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À la défense du Journal de Montréal

Dès qu’elle en a l’occasion, l’intelligentsia québécoise se soulève contre le Journal de Montréal.

Par
Judith Lussier
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Symbole pour elle de la bêtise humaine (ou du moins de la bêtise québécoise), elle en vient à oublier, dans son intelligence, que tout n’est jamais tout noir ni tout blanc. Lorsque je travaillais pour Quebecor, j’observais la scène avec un peu de frustration et me gardais bien d’intervenir. On m’aurait traitée de soldat de l’empire pour moins. Maintenant que je suis liée à l’empire Urbania, on ne pourra pas m’accuser de grand chose.

Bien sûr, le Journal a parfois sa façon caricaturale de faire passer ses idées populistes et/ou rétrogrades, mais si on lui donne une chance, il peut parfois nous surprendre. Tenez, par exemple, en fin de semaine, la une qui tue disait : «Changement de sexe à vos frais – Québec a déboursé 2,6M$ depuis 2009». Furieuse (pas contre Québec, contre le Journal), je me suis rendue sur le site et j’ai lu l’article au complet pour réaliser qu’il s’agissait d’un papier plutôt favorable à ces dépenses, qui démystifiait relativement bien les enjeux liés au changement de sexe et qui à aucun moment ne remettait en question le bienfondé desdites opérations. J’ai été surprise. Agréablement.

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Pourtant, le titre laissait sous-entendre que 2,6M$ payé par nos taxes, c’était un scandale. Pourquoi ce titre provocateur? Probablement pour provoquer. Pour vendre de la copie, pour faire de l’argent. Peut-être aussi parce que la personne qui a titré la une de cette édition est un gros mononc’ qui fait des jokes de tapettes à l’occasion et qui est révolté contre ces dépenses non chrétiennes du gouvernement. Certainement pas parce que le Journal de Montréal s’est donné pour mission d’éduquer les personnes rétrogrades en les appâtant avec des titres démagogiques vers des articles qui pourraient les faire changer d’idée ou leur ouvrir l’esprit. J’ai dit que tout n’était pas noir, mais tout n’est pas blanc non plus.

N’empêche que le résultat est le même. En fin de semaine, des citoyens payeurs de taxe sont tombés dans le panneau, ont acheté le journal avec le titre qui confirmait tout ce qu’ils pensaient des transsexuels, et se sont retrouvés démunis d’arguments confortant leur idéologie une fois rendus à l’intérieur.

Évidemment, ce n’est pas l’idéal. On préférerait de loin vivre dans une société où tout le monde est totalement ouvert d’esprit et où personne n’a besoin d’être titillé par un gros titre dégueulasse comme ça. Mais on prend la société qu’on a. Et on prend ce qui passe pour la faire évoluer.

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Il y en aura peut-être pour dire que parmi ces citoyens payeurs de taxes, plusieurs auront arrêté leur réflexion au gros titre, mais honnêtement, ces gens-là, je m’en fous, de ce qu’ils pensent.


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