintenant.)
J’ai eu envie de me porter à la défense de Marie-Chantal Toupin; non pas parce que je suis en accord avec les propos qu’elle partage ou la manière dont elle utilise Facebook, mais parce que chaque fois que des articles de Narcity, du Journal de Montréal ou de Showbizz.net naissent sur mon fil d’actualités à son sujet, je sens de l’acharnement. Sans parler de son entrevue à Tout le Monde en Parle en 2016 où elle peine à placer un mot entre les jokes-pas-jokes de Dany, Guy A. et Fred Savard.
Le Facebook de Marie-Chantal Toupin est devenu, de toute évidence malgré la chanteuse, un phénomène d’intérêt public.
POURQUOI?
(Là, j’ai crié.)
Le texte Web lourd de sens
Internet a un slang bien à lui. Dans les commentaires ou la messagerie, on a développé un langage décontracté, qui réfère plus à l’expression parlée qu’à la grammaire Bescherelienne. On fait des fautes volontaires, par exemple pour devenir ben cute en écrivant woui au lieu de oui, ou dégager toute qu’une attitude désinvolte en remplaçant though par tho. On va même jusqu’à inventer un vocabulaire en ligne tel que LOL, ou mieux, lololololkIs! 1k!! 1 s.
L’affaire avec cette nouvelle langue, c’est qu’elle n’est pas innée pour tous les nouveaux arrivants du grand monde de Facebook. Je doute que les chums de filles de Marie-Chantal ne lui aillent donné un cours 101 après son inscription. Son cas démontre bien que ce langage-là peut créer de l’exclusion numérique.
Nous qui maitrisons depuis longtemps le jargon en ligne socialement cool, nous restons là, à observer Marie-Chantal patauger dans son apprentissage (lent) de la linguistique facebookienne, à jubiler en pensant à son prochain statut décousu qui nous rappellera à quel point nous sommes IN et qu’elle est OUT.
Non, pointer les fautes d’orthographe des gens n’élèvera pas notre rang social. Allons puiser notre estime personnelle ailleurs que dans la condescendance. La page Facebook de Marie-Chantal Toupin ne parle juste pas la même langue que le nôtre.
Contenant < Contenu
Mon problème avec le fait de s’attaquer à la forme d’un message est qu’on oublie son contenu : on regarde dans la mauvaise direction.
Oui, Marie-Chantal a tenu des propos racistes en juin 2015. Oui, c’est grave parce qu’elle atteint un large public. Oui, il faut la corriger sur ses idées.
Après tout, dénoncer du contenu discriminatoire plutôt qu’un mauvais accord de participe passé est définitivement plus important, non? En disant à Marie-Chantal que véhiculer ces idées-là contribue au racisme systémique, il y a de bonnes chances que ça fasse réaliser aux Catherines, Denises, Juliens et Lindas, qui pensaient peut-être la même chose, que non, ça se dit pas ces affaires-là.
Récemment, Marie-Chantal a publié des messages à propos d’Éric Lapointe et des difficultés qu’elle éprouve dans le showbiz. Et si on essayait de voir au-delà de la forme? Et si c’était un appel à l’aide?
Récemment, Marie-Chantal a publié des messages à propos d’Éric Lapointe et des difficultés qu’elle éprouve dans le showbiz. Et si on essayait de voir au-delà de la forme? Et si c’était un appel à l’aide? Et si plusieurs autres femmes de l’industrie de la musique se sentent pareil? Est-ce qu’on vient de leur envoyer comme message que lorsqu’elles voudront parler, c’est ben mieux d’être bien enveloppé dans un communiqué de presse sans quoi elles ne seront pas prises au sérieux?
Critiquer les lettres majuscules, la ponctuation et la syntaxe, pour moi, c’est détourner le débat.
Une femme, ça doit avoir d’la classe
Cet argument-là sera pas long. Un commentaire qui revient souvent est que Marie-Chantal parle tout croche, qu’elle n’a pas de classe et que tant qu’à ça, elle devrait se taire. Vous trouvez qu’une femme qui sacre paraît moins bien qu’un homme qui sacre? C’est du sexisme intégré. Vous trouvez que j’exagère? Ce livre de 264 pages explique de fond en comble comment on perçoit la politesse et le langage différemment chez les hommes et les femmes.
Mon point? Ce n’est pas parce que t’es une femme que tu dois bien parler. Marie-Chantal peut ben sacrer sur sa page si elle trouve que ça exprime de manière juste son émotion. Maudit bordel.
La matante next door
Je vous propose de ne plus voir Marie-Chantal Toupin comme votre chum de fille, ce temps-là est révolu. En reprenant le concept de girl next door, une fille comme une autre qui pourrait se trouver dans notre entourage, voyez donc MC Toupin comme votre matante avec qui vous aimez écouter OD Grèce parce que ses réactions sont toujours formidables, mais qui exprime aussi ses opinions politiques sur Facebook, partage des citations zen, utilise les parenthèses et la ponctuation comme peu le font, votre matante à qui on doit expliquer pourquoi certaines déclarations ne se disent pas, qu’on trouve parfois qu’elle publie trop souvent, mais qu’on finit toujours par passer rapidement à autre chose.
Je vous propose de ne plus voir Marie-Chantal Toupin comme votre chum de fille, ce temps-là est révolu.
Je souhaite un petit peu de répit pour Marie-Chantal. Lorsqu’on verra ses publications apparaître dans notre Facebook, qu’on soit un peu plus empathique envers sa génération qui est parfois maladroite avec les réseaux sociaux parce qu’au fond…
Toé c’est moé, pis moé c’est toé.